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L’économie numérique polynésienne suspendue aux câbles sous-marins

Avec le haut débit, le câble sous-marin Honotua qui relie Hawaii à Tahiti a réuni les conditions favorables à l’émergence d’une économie numérique locale. La liaison avec les Samoa prévue fin 2019 et celle avec le Chili envisagée en 2022 pourraient accélérer sa mue.

Difficile d’envisager le développement d’une économie numérique viable sans une couverture internet étendue, et robuste. Les 280 000 habitants de la Polynésie Française ne le savent que trop bien. Jusqu’en 2010, la connexion internet de l’archipel n’était assurée que par voie satellitaire, puis distribuée aux usagers par un réseau cuivre. Au-delà de la stabilité relative de ce mode d’accès, les débits offerts étaient à la fois très réduits, et hors de prix. Il fallait ainsi compter entre 45 et 50 euros par mois pour une connexion de 2 Mbits/s, là où en métropole les offres triple play à 100 Mbits/s à moins de 30 euros florissaient déjà. Résultat, seuls 40% des foyers polynésiens étaient connectés à Internet.

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En juin 2010 a été mis en service le câble sous-marin Honotua, entre Hawaii et Tahiti. Les Îles Hawaïennes étant elles-mêmes reliées au réseau mondial par plusieurs câbles de près de 4000 km en provenance de la côte Ouest américaine. Honotua a permis une hausse des débits, dans un premier temps sur l’île principale de l’archipel polynésien, Tahiti. Les particuliers avaient alors accès à des connexions autour de 6 Mbits/s pour un tarif qui restait aux alentours de 45 à 50 euros par mois. Toujours plus cher qu’en métropole, mais la connexion était alors bien plus stable qu’auparavant, et sans les latences du satellite.

4 liaisons 10 Gbits pour tout l’archipel

Il a fallu attendre décembre 2018 pour étendre le haut débit aux autres îles de l’archipel (les Tuamotu et les Marquises), via une nouveau câble sous-marin local baptisé Natitua. Ce câble a permis de proposer à 22 000 polynésiens (et 40 000 touristes) des offres internet similaires à celles en place à Tahiti depuis 2010. Une avancée en phase avec la volonté du gouvernement polynésien de réduire la fracture entre Tahiti et les îles “secondaires” de l’archipel. Entre temps, la liaison Honotua en provenance de Hawaii a été optimisée pour offrir une bande-passante de 40 Gbits/s (4 liaisons optiques de 10 Gbits), et permettre ainsi l’émergence de la fibre. Celle-ci couvre aujourd’hui 40% de la population polynésienne, essentiellement à Tahiti pour le moment.

Les plus chanceux sont reliés en FTTH avec des débits pouvant aller jusqu’à 50 Mbits. Les autres sont reliés aux nœuds optiques par des terminaisons cuivre qui leur donnent tout de même accès à des débits de l’ordre de 30 à 40 Mbits/s. Des débits qui pourraient faire des envieux dans certaines zones rurales françaises.

La Polynesian Tech au service d’un web Français qui ne dort jamais

Ces câbles sous-marins ont ouvert de nouvelles perspectives économiques. On observe ici un intérêt plus marqué des jeunes générations pour les carrières web, et une scène start-up en pleine éclosion. La pépite locale LeadBees n’aurait jamais pu voir le jour sans Honotua, c’est certain. Pour accompagner ce mouvement, le gouvernement a voté un plan d’action baptisé Smart Polynesia, qui comporte une soixantaine d’activations ventilées en cinq axes dont “l’écosystème numérique” ou la “gouvernance numérique”. Smart Polynesia se définit comme “une dynamique de discussion entre les pouvoirs publics, les acteurs du secteur […] autour d’un projet collaboratif permettant de maintenir les actions en phase avec un monde digital en constante évolution.”

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Les offres de l’opérateur local Vini

Si les voyants sont tous au vert, il reste encore du chemin à parcourir. Les débits ont progressé certes, mais les tarifs sont toujours encore très élevés : 110 euros pour un accès 50 Mbits/s, quelques dizaines de chaînes TV et 2 heures d’appel vers l’international. Il faut dire aussi que les câbles sous-marins représentent un investissement relativement colossal (75M pour Honotua, 54M pour Natitua) que la faible population de Polynésie peine à amortir. 

Les projets de déploiement ne vont pas aider à faire baisser la facture. Fin 2020 commencera le déploiement d’un nouveau câble sous-marin entre les Îles Samoa et Tahiti pour un coût de 18 millions d’euros. Cette nouvelle liaison permettra de renforcer la connexion de l’archipel, et offrira une solution de secours en cas de souci avec Honotua. Et le Président Polynésien Edouard Fritch a rencontré son homologue chilien en septembre 2019 pour lancer l’étude d’un projet de câble entre les deux pays qui pourrait aboutir en 2022. L’enjeu, pour le Chili, étant de connecter l’île de Pâques et d’être relié à l’Asie, via Tahiti, sans passer par les Etats-Unis.

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Christofer Ciminelli, directeur de la rédaction