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Piqûre, du talent à défaut de moyens

Tout le monde vous le confirmera : pour faire du cinéma, il faut du temps, de l’organisation et des moyens. Et pour un court-métrage ?… Eh…

Tout le monde vous le confirmera : pour faire du cinéma, il faut du temps, de l’organisation et des moyens. Et pour un court-métrage ?… Eh bien, c’est pareil, sauf qu’il faut alors ajouter à la liste un sol ide sens du système D, une capacité à convaincre hors du commun et encore plus de temps et d’organisation pour compenser la faiblesse des moyens. Et comment fait-on lorsque l’on n’a pas de moyens du tout ni aucun sens de l’organisation ? Tout le monde vous le dira : dans ce cas, vous êtes très mal parti. En fait, dans cette situation, il n’y a qu’une seule vraie solution envisageable : appliquer la méthode du docteur Pageot. Sévissant sous le nom de Charlie Mars, Martin Pageot s’est retrouvé confronté à ce problème : comment réaliser un court-métrage de bon niveau sans moyens, sans aucune prédisposition à l’organisation, bref sans aucun des critères requis habituels ? Sa réponse a été simple : remplacer le manque de moyens par de l’imagination, l’absence d’organisation par de l’imagination et puis tant qu’on y est, tout ce qui manquait encore par de l’imagination. Et pour verrouiller le tout, s’entourer d’une bande de joyeux drilles talentueux prêts à donner un coup de main. Le résultat : un petit film épatant au titre curieux, Piqûre, et au scénario épais comme un ticket de bus : un quidam se rend chez le médecin pour se faire faire une piqûre et il a une peur bleue. La force de ce film tient à la qualité des acteurs, ainsi qu’à celle des images. Compliquée, la direction d’acteurs ? Martin sourit : ‘ Non, pas compliqué, c’est un travail d’équipe. Rémi Fenta, le moustachu qui joue le médecin, n’est pas comédien dans la vie, c’était même son premier film. Yves Marie, le personnage principal, est un dur, un tatoué, chanteur de rock. ‘ Bon, la question de l’équipe de tournage étant réglée, reste celle du matériel de tournage, car, comme nous l’avons dit, Piqûre est un court-métrage élaboré, à la qualité d’image remarquable. Il va de soi que les poches vides de Martin ne lui permettaient même pas d’utiliser une caméra. Comme il n’est pas homme à se laisser démonter par ce menu inconvénient, Piqûre a été tourné avec un petit compact photo, un Canon PowerShot A 200 de… 2 millions de pixels, et deux lampes issues du catalogue d’un fabricant de matériel de chantier !Tourner un film avec un compact photo peut sembler une idée bizarre… sauf si l’on fait un peu d’arithmétique. Certes, les vidéos produites par les compacts ne peuvent pas rivaliser avec le résultat des caméras DV. Mais qu’advient-il si au lieu d’utiliser la vidéo du compact, on filme images par images ? Le format DV classique définit une image de 720 x 576 pixels, soit environ 400 000 pixels par image. Le Canon PowerShot A200 utilisé par Martin produit des images de 2 millions de pixels, un peu faible pour des photos destinées à être agrandies, mais c’est largement, très largement supérieur à ce que produit une caméra DV, même de très haute qualité. Le film Piqûre a donc été tourné images par images. La différence de format (720 x 576 pour le DV contre 1 600 x 1 200 pour le compact) a permis de réaliser certains effets de déplacement de l’image en post-production. Une post-production qui est la botte secrète de Piqûre. Si le film a été tourné avec des moyens légers, le travail de post-production a été assez considérable. Le film dure trois minutes et vingt secondes. À raison de quinze images par seconde (au lieu des vingt-quatre traditionnelles, ce qui lui donne un petit aspect saccadé dans l’esprit des films muets), le tournage cumule quand même 3 000 images ! Ces images ont été assemblées avec Quicktime puis montées avec Premiere. Au total, le film représente une cinquantaine de plans qui ont été traités avec After Effects pour leur ajouter un rendu colorimétrique particulier ainsi qu’un vignettage.

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Luc Saint-Élie