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5G et santé, le débat impossible

La question de l’impact sanitaire de la 5G est particulièrement sensible en France. Le lancement du standard de téléphonie mobile sera toutefois encadré avec une rigueur particulière dans notre pays. 

La 5G suscite des discussions passionnées et des pétitions en pagaille. La tribune signée par une soixantaine d’élus écologistes ou de gauche pour réclamer un moratoire jusqu’à l’été 2021 dans le Journal du Dimanche a polarisé encore un peu plus les Français sur ce débat. La question la plus souvent soulevée est celle de l’impact des antennes 5G sur la santé. Nous faisons le point sur ce sujet que nous avions déjà exploré une première fois.

Il existe déjà un cadre réglementaire strict

En clair, il s’agit de savoir si les Français seront davantage exposés aux champs électro-magnétiques émis par les stations de base 5G qu’avec celles de la 4G. Les scientifiques se concentrent uniquement sur les effets thermiques de la 5G sur notre corps, c’est-à-dire l’échauffement de nos tissus.

Or, il existe déjà un cadre réglementaire. Les antennes doivent se plier à des valeurs limites qui dépendent des bandes de fréquence utilisées. La 5G sera soumise aux mêmes règles que la 2G ou la 4G. Mais le réseau 5G n’existant pas encore en France, impossible par définition de le mesurer. Il a donc fallu chercher ailleurs des éléments d’extrapolation. Alors, la France prend-elle un risque en lançant la 5G dès la fin de l’année sans plus attendre ?

Le rapport de l’Agence sanitaire attendu en 2021

Dans un premier rapport, l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’Environnement et du travail) a estimé que l’on manquait de littérature scientifique sur le sujet. De plus, elle ne rendra ses conclusions sur les effets biologiques de la 5G qu’au premier trimestre 2021. Cette absence de réponse claire a laissé le doute s’instiller.

La 5G sera uniquement déployée dans l’immédiat sur des fréquences se situant entre 3,4 et 3,8 GHz que l’on désigne pour résumer par « la bande des 3,5 GHz ». Elle est déjà utilisée dans notre pays, notamment dans le cadre du THD Radio (technologie qui permet d’accès au haut et très haut débit fixe en s’appuyant sur le réseau mobile) ou du WiMax (standard de communication sans fil), sans que l’on ait constaté de problème particulier.

Les signaux de la 5G sont plus difficiles à mesurer

Ce n’est toutefois pas qu’une question de fréquence. La 5G repose sur de nouvelles techniques qui rendent ses signaux très spécifiques concernant la modulation et la puissance. En l’occurrence, les niveaux d’exposition vont varier suivant les usages. Ils dépendront aussi de la focalisation du faisceau et du nombre de faisceaux pilotés par l’antenne, ainsi que de la demande de données par les terminaux dans le faisceau. L’ANFR (Agence nationale des fréquences) a dû mettre en place un nouvel indicateur de mesure et adapter ces protocoles.

Elle a surveillé tous les sites pilotes ouverts depuis 2018 en 5G dans la bande 3,5 GHz sur notre territoire. Ses premières mesures ont été publiées dès le mois d’avril dernier avec des conclusions très rassurantes. Les résultats se situaient très en dessous des valeurs autorisées de 61 V/m.

On manque de mesures réelles

Plus récemment, l’ANFR a également réalisé une simulation de réseau 4G et 5G spécifiquement en zone urbaine dense. Son étude conclut que même sans 5G, l’exposition aux ondes émises par la 4G augmenterait du fait de l’explosion du trafic mobile.

Quant à la 5G seule, dans la bande 3,5 GHz, elle aurait pour effet un accroissement de l’exposition, mais dans des niveaux très faibles et toujours en-dessous des valeurs limites. Toutefois, rappelons qu’il ne s’agissait pas de situations réelles avec des réseaux ouverts au grand public. Il demeure donc nécessaire de poursuivre les contrôles avec de la « vraie 5G » lorsqu’elle sera lancée. Et surtout, il faudra pratiquer des mesures à l’intérieur des bâtiments, ce qui n’a pas été fait jusque-là.

