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Pour la justice européenne, Google n’enfreint pas le droit des marques

La Cour de justice de l’Union européenne estime que le moteur de recherche américain n’est pas responsable des mots-clés acquis par certains annonceurs et liés aux marques de leurs concurrents.

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) estime que dans l’affaire opposant Google au maroquinier Louis Vuitton, à Viaticum & Luteciel et CNRRH, le moteur de recherche n’a pas enfreint le droit des marques en permettant aux annonceurs d’acheter des mots-clés correspondant aux enseignes de leurs concurrents.

La Cour européenne avait été saisie par la Cour de cassation française (1), qui l’a interrogée « sur la légalité de l’emploi, en tant que mots-clés dans le cadre d’un service de référencement sur Internet, de signes correspondant à des marques, sans que les titulaires de celles-ci n’aient donné leur consentement ».

Selon la CJUE, « si une marque a été utilisée en tant que mot-clé, le titulaire de celle-ci ne peut donc pas invoquer le droit exclusif qu’il tire de sa marque contre Google. Il peut en revanche invoquer ce droit contre les annonceurs qui (…) font afficher par Google des annonces qui ne permettent pas ou permettent difficilement à l’internaute moyen de savoir de quelle entreprise proviennent les produits ou services visés par l’annonce ».

Google est donc exonéré, mais pas les annonceurs. Les juges européens estiment en effet que l’internaute peut se méprendre sur l’origine des produits et qu’il peut alors y avoir atteinte à la « fonction de la marque ». Il convient alors à la juridiction nationale d’estimer si ladite atteinte est avérée.

Rôle purement technique ou pas ?

La CJUE, qui devait aussi établir si Google pouvait être tenu pour responsable du contenu présent dans AdWords, renvoie le sujet aux juridictions des Etats membres. A eux d’estimer si un service de référencement comme AdWords est neutre, passif, purement technique, automatique ou non. « S’il s’avère qu’il n’a pas joué un rôle actif, ce prestataire ne peut être tenu responsable pour les données qu’il a stockées à la demande d’un annonceur. »

Elle estime à l’inverse qu’un service de référencement comme AdWords peut être tenu pour responsable si « ayant pris connaissance du caractère illicite de ces données ou des activités de cet annonceur, il n’ait pas promptement retiré ou rendu inaccessibles ces données ».

Cet arrêt revêt une importance particulière, tant pour Google, qui vit des flux d’achats des annonceurs (il tire près de 97 % de ses revenus annuels – soit environ 24 milliards de dollars – de ses recettes publicitaires), que pour les groupes de luxe, soucieux de préserver la valeur de leurs marques.

En France, Google a déjà été poursuivi et condamné pour contrefaçon de marque par le Syndicat de la literie et par Viaticum (Bourse des vols). En février dernier, Louis Vuitton a obtenu la condamnation d’eBay pour « atteinte à la renommée des marques » et « agissements parasitaires », à la suite de l’achat de mots-clés.

Les deux parties satisfaites

L’arrêt de la CJUE s’impose à toutes les juridictions des pays membres de l’Union. « La décision est assez équilibrée. Elle n’empêche pas Google de vendre des noms de marques comme mots-clés, son business model n’est pas remis en cause. De leur côté, les propriétaires des marques sont protégés », souligne Fabian Ziegenaus, spécialiste du droit des marques chez Linklaters.

Google s’est félicité de ce que la justice européenne a « confirmé qu’il n’enfreignait pas le droit des marques »  et de ce que la « loi européenne protégeant les services d’hébergement s’appliquait au système AdWords ».

Pour sa part, LVMH a salué une décision qui constitue « une étape très importante dans la clarification des règles gouvernant l’espace de la publicité en ligne ». « L’annonceur se rend coupable de contrefaçon de marque dès lors qu’il achète le nom de cette marque (…) Nous avons là une clarification formidable », a déclaré à Reuters Pierre Godé, vice-président de LVMH.

Cet arrêt va, selon lui, permettre de « définir les bases de discussion avec Google pour trouver un mode opératoire pouvant passer par des systèmes de filtres ». D’autres procédures, impliquant propriétaires de marques et annonceurs, sont en cours à Luxembourg. Aux Etats-Unis, huit procédures ont été ouvertes contre Google pour vente de noms de marques comme mots-clés.

(1) La CJUE peut être saisie par des juridictions d’Etats membres, dans le cadre de litiges, pour être interrogée sur l’interprétation du droit de l’Union ou la validité d’un acte de celle-ci. Elle ne tranche pas les litiges nationaux, qui restent du ressort des juridictions, qui doivent se conformer à la décision de la Cour.

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La rédaction, avec Reuters