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Des appels à prix touristique

Bruxelles veut faire baisser le tarif des appels passés avec un téléphone mobile depuis les pays de la CEE. Mais la communication passe mal auprès des opérateurs…

Tout le monde en convient : téléphoner avec son mobile pendant un séjour hors des frontières est un luxe. Le temps d’appeler un ami pour lui dire que vous êtes en Italie, la communication vous aura coûté entre 0,70 et 1,16 euro les deux minutes, selon le réseau italien emprunté.Si tous les touristes ne sont pas soumis à la même tarification, le fait est qu’à l’étranger vous payez plus cher que dans votre pays pour passer un appel, et vous payez aussi lors de la réception des appels.Les tarifs pratiqués pour les appels depuis l’étranger sont environ cinq fois plus élevés que les nationaux, dénonce l’UFC Que Choisir, qui n’hésite pas à qualifier ces pratiques ‘ d’arnaque aux touristes européens ‘. En outre, un Français qui appelle, par exemple, l’Allemagne depuis la France avec son mobile paie 0,48 euro la minute. Inversement, s’il passe un appel avec le même mobile de l’Allemagne vers la France, la communication lui est facturée 1 euro la minute. Autrement dit, l’appel est facturé le double, et hors forfait.‘ Et à la différence de l’offre nationale, la première minute est indivisible ‘, souligne l’UFC. Et cela, quel que soit l’opérateur français choisi.A ce tarif-là, l’itinérance, ou roaming (acheminement des appels via le réseau d’un opérateur étranger) constitue une véritable aubaine pour les opérateurs.

Une vraie poule aux ?”ufs d’or

La Commission européenne estime à au moins 147 millions le nombre de citoyens de l’Union européenne (37 millions de touristes, 110 millions de clients d’affaires) susceptibles d’utiliser ces services de roaming, ce qui représente un marché de 8,5 milliards d’euros, soit 5,7 % du total des recettes des opérateurs mobiles. Selon une estimation de l’UFC-Que-Choisir, les trois opérateurs mobiles français ont perçu 735 millions d’euros de revenus pour le seul trafic européen d’itinérance internationale. Ce qui les place au premier rang des opérateurs européens. Normal : la France est le pays européen le plus visité.Reste que pour Bruxelles, les coûts de roaming sont injustifiés et excessifs. Afin de sensibiliser l’opinion publique, la Commission lance en juillet 2005 le site http://europa.eu.int/information_society/activities/roaming/index_fr.htm qui diffuse de nombreux exemples de tarifs, du plus cher au meilleur marché. Ainsi apprend-on qu’un utilisateur maltais paie 13,05 euros l’appel de 4 minutes s’il se trouve en Lettonie. Le Finlandais, lui, pour un même appel de 4 minutes, sera facturé 20 centimes s’il le passe depuis la Suède.Mais la plupart des opérateurs sont restés sourds à la demande implicite de Bruxelles d’homogénéiser les tarifs. Et certains les ont même… augmentés, souligne l’UFC Que Choisir.

Bruxelles veut régulariser

La Commission européenne a envisagé d’imposer un règlement européen concernant le roaming. Au grand dam des opérateurs, qui voient d’un très mauvais ?”il cette volonté d’encadrer leurs pratiques commerciales.En mars 2006, Viviane Reding, commissaire européenne à la Société de l’information, présente les premières propositions, qui ne prévoient rien de moins que de supprimer les coûts liés à l’itinérance. Concrètement, cela signifierait, par exemple, qu’un Français de passage en Espagne payerait un tarif local pour un appel local, et un tarif international pour un appel en France.

Quelques timides propositions

Hostiles à ces mesures, six opérateurs ont tenté d’amadouer la Commission européenne. Début juin 2006, l’allemand T-Online, le finlandais Telia Sinera, le français Orange, l’italien Telecom Italia et le norvégien Telenor se sont ainsi engagés à réduire de moitié leur tarif de roaming. A partir d’octobre 2006, la moyenne des tarifs serait plafonnée à 0,45 euro par minute, pour passer un an plus tard à 0,36 euro. Vodafone avait de son côté annoncé une initiative similaire début mai 2006. Les opérateurs souhaitaient alors montrer à Bruxelles qu’il n’y avait pas de besoin de régulation… mais la Commission européenne ne s’est pas laissé convaincre.Après une intense campagne de lobbying de la part des opérateurs, Bruxelles a, début juillet 2006, concédé quelques modifications dans le texte de réglementation, qui doit être encore présenté au parlement européen. Si l’on s’en tient à cette nouvelle version, le prix d’un appel passé dans un pays européen par un touriste ou un homme d’affaires français ne devrait pas excéder 20 centimes de plus qu’un appel national. Le tarif de base sera déterminé à partir d’une moyenne européenne des coûts d’interconnexion entre opérateurs qui sera mise à jour tous les 18 mois. Sur cette référence, les opérateurs pourront appliquer une marge de 30 % au maximum, et non plus de 50 % à 500 % comme c’est le cas aujourd’hui.UFC-Que-Choisir se réjouit d’ores et déjà des 5 milliards d’euros par an d’économie que ce règlement va permettre aux consommateurs de réaliser (voir le tableau ci- dessous). Que ce soit pour les particuliers ou pour les professionnels.

Les opérateurs menacent

A l’inverse, la GSM Association, qui réunit 700 opérateurs mobiles dans le monde, parle d’un manque à gagner de 2,3 milliards d’euros et envisage déjà d’augmenter les tarifs nationaux d’environ 7 % pour compenser cette perte. Dans la foulée, la GSM Europe a décidé de clarifier les tarifs pratiqués par 75 opérateurs européens dans les 25 Etats membres (www.roaming.gsmeurope.org).Mais les méthodes de calcul diffèrent de celles adoptées par Bruxelles. Par exemple, un abonné à Bouygues en voyage au Portugal paie 4 euros les 4 minutes de conversation vers son pays d’origine, selon la Commission, et 1,50 euro les 2 minutes de communication, si l’on en croit le site roaming.gs-meurope. D’après les opérateurs, ces différences de tarifs sont notamment dues au fait que Bruxelles ne tient pas compte des offres promotionnelles.Au-delà de ces divergences de calcul, la Commission s’est félicitée de ces efforts de transparence, mais elle a souligné que ce type d’initiative ne pouvait pas la dissuader de réglementer. Nul doute que les opérateurs vont dans les mois à venir tenter de convaincre les euro-députés de rejeter ce texte. Rendez-vous pour le prochain round.

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Valérie Quélier