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Un ancien directeur accuse Google d’avoir trahi ses valeurs morales fondatrices

Alors que la devise de Google est « ne pas faire de mal », Ross LaJeunesse, un ancien ponte du groupe, reproche à son ex-entreprise de l’avoir désormais reniée. 

« Défendre les femmes, la communauté LGBTQ, mes collègues de couleur et les droits humains m’ont coûté ma carrière. » Ross LaJeunesse, l’ancien directeur des relations internationales de Google accuse, dans un récit acerbe, publié sur Medium le 2 janvier, le géant du Web d’avoir abandonné ses valeurs morales fondatrices. En poste depuis 2008, l’ex-Googler a décidé de partir en mai 2019 -d’après les informations de son profil LinkedIn.

« Ne pas faire de mal »

« Je n’avais pas besoin de preuves supplémentaires que la devise [de Google], ”ne pas faire de mal”, ne reflétait plus véritablement les valeurs de l’entreprise. Ce n’était plus qu’un outil marketing comme d’autres », raconte l’ancien cadre dans son article.

Marié à un homme, Ross LaJeunesse reproche à Google sa culture d’entreprise « intolérante » à l’égard des femmes, mais aussi des personnes non-blanches et des minorités sexuelles. Et l’ancien responsable va plus loin. Pour lui, le moteur de recherche américain se rend complice de violations des droits humains en Chine ou en Arabie saoudite.

« Il y a une différence de taille entre vendre des espaces publicitaires […] et travailler avec le gouvernement chinois sur l’intelligence artificielle ou héberger des applications du gouvernement saoudien, y compris Absher, qui permet aux hommes de pister et contrôler les déplacements des membres féminins de leur famille », assène-t-il.

https://twitter.com/RossforMaine/status/1212873355902062593

Après plus de dix ans en son sein, Ross LaJeunesse considère que Google ne prend plus en considération le respect des droits humains dans le développement de nouveaux produits ou la signature de nouveaux contrats, comme c’était le cas avant. Ce changement est pour lui une sorte de trahison de l’identité de l’entreprise. l’ancien directeur revient en détail, dans son article, sur la collaboration de Google avec la Chine, interrompue en 2010 par les fondateurs Larry Page et Sergey Brin, notamment à cause de la censure.

Un soutien « sans faille » ? 

« Notre soutien aux organisations de défenses des droits de l’Homme est sans faille », a réagi une porte-parole de Google, sollicitée par l’AFP. « Ross s’est vu proposer un nouveau poste au même niveau et avec la même rémunération [dans le cadre d’une réorganisation du groupe], qu’il a refusé. Nous lui souhaitons de réussir dans ses ambitions politiques », a-t-elle précisé faisant allusion à son engagement dans la campagne pour devenir l’un des deux sénateurs de l’État du Maine en novembre 2019.

En février, comme le rapporte le Washington Post, Ross LaJeunesse a appris que son poste allait être supprimé dans le cadre de la réorganisation interne de l’entreprise. Il raconte qu’il s’est effectivement vu offrir un nouveau poste de direction… Mais ce rôle s’apparentait, pour lui, plutôt à celui d’un lobbyiste déguisé. Avant la refonte, Ross Lajeunesse chapeautait une équipe de 23 personnes qui travaillait sur des questions telles que la sécurité électorale en Amérique latine ou la lutte pour l’avenir d’Internet contre les ambitions autoritaires de la Russie et la Chine. Mais il était également chargé d’établir des relations avec de nombreuses organisations de la société civile qui s’opposent à Google.

Dans les rangs de Google, la contestation gronde

La voix de Ross LaJeunesse s’ajoute à la contestation qui monte en interne chez Google. Récemment promu à la tête de la maison-mère Alphabet, Sundar Pichai fait face à la fois aux pressions croissantes des gouvernements sur des questions de respect de la vie privée, de concurrence ou d’impôts, mais aussi de ses employés. Comme Ross LaJeunesse, ils reprochent au groupe d’avoir largement dévié des idéaux gravés dans le code de conduite des débuts.

« Il ne suffit pas de dire que nous croyons aux droits de la personne », a déclaré David Kaye, rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté d’opinion et d’expression dans les colonnes du Washington Post. « Il est extrêmement important pour des gens comme Ross [LaJeunesse], qui plaident en faveur des droits de la personne au sein de l’entreprise, d’avoir l’appui de l’entreprise elle-même — de la haute direction à la direction. » Les deux hommes avaient interagi ensemble à l’époque où Ross LaJeunesse travaillait chez Google. 

Au final, Ross LaJeunesse regrette la direction prise par Google « juste au moment où nous avions besoin d’une perspective des droits de la personne pour toutes nos activités […] nous sommes allés dans la direction opposée ».

Source : The Washington Post

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Marion Simon-Rainaud