Passer au contenu

Ces virus exploser qui font les factures de téléphone

En quelques mois, des centaines d’abonnés à Internet ont été connectés à leur insu à des numéros de téléphone surtaxés. Résultat : des factures souvent faramineuses. Pendant que les arnaqueurs se remplissent les poches, leurs
victimes doivent entamer un véritable parcours du combattant pour être remboursées.

En ouvrant son courrier, Jean-Marie Schnebelen ne s’attendait pas à pareille surprise. Le montant de sa facture de téléphone atteint en effet plus de 1 200 euros. Une erreur ? Il contacte son opérateur, Cegetel, qui lui
fournit une explication surprenante. Jean-Marie aurait passé des dizaines d’appels vers desnuméros surtaxés en France, mais aussi ­ et par satellite ! ­ vers Sao Tomé et Principe, un archipel du golfe de Guinée. ‘ Vous
avez été piraté ‘
, lui glisse le service clients. Confronté à plusieurs cas similaires, Cegetel a décidé ­ début novembre ­ de bloquer toutes les communications satellite et de dédommager les plaignants. Jean-Marie Schnebelen
est l’une des victimes françaises escroquées à l’aide de dialers véreux, qui se répandent à toute vitesse sur Internet depuis le mois de juin. Les dialers (littéralement numéroteurs) existent pourtant depuis longtemps : il s’agit de logiciels
que l’on télécharge sur son ordinateur et qui modifient provisoirement les paramètres de connexion Internet pour que le modem RTC (bas débit) compose un numéro surtaxé. En échange du paiement de ces communications, l’internaute peut accéder à des
sites à ‘ valeur ajoutée ‘, un terme souvent synonyme de pornographique. L’exploitant du site, lui, perçoit une partie du montant des communications. Mais, d’outil de paiement, le dialer peut se muer en
arme de braquage pour les gangsters de la Toile. Certains sites s’arrangent en effet pour que les internautes téléchargent et installent des dialers sans s’en rendre compte, en cachant le programme derrière un logiciel gratuit.Ces services ‘ n’annoncent pas clairement la couleur et font preuve d’une certaine opacité tarifaire ‘, confirme Cegetel. Il faut en effet lire plusieurs pages Web pour découvrir que le
téléchargement d’un logiciel gratuit provoquera l’installation d’un numéroteur. Pire : certains sont propagés par des virus ou dans des pop-ups, en exploitant des failles de sécurité. Cet été, le virus Downloader.small.9.BV a infecté des
centaines d’internautes et installé à leurinsu un dialer. Quel que soit le moyen de propagation, le résultat est le même. En quelques minutes, le programme est téléchargé et modifie les paramètres de connexion, sans que l’internaute ait été informé
du tarif ou des modalités des appels. Après une recherche effectuée à notre demande, Sophos ­ éditeur de logiciels de sécurité informatique ­ a déniché sur la toile environ 200 dialers dangereux. Certains sites de pornographie, de jeux,
d’astrologie, de warez (des logiciels pirates) ou de téléchargement sont de véritables nids à dialers : un seul clic malencontreux suffit à faire exploser la facture de téléphone ! L’association parapublique le Forum de l’Internet, qui
aide les internautes, reçoit ‘ deux ou trois plaintes chaque jour, souvent pour quelques centaines d’euros, parfois pour plusieurs milliers ‘, explique son conseiller juridique, Benoît Tabaka. Le virus
Downloader. Small aurait fait une centaine de victimes en France, aux dires de l’opérateur Colt Télécommunications. Le numéro de téléphone surtaxé composé par le dialer appartenait à Colt, qui le sous-louait à une société dont il tait pour l’instant
le nom. Car l’affaire risque de se terminer en justice. Entre les dédommagements aux victimes et l’extension de son service clients pour traiter les réclamations, l’addition pour l’opérateur s’élève à une centaine de milliers d’euros…Au Forum de l’Internet, on ne s’étonne plus de rien : ‘ Un site de téléchargement bidon, francophone mais immatriculé en Uruguay, injecte un dialer à l’imprudent qui y effectue une recherche,
raconte Benoît Tabaka. Il existe aussi de faux sites de téléchargement de musique en ligne, qui imitent les sites connus et installent subrepticement des dialers. ‘

5 euros les 15 secondes par satellite !

