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Bercy en dit plus sur son projet de collecte massive de données à destination du fisc

Le gouvernement spécifie -un peu- les contours du dispositif de collecte de masse destiné au fisc et aux douanes. Retour sur ce que l’on sait sur cet outil inédit. 

Le traitement automatisé de données aspirées sur la Toile par l’État -sans en avertir le citoyen- suscite des interrogations. Dans l’une des annexes générales au Projet de loi finances (PLF) 2020, le ministère des Finances et de l’Économie justifie le recours à ce dispositif de collecte massive, indiquant que l’administration est « largement démunie pour identifier les fraudeurs, l’exploitation de ces informations ne pouvant être réalisée manuellement qu’à un coût humain disproportionné ».

Une expérimentation sur trois ans

Surtout, dans ce même document, le gouvernement esquisse les contours législatifs et financiers de ce nouvel outil qui devrait être expérimenté pendant trois ans. Si les aspects juridiques sont largement développés dans le document, la description technique pêche encore.

Le futur dispositif va s’appuyer sur deux outils de datamining développés en interne dans les deux administrations concernées. Depuis 2014, le fisc dispose d’un traitement automatisé des données appelé « Ciblage de la fraude et valorisation des requêtes » (CFVR). Les douanes, de même, font appel à ce genre de technologie depuis 2016 au sein de leur Service d’analyse de risque et de ciblage (SARC). Les deux systèmes de traitement automatisé utilisent jusqu’à présent les informations dont disposent les deux administrations, c’est-à-dire uniquement celles que les contribuables leur transmettent.

Un décret du Conseil d’État attendu

L’article 57 étendra ce droit d’exploitation des agents aux données disponibles publiquement sur les plates-formes et les réseaux sociaux. Deux éléments changent radicalement la donne : la quantité de données potentiellement analysées et le mode d’exploitation des données. Sont donc concernées tous les publications, photos, vidéos publiques que vous publiez sur Twitter, Facebook ou Instagram mais aussi sur les plates-formes de mise en relation entre particuliers, telles que LeBonCoin ou encore Vinted. 

Pour cela, le gouvernement prévoit d’instaurer un outil intelligent de collecte de masse par un décret du Conseil d’État. Faire appel à la plus haute juridiction de l’État « présente l’avantage d’assurer la sécurité juridique du dispositif. Elle garantit la transparence et la loyauté envers les utilisateurs de plates-formes et permet au législateur de vérifier si l’objectif poursuivi est justifié au regard de ses effets sur la liberté d’expression », selon le document officiel.

Un coût d’au moins 200 000 euros

Si les aspects juridiques sont largement développés dans l’annexe du PLF, la description technique manque encore de précision. On ne sait toujours pas exactement sur quelles technologies reposera un tel outil. Et surtout si les services ont les moyens techniques de traiter cette quantité astronomique de données. Contacté sur ce point, nous n’avons eu de réponse de Bercy. 

Financièrement, les informations sont également distillées avec parcimonie. Le document explicite que « le coût [de ce nouveau traitement automatisé pour le fisc] est estimé à moins de 200 000 euros pour les premières itérations d’analyse » pour la direction des impôts. Il est précisé que le dispositif « ne fera pas l’objet d’un budget supplémentaire », mais, il n’est pas mentionné comment les prochaines « itérations d’analyse » seront financées ou si cela sera nécessaire.

Le montant des recettes encore inconnu

Pas plus d’information concernant la douane, si ce n’est que le budget alloué au nouveau dispositif s’inscrira dans le cadre « des travaux » de l’actuel « programme 302 », un des axes directeurs de la stratégie douanière française qui vise à « faciliter et sécuriser les échanges ». Côté gain économique, le montant des recettes est encore inconnu même si « potentiellement important ».

L’article 57 prévoit également une évaluation de suivi du dispositif par la Commission nationale de l’informatiques et des libertés (Cnil) et du Parlement. Mais, pour l’instant, la Cnil, invitée à donner son avis en septembre 2019, est plutôt critique sur le dispositif. Pour l’heure, si l’objectif politique est clairement affiché -lutter contre la fraude par tous les moyens techniques disponibles-, la mise en oeuvre reste vague. 

Le processus d’examen du PLF 2020 est en cours. Le budget de l’État pour l’année prochaine a été présenté au Conseil des ministres du 27 septembre 2019 par Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, et par Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics. Les parlementaires ont ensuite deux mois pour le valider, selon une procédure de vote spéciale, pour qu’il soit prêt pour d’ici 2020. Les débats devraient nourrir les interrogations restées sans réponses autour de cet outil inédit. 

Source : Le Projet de loi finances 2020 [PDF]

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Marion Simon-Rainaud