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Le miroir à double face

Les réseaux communautaires font un tabac sur Internet. Les internautes n’hésitent pas à y exposer leur vie privée et professionnelle. Une liberté d’expression qui se nourrit d’échanges et de rencontres, mais qui ouvre la porte à des dérives commerciales ou des actes malveillants.

Qu’y a-t-il de commun entre un étudiant américain du Texas, une assistante de publicité de Lyon, un jeune cadre dynamique londonien ou un surfer australien ?A priori pas grand-chose, en dehors d’un signe de ralliement : ils ont tous leur page sur Face-book. Avec plus de 50 millions de membres à travers le monde, ce réseau social américain a connu un développement foudroyant ces derniers mois. En France, bien que ce site ne soit pas encore traduit dans notre langue, Face-book rassemblait 1,9 million de visiteurs uniques sur le mois de novembre, engendrant par là même une hausse de 83 % de son trafic (source comScore).

A chacun son réseau

Comme les MySpace, Linkedin, Xing ou autre Viadeo, il reflète bien la tendance actuelle qui prédomine sur le Web, à savoir utiliser ces sites communautaires pour organiser sa vie sociale. Un phénomène de mode relayé par les médias et les utilisateurs. Par ce biais, la Toile est devenue une extraordinaire plate-forme interactive d’échanges et de contacts.Des liens se créent, des relations se nouent, des contenus s’échangent. Mais le préalable avant de découvrir les autres est de se présenter soi-même. Donc de dévoiler peu ou prou sa vie privée, en créant son ‘ profil ‘, sorte de fiche d’identité qui pourra être consultée par les membres. Des amis virtuels susceptibles d’intervenir dans votre sphère personnelle et élargir votre réseau de connaissances. Toutes ces informations mises en ligne représentent une formidable base de données, mais qui peut être utilisée à plus ou moins bon escient. Un avantage ou bien un inconvénient ? Reste à en mesurer tous les risques…Ils ont généralement entre 14 et 35 ans, adolescents, étudiants ou jeunes actifs, soit la catégorie d’âge qui participe le plus activement au succès des sites communautaires. Souvent guidés par le bouche-à-oreille, ils s’inscrivent avec l’intention de retrouver ou rencontrer des amis, de partager leurs passions ou des informations, d’avoir une carte de visite privée ou professionnelle sur le Net. Ils trouvent ici une vitrine pour se faire connaître, afficher leurs goûts, leurs affinités ou tout simplement faire partie d’une communauté. Leurs objectifs sont variés : pour certains, il s’agit de reprendre contact avec ses relations, d’élargir le cercle de ses connaissances, de retrouver des copains perdus de vue ou de maintenir un contact régulier avec des amis eux-mêmes inscrits sur le site (Copains d’avant, Facebook…). Pour d’autres, il s’agira plus de développer un réseau professionnel en établissant des contacts moins conventionnels, de booster sa carrière en mettant en ligne son CV et ses ambitions (Viadeo, Xing, Linkedin), de créer des communautés d’étudiants (ReseauCampus, CityCampus) ou de salariés d’une même société. Une visibilité qui peut ouvrir des portes aux personnes en quête d’un emploi ou attirer les entreprises désirant embaucher. Même les politiques exploitent ce nouveau moyen de communication, à commencer par les candidats aux élections présidentielles américaines, suivis par quelques hommes et femmes politiques français. L’objectif est ici clairement exprimé : déployer ses ambitions politiques et séduire les électeurs.Plus ciblés, des sites de proximité ont fleuri sur la Toile et attirent bon nombre d’internautes qui souhaitent simplement établir des rapports de convivialité : voisins de quartier (Peuplade, Convillial), sportifs (Widiwici), globe-trotters (Couchsurfing), famille (Via Familia, Familles d’avant). L’esprit communautaire d’échange est le dénominateur commun de ces réseaux qui n’ont pour seule ambition que d’initier des rencontres entre membres par affinités ou désir d’entraide. D’autres sites plus sélectifs ne sont accessibles que sur cooptation, selon des critères financiers et sociaux élevés. Ceux-là cultivent le sentiment d’appartenir à un club très fermé en proposant des prestations haut de gamme (invitations à des soirées privées) et un relationnel privilégié (A Small World).

