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Comment les trolls russes ont manipulé le débat politique américain sur les réseaux sociaux

Immigration, port d’arme, LGBT, tensions raciales… Les agents du Kremlin se sont positionnés sur des sujets clivants pour faire passer des idées politiques ou polariser le débat.

Le voile se lève de plus en plus sur la manière dont les trolls russes ont influencé la campagne présidentielle américaine. Début janvier, les services secrets américains avaient déjà expliqué dans un rapport que la campagne d’influence médiatique du Kremlin s’appuyait, entre autres, sur des faux comptes pour troller dans les réseaux sociaux. Ces fausses identités seraient opérées depuis une société secrète baptisé Internet Research Agency, située à Saint Pétersbourg. Mais le rapport ne donnait aucun détail sur les opérations menées. De quels comptes parle-t-on ? Quel contenu diffusaient-ils ? Grâce à une enquête interne mené par Facebook, des exemples concrets apparaissent maintenant au grand jour.

Début septembre, le réseau social a révélé qu’environ 3.000 publicités avaient été achetés entre juin 2015 et mai 2017 par 470 faux comptes et fausses pages opérés depuis la Russie. Il s’agissait principalement de « publications boostées », une offre commerciale de Facebook qui permet à l’annonceur d’insérer son message dans le flux des utilisateurs en fonction de leur sexe, leur âge, leur lieu et leurs centres d’intérêt. Ces publicités ont été visionnées par environ 10 millions de personnes, et cela pour un budget total d’environ 100.000 dollars. Dans leur grande majorité, les messages ne faisaient pas directement référence à l’élection présidentielle, mais abordaient des sujets clivants qui prenaient une place importante dans le débat national : l’immigration, le port d’armes, la place de la communauté afro-américaine ou LGBT dans la société, etc.   

Des opinions de droite et de gauche

Les faux comptes étaient créés de telle manière à ce que l’on pense qu’ils soient d’origine américaine. Dans sa communication officielle, Facebook n’a cité aucun nom de comptes, mais le journal The New York Times a pu en identifier quelques-uns, en s’appuyant sur deux sources anonymes qui étaient « proches du réseau social et ses publicités », mais qui n’avaient pas l’autorisation « pour en parler publiquement ».

Certaines pages étaient clairement positionnées à droite, comme « Heart of Texas » qui prônait la sécession de cet état du sud, ou « Being Patriotic », qui cherchait à rallier les citoyens de Floride à la cause de Trump. Il y avait également la page « Secured Borders » qui défendait des opinions anti-immigration et pro-religion. Dans un message, cette page prônait par exemple le soutien de la tradition chrétienne de Noël, que les « libéraux » chercheraient à gommer.

La page « Defend The Second », pour sa part, faisait l’apologie du port d’arme et à l’autodéfense, un droit auquel les électeurs de droite tiennent beaucoup. Dans l’un des éléments de communication, on voyait une femme avec une arme à feu et le texte suivant : « Pourquoi j’ai un pistolet ? Parce qu’il est plus facile pour ma famille de me sortir de prison que de me sortir du cimetière ».

Mais les trolls russes ne se positionnaient pas seulement à droite de l’échiquier politique. Ils animaient également des pages qui défendaient les droits des minorités raciales ou sexuelles. C’était le cas de la page « LGBT United », qui s’affichait fièrement sous les couleurs de l’arc-en-ciel. Il y avait également la page « Blacktivist », qui défendait la cause des afro-américains et qui disposait également d’un compte Twitter.

Anecdote intéressante : en 2015, ce compte incitait à manifester à Baltimore pour protester contre la mort en prison d’un activiste afro-américain. Mais cette action a été décrédibilisée par un pasteur de la ville, Reverend Brown, qui a directement interpellé la personne qui se faisait passer pour le « Blacktivist ». Celle-ci a finalement avoué ne pas habiter à Baltimore. Aujourd’hui, M. Brown sait que son action a permis, en réalité, de neutraliser une opération de propagande russe. 

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Gilbert KALLENBORN