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Drôles d’oiseaux

C’est en septembre dernier que s’est tenue la finale d’un concours original suivi de près par l’armée française. Le but : faire survoler un village à un engin miniature dépourvu de pilote à la recherche d’éventuels dangers.

Les drones, aussi appelés UAV (Unmanned Aerial Vehicle), sont des engins volants sans pilote. Leur mission : assurer le transport ou l’observation dans des zones où l’homme, pour des raisons de sécurité ou
d’endurance physique, ne peut aller. Il existe une grande variété de drones. Certains sont à peine plus grands que des jouets tandis que d’autres sont presque aussi gros que des avions de chasse. Une nouvelle catégorie d’UAV fait l’objet de toutes
les attentions de la part de l’Office national de recherche et d’étude aérospatiales (Onera) : les minidrones. Afin de faire avancer la recherche dans ce domaine suivi de près par les militaires, l’organisme public a organisé un concours ouvert
aux grandes écoles d’ingénieurs, françaises et étrangères. Chaque équipe a reçu 40 000 euros pour mettre au point un drone de moins de 70 cm d’envergure et capable d’évoluer de façon autonome au-desssus d’un village présumé hostile avec
des snipers, des barrages et des chars à repérer. Equipés d’un récepteur GPS, les UAV devaient transmettre les informations recueillies par leur caméra embarquée à leur station au sol, constituée d’un PC portable. La finale du concours s’est
déroulée du 12 au 15 septembre dernier, dans le village de combat du camp militaire de Mourmelon. Sur les dix-huit équipes présentes, seules six ont été en mesure de présenter un prototype en état de prendre l’air. Mais pas un de ces appareils
n’est parvenu à voler de manière autonome… Une fois sur le terrain, les ‘ pilotes ‘ ont dû guider leur minidrone vers le village, situé à 50 m de la zone d’envol, qu’un seul UAV a réussi à
atteindre. Si cette série d’échecs s’est montrée frustrante pour les organisateurs, elle a permis de mettre en lumière ces petits engins autonomes certes encore peu adaptés ?” en l’état ?” à un usage militaire, mais qui feront sans doute
parler d’eux dans le cadre d’usages civils comme la vérification d’ouvrages d’art ou la retransmission d’événements sportifs.

Observer à distance

Les minidrones sont utilisés par les militaires comme moyens d’observation. Les soldats chargés de les piloter à distance peuvent leur ordonner de rester en vol stationnaire au-dessus d’une zone, afin de la filmer à l’aide de leur
caméra orientable embarquée. Une fois la mission achevée, les drones doivent pouvoir retourner automatiquement vers leur pilote.

A la recherche de stabilité

La plupart des participants au concours ont conçu un minidrone à voilure tournante (le principe de l’hélicoptère) afin d’autoriser le vol stationnaire (une des exigences du cahier des charges). Mais comme ce système consomme beaucoup
d’énergie, certaines équipes ont préféré la voilure fixe de type avion, privilégiant ainsi l’autonomie au détriment du vol stationnaire. Par ailleurs, deux équipes (Centrale-Mines et Esstin) ont créé un drone à ailes battantes, censé autoriser le
vol stationnaire et une bonne autonomie. Seul problème, les vibrations de la structure, provoquées par les battements des ailes, nuisent à la stabilité de l’image vidéo.

Poids lourd

Pas moins de 20 batteries lithium-polymère (2 kg au total), placées sur le fuselage externe, sont nécessaires pour permettre aux 5,5 kg de l’Ema’tador (réalisé par l’école des Mines d’Alès et l’Ecole royale militaire de
Belgique) de s’arracher du sol. Ce drone à voilure tournante intègre une caméra numérique Sony ?” choisie pour son zoom optique 10X ?” désossée afin de gagner quelques dizaines de grammes. Il se pilote à l’aide d’un banal joystick du
commerce. Quatre gyroscopes assurent sa stabilisation et le suivi de trajectoire. Il n’a toutefois pas participé au concours, le prototype n’étant pas prêt.

Le lauréat du prix Système

Développé par les étudiants de l’Enserg et de l’Ensieg, deux écoles d’ingénieurs de Grenoble, le CPX4 est un appareil à voilure tournante de 575 g dont la structure est essentiellement composée de carbone. Le bloc central
accueille divers éléments : la centrale inertielle chargée de contrôler les paramètres de vol (vitesse, altitude, tangage, roulis…), les capteurs à ultrasons pour la détection d’obstacles, la caméra vidéo, le récepteur GPS pour le
positionnement et la navigation, le module de transmission de données et les batteries. Ce drone a gagné le prix Système du concours.

Au doigt et à l’?”il

L’écran de contrôle de la station au sol du minidrone Amado (Aéronef miniature automatisé de détection et d’observation) de l’Ensma affiche toutes les données de vol : assiette, altitude, vitesse, cap… Il présente aussi la
vidéo transmise par la caméra embarquée du drone. L’Amado est conçu pour fonctionner de façon autonome : il suffit d’indiquer, pendant le vol, l’altitude d’évolution et les points de passage, ou waypoints, sur une carte
modélisée de la zone d’exploration. Ces informations lui sont transmises par ondes radio. En cas de perte du signal, l’Amado peut retourner seul au waypoint précédent.

Naviguer à vue

Les concurrents ont étudié diverses possibilités pour piloter le drone lorsqu’il disparaît du champ visuel. L’équipe Centrale-Mines de Paris a opté pour un système de lunettes-vidéo fixé sur un casque de vélo relié à un PC portable.
L’image affichée dans les lunettes fait apparaître les paramètres de vol (altimètre, indicateur d’inclinaison…) superposés à la vidéo transmise par la caméra du drone. Mais comme l’affichage n’est pas stéréoscopique (il aurait pour cela fallu
deux caméras, donc un surpoids non négligeable), le pilote n’a aucune notion du relief. Les risques d’accidents sont par conséquent très importants…

Station portative

La station de contrôle au sol du drone réalisé à l’Ensma (l’Ecole nationale supérieure de mécanique et d’aérotechnique de Poitiers) tient dans un sac à dos. D’un poids de 15 kg environ, elle se compose d’un
‘ calculateur ‘ chargé de recueillir les données (en l’occurrence un simple ordinateur portable fonctionnant avec Windows NT), d’un chargeur de batterie (pour les six accumulateurs lithium-polymère du
drone) et d’un système de radiocommande. La plupart des utilisateurs pilotent le drone par le biais d’une manette de jeu, plus complexe mais nettement plus précise qu’une radiocommande conçue pour l’aéromodélisme.

Catastrophes aériennes en série

Quasiment tous les minidrones du concours ont été accidentés lors des épreuves. Ces crashes sont en partie liés à leur poids. Trop légers, ils sont sensibles au vent : la moindre rafale suffit à renverser un drone à voilure
tournante de type quadricoptère. Trop lourds (ils supportent, outre le moteur, les systèmes de guidage, de transmission et de pilotage), ils sont incapables de décoller. A ces problèmes de poids s’ajoute la faiblesse de l’autonomie de ces engins,
qui excédait rarement les 10 minutes.

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Philippe Fontaine