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Petit état des lieux de la téléphonie mobile en France (3/4)

Six semaines environ après le lancement du quatrième opérateur français Free Mobile, la rédaction se livre à une rapide analyse sur ce qui était, ce qui a changé et ce qu’il reste à faire dans le domaine de la téléphonie mobile en France.

Orange stoppera-t-il Free Mobile ?

Ira-t-on jusqu’à la dénonciation du contrat d’itinérance – comme l’a rappelé Stéphane Richard – si le trafic des abonnés Free Mobile menace le bon fonctionnement du réseau pour ceux d’Orange ? Raisonnablement, c’est peu probable. D’abord, parce que l’opérateur historique a tout récemment déclaré que « le trafic généré par les abonnés de Free Mobile pourrait être substantiellement plus élevé que prévu, sans que cela ne nuise à la qualité de service des clients d’Orange ». Ensuite parce que l’opérateur historique facture « à l’acte » le trafic des abonnés Free qu’il achemine. Plus ce dernier est élevé, plus Orange engrange d’argent. Le retard pris par Free Mobile en ce qui concerne la prise en charge sur son propre réseau de ses abonnés pourrait d’ailleurs se traduire en dizaine de millions d’euros supplémentaires pour Orange. L’accord d’itinérance devrait donc compenser en partie la baisse du chiffre d’affaires due au « départ » de 201 000 abonnés et à la baisse des tarifs des forfaits Sosh appliquée en riposte aux forfaits Free Mobile.

D’un autre côté, le nouvel entrant n’a aucun intérêt à s’appuyer trop longtemps sur le réseau d’Orange et doit déployer rapidement ses propres antennes. Pour rappel, Xavier Niel a déclaré que Free gagnera de l’argent « quand la couverture atteindra 90 % ». Mais d’après le porte-parole de l’association Robin des toits, l’installation de nouvelles antennes Free Mobile n’est pas sans susciter des réactions de la part de la population vivant à proximité des sites choisis et le quatrième opérateur accuserait un certain retard dans ce domaine.

Par ailleurs, toujours du point de vue financier, il ne faut pas oublier que le trublion, en qualité de nouvel entrant, bénéficie, grâce à une décision récente de l’Arcep, d’une terminaison d’appel relativement avantageuse par rapport aux trois opérateurs historiques. Pour rappel, la terminaison d’appel représente la somme d’argent reversée par un opérateur A à un opérateur B pour la partie de l’appel acheminée par l’opérateur B vers son propre abonné (et qui ne lui rapporte pas d’argent). Sans entrer dans les détails calendaires, elle est, par exemple, jusqu’au 30 juin 2012, de 1,5 centime par minute pour Orange, SFR et Bouygues alors que pour Free, elle est de 2,4 centimes par minute. Ce qui lui procure un certain confort. Il y a donc tout lieu de penser qu’Orange et Free trouveront un terrain d’entente.

Pas de droit à l’erreur pour Free Mobile

Free Mobile a au moins prouvé une chose : il est possible de proposer des forfaits « illimités » bon marché pour de la voix et de l’Internet mobile. Puisque, pour le moment, les abonnés du quatrième opérateur dans leur très grande majorité peuvent téléphoner et surfer sur leurs smartphones sans problème. Néanmoins, même si ce nouvel épisode Free Mobile ressemble fort, du point de vue de l’agressivité tarifaire, à celui de la Freebox, Free ne peut appliquer à ses offres de téléphonie mobile le même business model que celui qu’il avait mis en place en 2002 pour ses offres Internet. Comme nous l’évoquions précédemment, le nouvel opérateur arrive sur un secteur déjà largement arpenté par ses concurrents, contrairement à la position qu’il occupait au début des années 2000 sur le secteur de l’ADSL. La société n’a plus la même envergure qu’à cette époque.

La division mobile de Free a engrangé en quelques semaines autant d’abonnés que l’a fait Free ADSL en quelques années. Free ADSL a longtemps souffert d’une mauvaise image en termes de communication en direction de ses abonnés. Free Mobile ne peut pas se le permettre. Xavier Niel a beau affirmer qu’une hot line de téléphonie mobile réclame moins de forces vives que les plates-formes pour l’ADSL, parce que « technologiquement, c’est plus simple »… Ou encore déclarer que la concurrence s’est fourvoyée en misant tout sur le marketing… Peut-être… Mais attention à ne tomber dans l’excès inverse. Trois millions d’abonnés captés en si peu de temps pourraient se transformer en une jolie petite armée de mécontents. Et les nouveaux clients Free Mobile n’ont certainement pas tous le même état d’esprit que le geek de 2003 admiratif devant le chenillard de l’afficheur de sa Freebox qui tarde à lui délivrer une connexion Internet… Ou la même patience que le Freenaute aguerri qui parcourt les newsgroups  à la recherche de solutions à ses « plantages » de Freebox.

L’autre point noir auquel on ne peut s’empêcher de penser, c’est la commercialisation de produits encore en phase de finalisation, comme ce fut le cas pour le lancement de la Freebox Révolution. Pour le moment, tout fonctionne pour le quatrième opérateur, mais que se passerait-il si son propre réseau ne tenait pas la charge à plus ou moins court terme ? En matière de téléphonie mobile, les consommateurs ont déjà pris leurs habitudes depuis bien longtemps. Passé l’engouement du public pour les tarifs (et, accessoirement, pour les téléphones proposés en marge des forfaits), on peut parier à coup sûr que Free Mobile sera attendu et jugé sévèrement sur ces deux points cruciaux que sont la qualité de service et la communication.

Lire la première et la deuxième parties de notre dossier.

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Benjamin Gourdet