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Microsoft attaque Google… pour abus de position dominante

Les temps changent : plusieurs fois condamné pour abus de position dominante, l’éditeur américain s’associe à l’enquête de la Commission européenne sur les allégations d’infractions aux règles antitrust par Google en Europe.

C’est une première. Le mastodonte Microsoft, attaqué par l’Etat américain à la fin des années 1990 pour pratiques anticoncurrentielles, condamné par l’Union européenne en 2004 à payer 497 millions d’euros pour abus de position dominante sur le marché des lecteurs multimédias, attaque à son tour un concurrent pour les mêmes raisons. Dans un long article au titre très diplomatique : « Ajoutons notre voix à l’inquiétude à propos la recherche en Europe », Microsoft annonce s’engager dans une violente bataille contre les pratiques anticoncurrentielles de Google. L’éditeur américain n’aurait-il pas apprécié d’être accusé de tricherie par son rival ?

Redmond s’associe en réalité à une enquête de la Commission européenne déjà lancée à la fin du mois de novembre 2010 à propos de possibles infractions de Google aux règles antitrust sur le marché de la recherche. Une enquête principalement motivée par les plaintes de plusieurs moteurs de recherche, comme eJustice (qui vient de compléter sa plainte), Foundem et… Ciao, qui n’est autre qu’une filiale de Microsoft.

C’est désormais la maison mère qui fait feu, maintenant qu’elle a lancé son moteur de recherche Bing, un service que « beaucoup considèrent comme le plus innovant du marché », selon les propos de Brad Smith, vice-président de Microsoft, dans le billet annonçant la plainte de la firme. Il faut dire que Bing peine à émerger en Europe où Google écrase littéralement la concurrence avec 95 % de parts de marché, selon l’éditeur. « Ceci contraste avec la situation aux Etats-Unis où Microsoft fournit environ un quart des besoins de recherche, soit directement avec Bing soit grâce au partenariat avec Yahoo! », indique Brad Smith.

Google accusé de cloisonner ses données

Mais que reproche exactement Microsoft à Google ? D’abord d’emprisonner ses données. Brad Smith formule ainsi une critique fondamentale à son concurrent : il a, selon lui, « mis en place son business en indexant et en affichant des extraits du contenu d’autres organisations. Google comprend aussi bien que quiconque que les moteurs de recherche dépendent de l’ouverture du Web pour fonctionner correctement et se plaint vite quand d’autres vont à l’encontre de cela. Malheureusement, Google s’est engagé dans un schéma grandissant de cloisonnement des contenus et des données dont ses compétiteurs ont besoin pour fournir des résultats de recherche aux consommateurs et attirer des publicitaires. »

Pour illustrer ses dires, Microsoft donne plusieurs exemples. Il évoque d’abord YouTube, propriété de Google, sur lequel le moteur aurait mis en place une liste de mesures afin d’empêcher ses concurrents d’accéder correctement à ses contenus. Un protectionnisme que l’on retrouve sur mobile, d’après le géant de Redmond : « Google a refusé d’autoriser les nouveaux Windows Phone de Microsoft à accéder aux métadonnées de YouTube, comme le font les téléphones Android et les iPhone. » Brad Smith se plaint ainsi de n’avoir sur Windows Phone qu’une application qui n’est autre que la version mobile du site, alors qu’on se dit prêt, chez Microsoft, à lancer une application native de « grande qualité » pour YouTube.

Le cas des livres orphelins

Il évoque ensuite le cas des livres dits « orphelins », ceux dont on ne trouve pas les ayants droit, mais pas encore tombés dans le domaine public. Microsoft accuse Google de vouloir s’octroyer l’accès « exclusif et sans entrave » à ces œuvres. D’après Brad Smith, selon les plans de Google pour son service de recherche de livres, son moteur serait le seul à pouvoir dénicher ces fameux ouvrages. Une cour fédérale américaine a déjà compromis les plans de Google en la matière, mais Microsoft souhaiterait qu’il en soit de même « pour le reste du monde ».

Viennent enfin les soucis que posent, selon Microsoft, une telle situation aux autres clients de Google : les publicitaires. L’éditeur indique qu’il n’est pas logique que Google interdise aux publicitaires de réexploiter les données qu’ils utilisent dans ses services de publicité ciblées dans d’autres systèmes comme… AdCenter de Microsoft, au hasard. Ce qui rendrait des campagnes de pub plus compliquées et plus coûteuses à monter chez ses concurrents. Microsoft critique par ailleurs les contrats d’exclusivité que passe Google avec certains importants sites Web européens, les empêchant d’utiliser d’autres « boîtes de recherche » comme celles de Bing.

« C’est la première fois que Microsoft s’engage dans une telle procédure », précise Brad Smith, en concluant qu’il sait pertinemment que certains « dénicheront l’ironie dans cette plainte, Microsoft ayant passé plus d’une décennie de l’autre côté de la barrière avec la Commission européenne ». Une chose est sûre, dans le monde des nouvelles technologies, les choses évoluent très, très vite.

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Eric le Bourlout