Le gouvernement a publié un rapport comparatif des effets de la 5G dans 26 pays qui l’avaient déjà lancée. Il a conclu qu’il n’y avait pas de risque avéré pour la santé avec la 5G… un peu vite. Car la plupart des agences sanitaires concernées n’ont en réalité pas mené d’investigations, considérant qu’il n’y avait pas d’enjeu sanitaire avec la 5G. Elles se sont contentées d’extrapoler les effets de la 5G à partir des études sur les générations précédentes ou sur des bandes de fréquence proches du 3,5 GHz, comme le 2,5 GHz, utilisé pour le Wi-Fi. La France fait partie des pays les plus rigoureux sur cette question puisqu’elle considère qu’il est nécessaire d’aller au-delà.

Les cas complexe des ondes millimétriques

Les ondes millimétriques suscitent tous les fantasmes et alimentent les théories du complot les plus folles. En Europe, c’est la bande 26 GHz qui a été choisie pour la 5G. Mais son attribution n’aura pas lieu avant la fin 2022 en France. La bonne nouvelle, c’est que cette fréquence est haute avec peu de portée, ce qui signifie qu’elle pénètrera moins à l’intérieur de notre corps. Mais c’est aussi ce qui fait sa faiblesse… car cela va obliger les opérateurs à installer davantage de petites antennes, dites small cells.

Un certain nombre de pays comme les Etats-Unis exploitent déjà les ondes millimétriques de la 5G, mais sur une autre fréquence. Et là encore, l’Anses pointe le manque d’études sur le sujet. En France, plusieurs sites pilotes utilisent actuellement le 26 GHz à titre expérimental que l’ANFR scrute évidemment de près. Par ailleurs, elle avait mené en 2017 des expérimentations sur des small cells en 4G, auxquelles nous avions pu assister, sans noter d’effet sur le niveau d’exposition moyen du public.

La situation est complexe. D’un côté, les antennes 5G seront plus intelligentes et n’émettront que lorsqu’elles auront repéré des utilisateurs. Un progrès par rapport à la 4G, qui « arrose » en permanence à 120 degrés, y compris les populations qui ne possèdent pas de smartphone. De l’autre, le signal des antennes 5G focalisera davantage d’énergie en direction des smartphones. Et ces systèmes réagiront de façon dynamique à l’environnement qui les entoure. Là encore, il va falloir adapter les protocoles de mesure. Mais il est probable que les utilisateurs soient davantage exposés dans certaines configurations. Ce qui ne sera pas une catastrophe si les valeurs limites réglementaires sont respectées.

Le risque se situe plutôt du côté des smartphones

Ce que l’on peut dire pour le moment, c’est que la 5G ne semblerait pas poser plus de problème de santé que la 2G ou la 3G. Quant à l’Anses, elle a prévenu qu’elle ne serait de toutes façons pas en mesure de trancher définitivement le débat sanitaire quand elle rendra son rapport tant attendu, début 2021. Parce qu’il est impossible de prouver scientifiquement qu’une technologie ne comporte aucun risque. Il est donc illusoire d’attendre un hypothétique feu vert. Et suspendre le lancement de la 5G jusqu’à cette date ne changera pas grand chose. L’Agence fait malgré tout observer que si danger il y avait, il serait plutôt à rechercher du côté des émissions des smartphones et non des antennes, dont la puissance diminue rapidement avec la distance.

L’usage du téléphone mobile est effectivement suspecté par l’OMS d’être, à long terme et en cas de très forte exposition, un cancérogène possible pour l’homme. Mais le risque certain n’est pas avéré. Et là encore, il existe un cadre pour encadrer l’émission des ondes électro-magnétiques des smartphones. Les appareils doivent en effet respecter le DAS (Débit d’absorption spécifique) qui dépend de la bande de fréquence utilisée. Il faudra suivre encore avec attention les mesures réalisées en laboratoire. Mais lorsqu’un appareil dépasse les limites autorisées, sa marque est sommée de le mettre en conformité ou de le retirer du marché.

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Amélie CHARNAY