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Pourquoi le site de R&D de ZTE en France va devenir… une brasserie

Dans son centre européen de développement, le géant des télécoms chinois accueille déjà des appartements, des bureaux, mêmes de pavillons. Bientôt, il abritera un restaurant. Le fruit d’un énorme échec de l’entreprise en France. 

Mi-septembre 2019, une brasserie du nom de La Javette va ouvrir ses portes. Elle a tout ce qui a de plus de classique : bavette au menu, soirée after work, petits concerts… si ce n’est qu’elle se situe dans les bureaux conçus par le constructeur chinois ZTE… qui n’ont jamais ouvert. Vacant depuis plus de six ans, le bâtiment de 500m2 « qui n’a jamais accueilli le moindre chercheur ou stagiaire du groupe de téléphonie » tente de se reconvertir, rapporte la Nouvelle République dans son édition du 25 août 2019.

30 00 millions d’euros investis

L’annonce encore visible sur le site de Texier Immobilier, selon le quotidien régional, présente : « Une salle de restaurant de 218 m2, une terrasse de 134 m2, une cuisine neuve entièrement équipée, une chambre froide, une salle de plonge et un salon VIP ». Cet espace devait accueillir la cantine du site. Pour sa seule réalisation, les Chinois auraient investi deux millions d’euros, précise un acteur proche du dossier à la Nouvelle République.

C’est l’avant dernière parcelle qui vient de trouver locataire du complexe de 10 000 m2 construit par ZTE à Chasseneuil-du-Poitou entre 2011 et 2013. Le quotidien poitevin précise que le géant des télécoms chinois avait annoncé qu’il renonçait au projet en 2012 avant la livraison du chantier malgré les 30 millions d’euros investis. Annulant du même coup, un investissement supplémentaire de 50 millions d’euros. Et abandonnant le site en friche.

Risque de cyberespionnage

La raison officiellement évoquée est un accès déloyal au marché français. En avril 2013, un responsable de la division Europe et Amérique du Nord de ZTE confiait aux Echos qu’ils « n’avaient pas accès aux contrats des opérateurs. Nous sommes […] déçus des conditions déloyales qu’on nous impose. » Et de mettre en cause les autorités : « Les organismes d’État font pression sur les opérateurs télécoms pour qu’ils n’achètent pas nos produits. […] L’hostilité envers nous est palpable».

En parallèle, le sénateur Jean-Marie Bockel rendait son rapport parlementaire sur le cyberespionnage préconisant l’interdiction des routeurs chinois. Alors ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg ne cachait pas sa méfiance. Finalement, le site n’a jamais obtenu l’agrément délivré par le Premier ministre pour accéder à ce marché sensible.

600 m2 à louer

Résultat : le site gargantuesque attire de nouvelles activités depuis 2016. Sur 1 350 m2 s’étale un centre de traitement des relations clients de Chronopost. À côté duquel Leroy-Merlin a établi sa direction régionale dans un espace de 350 m2 de l’aile gauche de la tour qui domine la zone d’activité commerciale. Un plateau de 600 m2 idéal pour « un bureau ou une salle de sport » est encore à louer, sur Texier Immobilier.

L’aile droite, en revanche, reste dédiée à ZTE. Mais, y règne une ambiance de fin de monde : « Le rez-de-chaussée et le 2e étage sont inoccupés. Au 1er étage, la représentante de la filiale ZTE France, seule salariée encore en poste, a publié une annonce sur Facebook, en janvier dernier, pour donner tout le mobilier de bureau entassé ». Pour ajouter au tragique du décor, les murs sont encore recouverts des différentes photos d’institutionnels qui se sont pressés de 2005 à 2011 pour serrer des mains.

ZTE, le mauvais cheval

« Les élus n’ont pas misé sur la bonne entreprise, livre une employée au journal local de manière anonyme. Ils ont fait venir ZTE en pensant qu’on allait créer des centaines d’emplois à Poitiers mais ZTE n’a pas réussi à se développer. Notre concurrent Huawei, en revanche, se développe très bien en France et en Europe. »

Outre les entreprises, les habitants de la région occupent également le site. La cinquantaine d’appartements destinés pour les employés et les cinq pavillons prévus pour les cadres sont ainsi loués par des particuliers. « Pour un T3 actuellement disponible, au bord de l’autoroute A 10, comptez un loyer de 660 euros par mois », lit-on dans les colonnes de la Nouvelle république.

Réduit à simple promoteur immobilier, le directeur général de ZTE tente au moins de cautériser la plaine. Il s’est rendu une nouvelle fois sur le site, lundi 26 août, constater l’échec de la stratégie d’implantation de ZTE sur le sol français. Le gouffre financier engendré par le site poitevin est devenu l’épine de tous les conseils d’administration du groupe chinois.

Source : La Nouvelle République

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Marion Simon-Rainaud