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Semi-conducteurs : les USA veulent priver la Chine des précieuses machines néerlandaises d’ASML

Non seulement les Américains empêchent déjà le néerlandais ASML de vendre ses machines EUV en Chine, mais le gouvernement Biden souhaite étendre cette interdiction aux machines DUV à immersion. Le but ? Ralentir le développement de la Chine et empêcher que le pays n’accumule trop de capacités de production.

Le gouvernement américain serait en train de faire pression sur les autorités néerlandaises pour empêcher l’entreprise ASML de vendre ses machines de lithographie « classique » aux entreprises chinoises. Après avoir réussi à bloquer la vente des scanners (ou steppers, en anglais) de dernière génération en ultraviolets extrêmes (EUV), le gouvernement de Joe Biden voudrait que ASML, seul à produire ce genre de machines de pointe, mais aussi numéro 1 mondial du secteur, cesse purement et simplement de vendre ses machines même d’ancienne génération (DUV pour ultraviolets profonds).

Si la raison est simple sur le papier – ralentir la Chine dans son développement de sa filière de production de puces et l’empêcher de prendre trop de parts de marché – les mécanismes de cette « guerre » des semi-conducteurs sont complexes. Et la portée des décisions est loin d’être anecdotique : selon un analyste interrogé par Bloomberg qui raconte l’histoire, « les équipements de lithographie sont les plus difficiles à remplacer dans la chaîne de production des semi-conducteurs. Sans un à accès à des machines de gravure DUV étrangères (notamment les modèles les plus évolués, lire plus bas), le développement de l’industrie chinoise des puces pourrait s’arrêter ». Pourquoi les USA haussent-ils le ton et veulent-ils aller plus loin dans leur blocage technologique contre la Chine ?

La Chine dépense à tout va

La Chine achète les steppers DUV en masse © Bloomberg

Depuis le Huaweigate et l’interdiction d’accès de Huawei aux usines de pointes de TSMC sises à Taïwan, la Chine a compris que son accès à des technologies de gravure était soumis au bon vouloir du gouvernement américain, à l’époque piloté par le président D. Trump. Quand Huawei et les entreprises chinoises ont voulu développer leurs propres capacités de production domestique pour se passer de TSMC et Samsung, les Américains sont allés plus loin : ils ont demandé au gouvernement néerlandais de qualifier la gravure EUV au cœur du scanner NXE:3400C comme technologie stratégique. Et ainsi nécessiter une licence d’export, que le gouvernement néerlandais s’est engagé auprès des USA à ne délivrer à aucune entreprise chinoise.

Contre mauvaise fortune bon cœur, les différents acteurs chinois – avec la bénédiction de leur gouvernement – ont commencé à acheter des machines d’ancienne génération DUV… en masse. Neuves ou d’occasion, les groupes comme SMIC ont ratissé la planète pour mettre la main sur des steppers qui, certes, ne peuvent graver en 5 nm, mais qui peuvent déjà (comme Intel l’a prouvé) aller jusqu’à 10 nm, voire 7 nm comme l’a prouvé récemment SMIC. Et quand on dit ratissé la planète, ce n’est pas un vain mot : rien qu’en machines neuves, la Chine a dépensé 29,45 milliards d’euros en 2021, devant la Corée du Sud et Taïwan – à titre de comparaison, les Américains ont dépensé 7,5 milliards d’euros et la totalité des pays européens… 3,3 milliards.

Ne pas laisser la Chine accumuler de la « masse »

La pénurie de composants qui dure depuis deux ans maintenant a bien mis en lumière le fait que tous les marchés ont besoin des puces. Et seuls les marchés informatiques – smartphones, PC, tablettes, consoles, etc. – ont vraiment besoin de gravure EUV. Pour l’heure, des réfrigérateurs aux automobiles en passant par les avions de chasse et les ascenseurs, le gros du volume des puces produites le sont en DUV, un procédé plus classique, moins fin, mais aussi bien moins cher et très adapté aux grands volumes.

Les scanners DUV à immersion d'ASML
Crédits : ASML

En demandant aux Néerlandais de stopper la vente des steppeurs DUV d’ASML, les Américains veulent limiter la montée en puissance de la Chine dans la production de masse, un domaine dans lequel le pays est devenu naturellement très fort ces trois dernières décennies. Car les Américains ont l’exemple de TSMC : c’est parce que le taïwanais a développé son savoir-faire en produisant des volumes de plus en plus grands qu’il a pu acquérir un tel savoir-faire. Si les Chinois constituent un appareil de production aussi puissant, ils entraîneront encore plus vite la création d’un écosystème (r&d, thèses, entreprises, etc.) capable, à terme, d’accoucher localement de machines EUV domestiques. Et à ce moment-là, l’embargo d’ASML ne servira à rien.

Si ASML est le seul à produire des machines EUV, il n’est pas le seul à produire des machines DUV me direz-vous ? Eh bien non… mais presque. Le gouvernement Biden essaye de bloquer la vente des machines DUV de pointe, celles qui ont permis à Intel et aux autres d’atteindre les limites physiques de cette technologie : les machines DUV dites à immersion. Et, là encore, ASML est le roi de ces machines, puisqu’il contrôle 95% du marché, ne laissant à Nikon que des miettes. De plus, au vu des rapports particuliers entre les USA et le Japon, et les relations naturellement tendues entre le Japon et la Chine, il devrait être très simple d’empêcher Nikon de vendre ses quelques machines – et le cas échéant, les volumes restent faibles.

Si les Américains arrivent à leurs fins, la Chine se retrouvera encore une fois limitée dans son accès à des technologies de pointe irremplaçables. Limitant ainsi la vitesse de son développement technologique. Un développement qui est passé, aux yeux des occidentaux, de nécessaire à dangereux.

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Source : Bloomberg