Toujours privé des services de Google après sept mois de guerre commerciale américaine, Huawei ne s’avoue pas vaincu. Loin de là. Conforté par le maintien de ses bons résultats financiers et commerciaux, ainsi que par la reprise de ses relations avec des acteurs majeurs comme Microsoft ou Qualcomm, il affiche même un solide appétit sur le marché de la high-tech grand public.
1 + 8 + N : la formule magique de Huawei
Lors du Mobile World Congress de Shanghai du mois de juin dernier, Huawei a annoncé une nouvelle stratégie. Officiellement, elle ne concerne que l’Internet des Objets. Mais en réalité, elle préside désormais à la destinée de tous ses produits. Elle se résume en une formule presque mathématique : 1 + 8 + N. Graphiquement, elle est représentée par un modèle dit de « Flywheel » composé de trois cercles concentriques. L’utilisateur et son smartphone se retrouvent au centre, comme on peut le voir dans le schéma ci-dessous.
Le « 1 », c’est donc l’accès primaire : le smartphone est au cœur de la matrice. Pourquoi ? Parce que c’est l’appareil qui vous permet de contrôler tout le reste, par des gestes ou via des commandes vocales avec l’assistant Celia déjà disponible en Chine et qui sera lancé ailleurs dans le monde en 2020. Le « 8 » englobe huit produits ou accessoires qui prennent en charge et améliorent votre expérience sur smartphone : tablettes, PC, écouteurs sans fil, enceintes intelligentes, lunettes, montres, télévisions et voitures connectées.
Enfin, le « N » est l’endroit où tout se réunit, réseau et objets connectés. Oubliez les applications spécialisées, les équipements se contrôleront via une seule interface centralisée. Les appareils sont regroupés selon différents scénarios et catégories de services comme la domotique avec caméra domestique et robot-aspirateur, ou l’exercice et la santé avec tensiomètre et balance connectée. Pour faire communiquer tous ces objets ensemble, Huawei met en avant son protocole maison HiLink.
A l’offensive dans le wearable, l’audio et les télévisions connectées
Toujours deuxième plus gros vendeur de smartphones dans le monde malgré les péripéties de cette année, Huawei entend bien monter en puissance sur d’autres segments. Il avait fait une entrée fracassante en 2017 sur un marché du PC pourtant en plein repli. Ses performances n’ont pas faibli depuis. « Nous avons enregistré une croissance de 240% sur le marché du PC au premier semestre 2019 », a déclaré le directeur marketing produit de Huawei, Wally Wang, lors d’une présentation à la presse à laquelle nous assistions. Le géant chinois entend bien continuer sur cette lancée maintenant qu’il est à nouveau autorisé à utiliser Windows, après une brève interruption.
Huawei se focalise sur quelques ordinateurs portables haut de gamme et abordables, conçus pour rester en interaction permanente avec le smartphone. Même chose avec les tablettes. Le marché a beau être en déclin au point que Google s’en soit désinvestit, Huawei compte bien s’y maintenir et même grappiller des parts de marché supplémentaires avec des modèles comme le MatePad Pro qui va sortir en France l’année prochaine. Il faut aussi s’attendre à une offensive dans les télévisions connectées, l’audio et le marché du wearable l’année prochaine.
Des partenariats pour les objets connectés
L’idée n’est pas de fabriquer tous les équipements de cet écosystème et de se diversifier autant qu’un acteur comme Xiaomi mais de se concentrer sur les cercles 1 et 8. Concernant le N, Huawei se borne pour le moment aux ampoules connectées, à la caméra domestique et au purificateur d’air. Pour le reste, il a initié deux types de relations avec ses partenaires : « Design for Huawei », une vraie collaboration pour développer les produits, et « Works with Huawei HiLink », où les objets se contentent juste d’être compatibles avec le protocole HiLink. Parmi les produits concernés, on trouve aussi bien des bouilloires que des serrures connectées ou des miroirs intelligents.
Le catalogue est vaste et impressionnant, exposé au sein du Smart Home Ark Lab au siège de Huawei à Shenzhen que nous avons pu visiter. « Nous comptons plus de 500 produits et 200 partenariats », nous explique Sheng Lin, en charge du marketing IoT. « Cela nous permet de toucher 50 millions d’utilisateurs dont 5 millions d’utilisateurs actifs par mois », ajoute-elle.
Des boutiques haut de gamme comme écrins
Cet écosystème intégré incite logiquement l’utilisateur à rester dans l’univers de la marque et à acheter des équipements Huawei compatibles, afin de les faire communiquer ensemble au mieux. Impossible, par exemple, de faire de la collaboration multi screen sur son PC portable Huawei sans posséder un smartphone de la même marque. Toutefois, Huawei prend bien garde de ne pas fermer son écosystème. Les produits sont aussi compatibles avec d’autres standards de l’industrie.
Tous ces objets connectés sont déjà disponibles en Chine mais pas ailleurs dans le monde. Huawei va commencer à les commercialiser hors de ses frontières l’année prochaine. Point d’orgue de cette offensive, les flagship stores. De vastes magasins premium qui sont à la fois des points de vente, de réparation, de rencontre des fans de la marque et de formation des utilisateurs. Comme les Apple Store. Mais il s’agit aussi pour Huawei de mettre en scène avantageusement son écosystème et son fameux modèle 1+8+N. Il souhaite ouvrir 30 flagship stores dans le monde d’ici 2024. Toutes les grandes villes chinoises et européennes seront concernées. En France, le premier flagship store sera inauguré au premier trimestre dans le quartier parisien de l’Opéra.
« Nous allons commencer par proposer seulement quelques produits connectés. Et nous souhaitons initier des partenariats avec des fabricants français d’objets connectés », nous explique Alex Huang, directeur de la division grand public de Huawei en France.
La partie n’est pas gagnée d’avance dans notre pays. Huawei va débarquer sur un marché déjà très compétitif en matière d’enceinte vocales, par exemple. Même chose pour les objets connectés. Des acteurs haut de gamme comme Philips Hue ou entrée de gamme comme Xiaomi sont déjà solidement installés. Les opérateurs français se sont presque tous mis également à proposer des packages domotiques ou de sécurité en partenariats avec Bosch, D-Link, Awox, Netatmo ou encore Somfy. Conscient du challenge, c’est sans fanfare ni trompette que Huawei va introduire tout doucement son écosystème IoT en France en 2020. Mais il a tout de même pris soin de se rapprocher des opérateurs, avec lesquels il commence tout juste à discuter.
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