Pour tirer un maximum d’argent de leurs victimes, les margoulins qui utilisent les dialers ne se sont pas arrêtés aux numéros de téléphone surtaxés français. Ceux-ci sont en effet ‘ peu ‘
rémunérateurs : au maximum 1 euro la minute. Les escrocs préfèrent donc ouvrir des numéros dans des micro-états aux lois ‘ souples ‘, comme Sao Tomé et Principe.
‘ Aujourd’hui, des victimes sont facturées 5 euros les 15 secondes, avecune communication par satellite ! ‘, explique Benoît Tabaka. Sur les factures des victimes, l’opérateur responsable des
liaisons vers ces pays tropicaux est souvent l’Italien Telespazio. A Rome, le porte-parole de cette compagnie, Paolo de Vincentiis, a refusé de nous dévoiler l’identité de ses clients, en tentant de désamorcer l’affaire. Selon lui, tous les
plaignants ne sont que des menteurs. ‘ L’expérience passée confirme, hélas, que ces appels sont émis en toute connaissance de cause ‘, soutient-il. Sous-entendu : les victimes sont toutes des
obsédés sexuels qui se sont connectés à des sites pornographiques.La position des opérateurs qui fournissent les numéros surtaxés aux escrocs est ambiguë, car ils touchent une marge sur chaque connexion. Filiale de Neuf Telecom, via JetMultimédia, Oxone Technologies fournit notamment des numéroteurs
à des sites payants. Fin septembre, une de ses lignes a été coupée par France Télécom après contestation d’un abonné. Entre deux menaces de ‘ procès en diffamation ‘ aux journalistes qui l’appellent,
Joël Burtin, directeur général d’Oxone, défend l’intégrité de ses clients : ‘ Des internautes de bonne foi comprennent parfois mal les tarifs ; ils pensent que la connexion par le biais d’un dialer est incluse dans
le forfait de leur FAI. Seulement, il est impossible de se connecter à l’insu de son plein gré. Que l’information des consommateurs ne soit pas assez explicite, peut-être. Dans ce cas, nous faisons un geste commercial et nous
remboursons. ‘

Peu d’escrocs sont inquiétés

Joël Burtin en profite pour pointer au passage les responsabilités de France Télécom : ‘ Régulièrement, l’opérateur historique nous coupe une ligne, nous fait payer une forte pénalité et nous montre du
doigt. Pourquoi n’indique-t-il pas sur ses factures queses abonnés ont la possibilité de restreindre leur ligne ? ‘
Au-delà des prestataires de services, qui se cache derrière ces arnaques ?
‘ Tous les escrocs de la télématique (Minitel, téléphone,etc.) que l’on connaît depuis des années. Etablis à l’étranger, et notamment en Suède, en Angleterre ou encore aux Pays-Bas, ils prennent peu de
risques ‘
, fulmine Hervé Soymié, secrétaire général du Conseil supérieur de la télématique (CST), l’organisme qui encadre en France les services à tarification majorée. Les poursuites judiciaires sont plus faciles à engager
contre des résidents français : en 2003, unresponsable de site, qui n’avait pas alerté les internautes du caractère payant d’un téléchargement, a été condamné à 10 000 euros d’amende et quatre mois de prison avec sursis. Peu d’escrocs
punis donc, mais un véritable parcours du combattant pour se faire rembourser. Si Cegetel et Colt dédommagent les internautes abusés, il faut souvent aller se plaindre directement auprès du site indélicat… A Sao Tomé et Principe, ou bien en
Uruguay ?

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Cédric Gouverneur