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Que restera-t-il de nos amours ?

Pour les zélateurs du numérique ­ dont, avouons-le, nous faisons souvent partie ­, celui-ci serait le nec plus ultra, le remède absolu au vieillissement dont souffrent…

Pour les zélateurs du numérique ­ dont, avouons-le, nous faisons souvent partie ­, celui-ci serait le nec plus ultra, le remède absolu au vieillissement dont souffrent les productions et les reproductions ‘ analogiques ‘. Produits directement en mode numérique ou transformés en chaînes de 0 et de 1 par la magie de la numérisation, images, sons et textes sont promis à une jeunesse éternelle : les données numériques ne s’usent pas, et leur reproduction ne souffre d’aucune altération. Magnifique ! Sauf qu’il n’en est rien. Car si les données sont inaltérables, les supports qui les renferment sont loin de l’être, et les procédés capables de les traduire à nouveau en images, en sons ou en textes, encore moins. Tous ceux qui pratiquent l’informatique depuis un certain temps l’ont expérimenté à leurs dépens : un disque dur, une disquette peuvent devenir illisibles du jour au lendemain. Et l’enquête de ce numéro de l’OI montre qu’il en va de même des CD gravés. Mais il y a pire : c’est l’obsolescence des lecteurs et l’absence de garantie sur la compatibilité future des formats d’enregistrement. Je possède des photos de mon grand-père durant la guerre 1914-1918 et ses carnets de note, en parfait état ; pour peu que j’y fasse attention, je pourrais les transmettre à mes petits-enfants. En revanche, si je ne me décide pas à retranscrire rapidement le contenu des disquettes Mac sur lesquelles je conserve mes anciens articles, celles-ci seront vraisemblablement illisibles dans dix ans. Et le même phénomène se reproduira sans doute pour mon stock de photos numériques. Bref, si la pierre de Rosette avait été un CD-Rom, il y a fort à parier que nous n’aurions jamais pu traduire les hiéroglyphes ! Et ne parlons pas d’Internet, qui nous pousse à ne pas conserver d’archives, puisqu’on trouve tout sur cette immense bibliothèque… jusqu’à ce que le site ferme et que le contenu passionnant qu’il renfermait disparaisse. Qu’on se rassure tout de même : les organismes spécialisés dans l’archivage passent une partie de leur temps à réenregistrer les ?”uvres au gré de l’évolution des techniques ; le patrimoine ‘ officiel ‘ sera donc sans doute sauvé. Mais qu’adviendra-t-il de celui de chacun d’entre nous ? Effrayant paradoxe : grâce au numérique, on peut envoyer la photo d’un nouveau-né à l’autre bout du monde en quelques secondes, mais rien n’assure que devenu adulte, il pourra encore la voir…

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Bernard Montelh