Un eldorado publicitaire

A vouloir ratisser large, la moisson est abondante. Une audience potentielle de 200 millions d’utilisateurs est d’ores et déjà avancée par Google qui, en plus de son réseau social Orkut, veut rassembler sur sa plate-forme Open Social les principaux concurrents de Facebook tels MySpace, Linkedin, Hi5, iLike, Viadeo, Friendster et Plaxo. L’incontournable Facebook vient d’engranger une manne de 240 millions de dollars grâce à l’entrée dans son capital de Microsoft qui compte bien récupérer son investissement via la publicité. Le leader MySpace revendique 110 millions de membres à travers le monde, ce qui le place avec son challenger Facebook au rang des sites les plus visités sur le Web. Leur force : s’être rendu indispensable. Un statut qui leur confère un poids inestimable auprès de tous les annonceurs publicitaires. L’exploitation des données personnelles est une manne que les éditeurs de sites monnayent et qui les pousse à développer toujours plus le trafic sur leurs réseaux. Car plus les pages sont consultées, plus il y a de chances que le nombre de clics sur les liens publicitaires se multiplie. C’est le contenu généré par les internautes et leur assiduité sur le site qui en font la valeur.Ces informations personnelles sont un véritable trésor de guerre. Chaque utilisateur est invité, avant toute consultation, à entrer des renseignements personnels qui constitueront son profil, sorte de carte d’identité numérique consultable en ligne. L’âge, le sexe, la situation familiale, la localisation, le parcours scolaire et universitaire, la situation professionnelle, les centres d’intérêts, des photos, sans parler des opinions politiques ou religieuses, voire des orientations sexuelles sont autant de données que l’on peut trouver sur ces sites.

Les dangers du système

A partir de cette somme de renseignements, il devient facile pour les annonceurs d’affiner leur cible. Un détournement qui agace plus d’un internaute, sans pour autant lui faire passer l’envie d’être présent sur ces sites.Les réseaux communautaires ont cela en commun que chacun peut y communiquer des informations sur soi mais aussi sur les autres, son entourage (photos, vidéos), ses relations professionnelles. Ce qui n’est pas forcément du goût des personnes mises en cause.Ces atteintes à la vie privée et au droit à l’image sont une menace diffuse mais réelle qu’il est difficile de contrer en cas d’actes malveillants, les sites dégageant leur responsabilité pour ces échanges de données privées.D’autres dérives sont à craindre, comme l’usurpation d’identité qui tend à se multiplier. Rien de plus facile que de se faire passer pour quelqu’un d’autre, pour s’amuser, pour escroquer ou pour nuire à la personne dont on prend l’identité. Récemment, Alain Juppé, maire de Bordeaux, a fait les frais de ce genre de ‘ blague ‘. Un internaute bordelais a ouvert une page sur Facebook avec un faux profil du maire, et a attendu les réactions. Ce n’est qu’après trois semaines que les collaborateurs d’Alain Juppé ont demandé l’annulation du profil à Facebook. L’intention, dans ce cas précis, n’était pas de nuire, mais plutôt de démontrer les dangers du système.Ces dérives, qui préoccupent encore peu les Français, sont pourtant un signal d’alarme. A chacun de rester vigilant en évaluant tous les risques qu’il y a à divulguer son intimité sur Internet. Et puis, reste à savoir si l’engouement actuel pour ces sites communautaires n’est pas qu’un feu de paille. Une fois retombée l’excitation des débuts, les internautes ne finiront-ils pas par se lasser de ces rendez-vous virtuels pour se consacrer à des relations ou des centres d’intérêt plus réels ?

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Frédérique Crépin