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Quand Mark Zuckerberg défend sa vision de la liberté d’expression

Mark Zuckerberg, le patron et fondateur de Facebook, s’est livré à un long plaidoyer à la faveur d’une liberté d’expression toujours plus élargie, et qui se confond parfois avec celle d’entreprendre. 

« En cas de doute, nous devrions toujours pencher vers une plus grande liberté d’expression ». Dans un long discours à l’université de Georgetown, jeudi 17 octobre, Mark Zuckerberg a exposé son interprétation très large de ce que devrait être la liberté d’expression. Le jeune milliardaire a évoqué les défis auxquels cette vision typiquement anglo-saxonne fait face aujourd’hui. Au premier rang desquels : l’ascension de la Chine, un marché impénétrable pour le groupe américain et les charges répétées de ses détracteurs, notamment dans le camp démocrate.

Éternel technophile optimiste, le patron de Facebook se fait le chantre d’un monde où toujours plus de liberté d’expression est synonyme d’un « monde meilleur ». En substance, le message est : plus les gens ont les moyens de s’exprimer et de se connecter entre eux grâce à la technologie, plus le monde ira bien. La « mission » que s’est donnée Facebook depuis le commencement.

Avec Facebook, la guerre en Irak aurait-elle eu lieu ?

 « Je me souviens quand j’étais étudiant, le pays venait d’entrer de s’engager dans la guerre en Irak. […] Je me rappelle avoir eu l’impression que si plus de gens avaient eu de la voix pour partager leurs expériences, peut-être que les choses se seraient passées différemment. », a-t-il lancé à l’assemblée en ouverture de son discours. 

La conviction du jeune patron de « donner de la voix au gens » et les « connecter entre eux » s’est renforcée au fur et à mesure de la croissance de l’hydre Facebook, raconte-il avec un air grave. Mais, confronté à des scandales à répétition et dépassé par sa propre croissance, il estime aujourd’hui que sa vision de la liberté d’expression (d’entreprendre ?) est menacée.

Six des dix plates-formes mondiales sont chinoises

D’abord par la Chine, un marché des plus dynamiques où Facebook et consorts sont interdits. Dans un élan patriote, Mark Zuckerberg rappelle qu’actuellement six des dix premières plates-formes mondiales sont chinoises.

« Si la plate-forme d’une autre nation établit les règles […] le discours de notre nation pourrait être défini par un ensemble de valeurs complètement différent », alerte Mark Zuckerberg.

Les deux géants mondiaux, la Chine et les États-Unis, se disputent la planète tech, défendant deux visions radicalement différentes des nouvelles technologies et du Net. Mark Zuckerberg se fait le porte-parole de l’ambition américaine. 

« Alors que nos services, comme WhatsApp, sont utilisés par les manifestants et les activistes partout en raison de fortes protections du cryptage et de la vie privée, sur TikTok, l’application chinoise qui grandit rapidement dans le monde, les mentions de ces protestations sont censurées, même aux États-Unis. Est-ce l’Internet que l’on veut ? », pointe le jeune milliardaire dans une vision empreinte de manichéisme.

Le jeune patron pointe du doigt la « bulle Internet chinoise » contrôlée par les autorités et hermétique au monde occidental. Le marché chinois compte plus de 700 millions d’utilisateurs actifs sur les réseaux sociaux, et 300 millions de consommateurs qui achètent en ligne. Un lourd manque à gagner pour les Américains. Les Européens sur ce marché sont quasiment inexistants. 

Rappelons que Facebook a lancé une application sur le même principe que TikTok pour concurrencer l’ascension des Chinois. Baptisée Lasso, cette appli est pour l’instant en test au Mexique.

Répondre à Élisabeth Warren sans jamais la nommer

Mark Zuckerberg profite également de cette tribune pour régler ses comptes avec Élisabeth Warren, la candidate démocrate à l’investiture de 2020 qui plaide pour le démantèlement du groupe Facebook. Pour lutter contre les fausses informations mais aussi la propagande politique, la sénatrice a récemment piégé le réseau social en diffusant un post sponsorisé contenant de fausses informations -selon lesquelles Mark Zuckerberg soutenait Donald Trump. L’objectif ? Montrer que Facebook a trop de poids dans le débat public sans avoir les moyens d’en prendre la responsabilité. 

Facebook ne filtrera pas les publicité politiques

« Nous ne vérifions pas les faits des publicités politiques. Nous ne faisons pas cela pour aider les politiciens, mais parce que nous estimons que les gens devraient pouvoir avoir accéder par eux-mêmes ce que les politiciens disent », s’est justifié Mark Zuckerberg.

Alors que la sénatrice milite pour la suppression des publicités politiques sur le réseau communautaire, le patron de Facebook a botté en touche. Il n’adossera pas ce rôle de filtre. La plate-forme ne fera pas le tri dans les publicités mises en avant par les partis politiques, si les comptes sont vérifiés. Mark Zuckerberg a rappelé tout de même que la traque des fake news passait par la chasse contre les faux comptes, évoquant certains cas au service de la propagande russe

Les colosses numériques aux pieds d’argile ?

Les publicités sont la principale source de revenus de la plate-forme communautaire. À l’échelle mondiale, les revenus publicitaires de Facebook sont en croissance de 26,5% et devraient atteindre près de 70 milliards de dollars cette année, d’après une étude publiée par le cabinet eMarketer en octobre, à laquelle l’AFP a eu accès. Encore un pan de l’économie où un liberté d’expression étendue peut générer des dollars. 

Récemment, cette sacro-sainte liberté d’expression à l’anglo-saxonne défendue par Facebook et les géants américains de la tech a été quelque peu mise à l’épreuve. Alors que les manifestations prodémocratie font rage dans les rues de Hong-Kong, Apple, Google et même Blizzard ont subi les pressions du gouvernement chinois et ont cédé face aux menaces économiques de celui-ci. Il semble plus aisé pour les plates-formes, comme pour leurs patrons, de s’engager du côté des investissements.

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Marion Simon-Rainaud