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Sous l’écorce, la puce

Pour mieux prendre soin des 95 000 arbres de Paris, les services municipaux ont implanté une puce RFID dans leurs troncs. Une énorme base de données conserve leur histoire en mémoire.

Depuis le mois de mai, tous les ateliers de bûcherons de la ville de Paris sont équipés de tablettes PC et de lecteurs de puce. Ils sont prêts à mettre en ?”uvre un vaste programme de gestion informatisée du patrimoine arboricole de la ville.Si vous surprenez un homme en vert en train d’approcher un petit boîtier rond du tronc d’un arbre, puis d’écrire avec un stylet sur un ordinateur suspendu autour du cou, pas de panique : c’est que vous êtes en présence d’un bûcheron du XXIe siècle à qui son chef d’atelier a remis ce matin-là une liste d’arbres à élaguer ou à inspecter lors des deux tournées annuelles pour vérifier leur bonne santé.‘ Nous avons commencé à implanter des transpondeurs dans les arbres en 1998. Ce sont les mêmes puces que celles que les vétérinaires mettent sous la peau des animaux domestiques ou sauvages pour servir de carnets de santé ‘, explique Caroline Lohou, chef de la circonscription des études végétales à la direction des parcs, jardins et espaces verts de la mairie de Paris.

Des informations en temps réel

La différence est que les puces insérées dans les troncs des arbres contiennent uniquement un numéro d’identification. Il se compose de quatre éléments : la rue, la section de la rue, la rangée d’arbres et la position dans la rangée. Avec ce numéro, impossible de confondre deux arbres. C’est là le premier avantage de ce programme. ‘ Auparavant, quand un bûcheron se trompait en comptant, lorsqu’il cherchait un arbre dans un long alignement comme sur le boulevard Arago qui en compte 900, il devait recommencer depuis le début ‘, raconte Caroline Lohou. Grâce à la puce, il va droit au bon arbre.Les puces deviennent vraiment utiles quand on les couple avec la base de données recensant les 95 000 arbres d’alignement, tous les platanes (espèce la plus représentée avec 33 715 unités), marronniers, tilleuls et autres érables, qui apportent ombre et oxygène à la capitale. Car il existe depuis 1996 une base de données maison contenant une fiche phytosanitaire basique pour chaque arbre. Il y a six ans, la ville de Paris décide d’étoffer la base de données. La fiche de chaque arbre comprend désormais des renseignements immuables (date et méthode de plantation, environnement de l’arbre). Mais c’est aussi une mémoire dans laquelle sont consignés tous les événements de la vie de l’arbre. On y trouve principalement des observations (mesures, description de plaies, présence d’insectes ou de champignons) et des opérations (fertilisation, élagage, arrosage pendant les trois premières années, traitements phytosanitaires, proposition d’abattage).Tous les matins, le chef d’atelier donne une liste d’instructions à ses bûcherons en fonction des informations que lui livre un logiciel sur son PC. Il sort un plan pour ses équipes : 100 arbres à élaguer sur telle artère, des arbres morts à abattre à tel endroit. Sur place, les bûcherons identifient les arbres concernés via leurs puces RFID, effectuent leur tâche et consignent les opérations réalisées sur leur tablette.De retour à l’atelier, ils placent la tablette sur une station d’accueil et les informations sont validées puis synchronisées avec la base de données centrale. Jusque-là, la base de données était mise à jour une fois par an ! Dorénavant, tous les acteurs ont accès à des données à jour presque en temps réel grâce à une saisie unique. Restent même en mémoire dans les archives les arbres abattus ?” 1 500 tombent sous le coup des haches tous les ans parce que morts, dépérissants ou dangereux. Leur abattage, qui doit être autorisé par le maire d’arrondissement et le préfet, est facilité par cette gestion informatisée jusqu’à l’étape finale, l’enlèvement de la souche. Les techniciens chargés de cette tâche demandent au logiciel de leur signaler les souches à enlever.Cela représente un gain de temps énorme par rapport à l’ancienne méthode. ‘ Certains bûcherons aiment le nouveau système et prennent même le temps d’entrer des données antérieures. D’autres sont plus réticents ‘, constate Caroline Lohou.Pas toujours facile de passer de la hache à… l’ordinateur.Mais le nouveau système de gestion n’est pas seulement utile aux bûcherons. Dans les bureaux de la circonscription des études végétales, dont a la charge Caroline Lohou, on se réjouit de ce nouvel outil.

La révolution est en marche

Les techniciens, chargés d’étudier l’adaptation des espèces en ville et de concevoir de nouvelles techniques pour les gens de terrain, pourront dorénavant puiser dans la base de données pour établir toutes sortes de statistiques révélatrices. ‘ Nous sommes responsables du suivi des jeunes plantations, des techniques d’arrosage et de l’évolution des maladies. La gestion informatisée des arbres d’alignement va nous apporter des statistiques précieuses ‘, escompte Caroline Lohou.Pour l’instant, seuls sont concernés les arbres d’alignement. Plus exposés aux mauvais traitements et accidents divers que ceux des parcs, ils font l’objet de plus de soins de la part des bûcherons. Restent les autres arbres de Paris au nombre de 35 000 dans les cimetières, 35 000 dans les parcs et jardins, 8 000 autour du périphérique et 300 000 dans les bois de Boulogne et de Vincennes dont Paris a la charge. Mais aucun projet de tatouage numérique n’est pour l’instant envisagé pour cette véritable armée d’arbres.C’est Jean-Charles Alphand qui serait surpris. Responsable du service des promenades et des plantations, ancêtre de la direction des parcs, jardins et espaces verts, cet ingénieur était chargé de verdir la capitale au moment où le baron Haussmann lançait ses grands travaux d’embellissement. Des puces électroniques dans les arbres ? Une révolution, assurément

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Isabelle Boucq