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La fièvre du portable

Outil de communication et symbole de réussite, le téléphone mobile propose aussi aux Chinois un média libre et un accès à la vie citadine pour les ouvriers migrants des campagnes.

En Chine, les téléphones mobiles se répandent tel un raz-de-marée culturel et économique. Avec environ 350 millions de lignes mobiles ?” et chaque mois 5 millions de nouvelles lignes ?” la Chine est devenue le plus grand marché mondial. Les deux principaux opérateurs, China Mobile et China Unicom, proposent un service de qualité et une couverture réseau satisfaisante, y compris en zones rurales.Contrairement à l’Occident, la Chine propose très peu de forfaits et de packs sponsorisés. ‘ On y utilise dans 70 % des cas des cartes prépayées, et on achète son mobile à l’unité ‘, commente Ava Virgitti-Livet, spécialiste des usages chez France Télécom Chine. La quasi-totalité des transactions s’effectue en cash, les cartes bancaires et surtout les prélèvements automatiques étant peu utilisés en Chine. Pour se procurer son combiné, un Chinois se rend de préférence dans une grande surface ou un magasin spécialisé à l’occidentale. Un modèle d’entrée de gamme ne coûtant qu’une soixantaine d’euros, étudiants comme ouvriers migrants n’hésitent pas à s’équiper.Pour obtenir un numéro de téléphone, il suffit de se rendre chez un boutiquier qui propose des cartes SIM, des recharges ainsi que d’autres services téléphoniques IP nationaux ou internationaux, très répandus en Chine. C’est alors que l’habituel marchandage commence. En effet, la plupart des cartes SIM coûtent autour de 5 euros, mais certains chiffres de mauvais augure en feront baisser le prix : le 4, qui se prononce de manière similaire à ‘ mort ‘ ; le 13, ou le 250, expression courante signifiant la bêtise. Quant aux 6, 8 et 9, synonymes respectivement de chance, de fortune et de longue vie, ils peuvent faire monter le prix jusqu’à… quelques centaines d’euros.Pour les citadins aisés, la possession d’un mobile marque l’accès à la modernité. Les Chinois ‘ aiment utiliser leur mobile en public ‘, commente Ava Virgitti-Livetet.

Un moyen de pression politique ?

Les hommes préfèrent des modèles miniatures au design high-tech, les femmes aiment surtout personnaliser. Pour les jeunes femmes, le mobile prend alors une importance décorative et affective. ‘ Il est devenu un ornement vestimentaire, comme un bijou. On peut y suspendre un pendentif, y coller un autocollant ou en changer la coque ‘, commente Zhang Jie, étudiante à Pékin. Ainsi, les Chinois remplacent leur mobile presque tous les ans, alors que la moyenne est de quatre ou cinq ans pour les Français.Pour les ouvriers migrants, le mobile revêt une importance plus fondamentale. ‘ Pour trouver un bon travail en ville, il ne faut pas paraître trop rustique. Avoir un mobile nous rend plus crédibles et nous permet de savoir rapidement où chercher un emploi ‘, commente Wang Guang, ouvrier venu du Henan pour travailler à la construction du métro pékinois.La dimension affective et sociale importante du mobile s’exprime particulièrement dans l’usage massif des SMS, dans cette culture où l’écrit est prépondérant. ‘ Ils assurent le lien quotidien avec mes amis et ma famille, j’en envoie une vingtaine par jour ‘, raconte Zhang Jie. Leur faible coût ?” un centime d’euro environ ?” et la rapidité d’utilisation expliquent en partie ce succès. Saisir des idéogrammes est, en effet, bien plus rapide qu’avec l’alphabet latin. ‘ On s’envoie des plaisanteries, on commente les informations ou on se donne rendez-vous, explique l’étudiante. Confiant aussi que certaines phrases affectueuses sont plus faciles à exprimer par écrit ‘. Le SMS devient alors un moyen de dépasser une timidité héritée de la morale confucéenne, qui réclame des jeunes femmes, une attitude réservée. Il joue aussi un rôle de média non officiel. Le meilleur exemple étant le rôle des SMS lorsque l’épidémie de pneumonie atypique a éclaté en Chine en 2003. Alors que certains fonctionnaires bloquaient l’information, des SMS provenant des provinces touchées se répandaient. ‘ On lisait des messages disant qu’une maladie attaquait notre pays et que personne ne pourrait survivre… ‘ témoigne Zhang Jie. Malgré ces dérives, le message est passé et le gouvernement a dû réagir. Pour la première fois en Chine un ministre a été limogé, faisant sentir l’influence d’une société civile émergente sur les décisions gouvernementales

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Georges Favraud