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Le piratage, une histoire sans fin

Films, jeux, musique, logiciels, BD, livres rares… Pour ceux qui savent où et comment chercher, Internet est une véritable caverne d’Ali Baba. Les sources de téléchargement se multiplient. Certaines à la frontière de la légalité, d’autres hors la loi. La répression a beau se renforcer, le piratage se banalise.

A la croisée des mondes, Enchanted, Bee Movie, Alvin and the Chipmunks ?” autant de films pas encore ou tout juste sortis sur les écrans ?”, les versions ‘ crackées ‘ d’Adobe CS3, d’Office 2007, voire de Windows XP ou même de Vista, les dernières saisons de séries comme 24H Chrono, Desperate Housewives ou Weeds… La Toile est un vaste supermarché où, moyennant un minimum de connaissances et de perspicacité, à peu près tout se trouve gratuitement. Le cinéma et les logiciels ne sont pas les seuls ciblés par les pirates du Web : musique, bandes dessinées, magazines et livres numériques, cours et tutoriels sont aussi très recherchés. Il est même possible de dénicher des livres rares ou épuisés, numérisés et mis à disposition par des passionnés.L’avènement d’Internet et la dématérialisation de la musique ont bouleversé la donne. Le haut débit (14,2 millions de foyers français équipés) a fait exploser le recours aux logiciels de peer-to-peer (P2P). En France, celui-ci occupe 90 % de la bande passante. L’échange de fichiers est devenu un sport national, soutenu par des formats de compression audio et vidéo toujours plus performants. Trouver du contenu et le stocker est très facile. Le piratage est désormais à la portée de tous.

Tous plus ou moins pirates

Les utilisateurs les plus assidus des systèmes d’échange de fichiers sont les cinéphiles et les amateurs de musique, mais aussi les lycéens, les étudiants, les informaticiens et autres techniciens à la recherche de logiciels qu’ils ne peuvent ou ne veulent pas payer. Inutile d’être expert pour s’adonner au piratage. Les moyens d’accès ne cessent de se développer : P2P, IRC, espaces de stockage FTP… Ces solutions permettent de trouver et de partager des données, protégées ou non. En amont, les contenus mis en ligne proviennent souvent de fuites dues à des personnels ‘ indélicats ‘ au sein d’équipes de post-production pour les films, de développement pour les logiciels, d’usines de duplication de CD et de DVD ou de studios d’enregistrement. Les retombées économiques sont à la hauteur de la fraude : baisse notable des ventes de supports audio et vidéo, et lourdes répercussions financières pour les éditeurs et les ayants droit. En France, un milliard de fichiers piratés auraient été échangés en 2006. L’Alpa (Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle) évalue à un milliard d’euros le manque à gagner pour l’industrie cinématographique dû au piratage de fichiers DivX. Elle précise que 40,5 % des films sont détournés l’année de leur sortie, et que trois films français sur dix circulent via le P2P. Selon GfK, 100 millions de vidéos ont été téléchargées illégalement en 2006.

Levée de bouclier générale contre le piratage

Qui sont les premiers touchés ? Principalement les majors du disque, qui voient leurs ventes s’écrouler. Mais aussi les auteurs, privés de revenus. Face à ce problème grandissant, les réactions techniques n’ont pas tardé. Depuis quelques années, les fichiers protégés peuplent les plates-formes de vente en ligne. L’objectif est clair : empêcher la diffusion à grande échelle de contenus audio et vidéo achetés légalement. Malheureusement, les DRM (Digital Right Management ou droit d’utilisation digitale) sont loin d’être infaillibles et ils restreignent la progression du marché des contenus légaux : il est plus facile de télécharger des fichiers piratés que d’en acheter légalement. Dur constat ! Pour limiter l’hémorragie, le système judiciaire se met donc en marche. La loi du 1er août 2006 relative aux droits d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information (dite loi Dadvsi) durcit les sanctions. Aujourd’hui, l’édition ou l’incitation à l’usage d’un logiciel destiné au piratage est condamnable par des sanctions pouvant s’élever à 300 000 euros d’amende et trois ans de prison. Impossible de copier un DVD vidéo du commerce, même à usage privé ?” car casser le cryptage du disque est interdit ?” et de diffuser sur Internet des ?”uvres protégées. Là aussi, l’édition et la mise à disposition de logiciels destinés à favoriser l’échange de fichiers protégés sont prohibées en France. Mais les limites sont vite atteintes, et très peu d’internautes ont subi les foudres de la justice. Les principales lacunes de la loi ? La lourdeur de la procédure et le manque de moyens de contrôle. Des handicaps surmontés par la signature, le 23 novembre dernier, de l’accord interprofessionnel rédigé par la mission Olivennes, du nom de son responsable, PDG de la Fnac. Mandatée par le ministère de la Culture et de la Communication, cette commission suggère de nouvelles recettes pour limiter le piratage. Principal ingrédient : la riposte graduée. Un internaute pris en flagrant délit de téléchargement illégal reçoit une mise en garde par courriel, puis un avis en recommandé par la poste. En cas de récidive, c’est la suspension de l’abonnement, la résiliation de l’accès par le FAI et, enfin, l’inscription dans un fichier spécifique.Mais les pirates ont souvent une longueur d’avance sur la justice. Si la répression face au peer-to-peer est aujourd’hui bien partie, d’autres ripostes sont en préparation. Le nouvel objectif des majors : les newsgroups. En septembre dernier, Free en a subi les premiers effets. Le FAI a fermé 14 newsgroups binaires contenant jeux, logiciels et films. Restent les fournisseurs payants, tels que Giganews. Eux aussi sont dans le collimateur des maisons de disques et des sociétés d’auteurs. Un groupement de majors du disque (BMG, Sony et quelques autres) a été créé pour s’attaquer à usenet.com, accusé de participation et d’incitation au piratage. C’était sans compter avec l’imagination débordante des pirates et leur étonnante capacité d’adaptation. Les temps changent, mais les techniques aussi ! Finis les serveurs ayant pignon sur rue. Aujourd’hui, le piratage donne dans la furtivité. Une histoire sans fin…

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Thierry Thaureaux, Frédérique Crépin et Jérôme Granger