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Renaissance d’AMD : une réussite à base de leadership, d’architecture et de consoles

Après un gros passage à vide, AMD a réussi à revenir dans la course tant dans les domaines des CPU que des GPU. Une « renaissance » qui est le résultat d’un travail de fond et d’un management d’exception.

Si la couleur d’AMD est le noir, tous ses indicateurs sont pourtant au vert : le plus célèbre ennemi d’Intel et de Nvidia connaît une année faste qui vaut à sa PDG, Lisa Su, de faire partie des 50 personnalités de l’année du magazine Fortune. Loin d’être une publication de geek qui célébrerait l’intérêt de l’architecture Ryzen 2, Fortune s’est appuyé pour ce choix sur des éléments plus terre à terre : les chiffres et l’argent. Avec un titre boursier qui a bondit de +66% en un an et un chiffre d’affaires en hausse de +23%, Advanced Micro Devices (AMD) est sur la bonne pente après des années de vaches maigres. Un succès qui n’est pas l’opération du saint Transistor mais qui résulte d’un alignement de bonnes étoiles. Des bonnes personnes en passant par les bonnes technologies et les bonnes attitudes, petit retour sur les éléments qui ont fait le succès d’AMD ces deux dernières années.

La cheffe qui a tout changé

Adrian BRANCO / 01net.com

Titulaire d’un doctorat du MIT obtenu en 1994, le docteur Lisa Tzwu-Fang Su est nommée directrice générale d’AMD en octobre 2014 alors que l’entreprise est dans la tourmente. Ses GPU sont largement distancés par ceux de Nvidia, l’architecture Bulldozer de ses processeurs est un échec retentissant qui mène Intel à l’ultra dominance de tous les segments informatiques (PC fixe, PC portables, serveurs) et son action tourne autour de 2,6$. En cette fin décembre 2019, l’action AMD est à plus de 42 dollars…

« Lisa Su a su motiver les équipes et a complètement redéfini les priorités de l’entreprise », nous explique Mark Papermaster, directeur de la technologie (CTO) chez AMD. « Avant son arrivée, AMD dispersait ses forces sur tout un tas de projets. Lisa a imposé une rationalisation avec un focus sur des secteurs clés, la recherche de la satisfaction client et le retour à la course aux performances », continue Mr Papermaster, le grand manitou des technologies qui maîtrise aussi bien les champs CPU que GPU.

Le dicton dit que « nul n’est irremplaçable ». Pourtant il suffit parfois de la bonne personne à la bonne place au bon moment pour tout changer. C’est cette femme de caractère qui a ainsi fait tous les (bons) choix qui participent à la réussite actuelle d’AMD : définir les priorités, choisir les bonnes technologies, les bons partenaires, etc. Et mettre l’entreprise en ordre de bataille. Une bataille qui a d’abord été menée sur le cœur de métier d’AMD : les CPU.

Zen, l’architecture CPU qui a relancé la machine

Adrian BRANCO / 01net.com

Le segment sur lequel AMD brille plus particulièrement est celui des processeurs. Alors qu’Intel régnait en maître dans les PC de bureau (desktop), dans les PC portables (laptop) et dans les serveurs, le géant de Santa Clara est attaqué sur tous ces fronts par un AMD conquérant. Pour preuve : pour la première fois de l’histoire des PC Surface, Microsoft a lancé un modèle propulsé par une puce AMD.

Cette puissance, AMD la tire principalement de sa nouvelle architecture CPU dite « Zen » qui motorise ses fameux processeurs Ryzen. Après une architecture Bulldozer que l’on peut qualifier de catastrophique en termes de performances et de business, Zen a permis non seulement à AMD de rattraper son retard, mais aussi de dépasser Intel dans bien des domaines.

AMD – Mark PAPERMASTER

Un des secrets de cette réussite tient en un mot : le temps. « Les ingénieurs ont eu le temps nécessaire pour développer correctement l’architecture », détaille Mark Papermaster. « Nous avons pu définir nos priorités en examinant correctement les technologies qui étaient à notre disposition. Et nous avons pu non seulement développer une architecture novatrice et avec un fort potentiel d’évolution, mais nous avons surtout pu établir une feuille de route sur 4-5 ans, ce qui était une grande nouveauté pour AMD », poursuit-il. Loin d’être un feu de paille, le succès de la microarchitecture d’AMD a vu la seconde génération (ZEN 2) consolider les acquis de la première. Et ce n’est pas près de s’arrêter : « Nous sommes actuellement en train de planifier les sorties de processeurs sur 5-6 ans et tout ce que je peux vous dire c’est que nous n’avons pas encore vu la fin du potentiel de l’architecture », se félicite M. Papermaster.

Entre 2014 et 2017 AMD a donc fait le dos rond, travaillé et planifié un super processeur déclinable des tours aux PC portables (RYZEN) en passant par les serveurs (EPYC). Mais ces puces n’auraient pas eu l’impact qu’elles ont connu si AMD n’avait pas profité de la meilleure technologie de production de semi-conducteurs du moment.

TMSC et sa gravure en 7 nm

À l’architecture performante de Zen qui est le fruit du travail des ingénieurs d’AMD, s’ajoute la qualité du procédé de fabrication qui est le fruit direct de l’assouplissement des liens entre Global Foundries (GF) et AMD. L’ancienne division de fabrication de processeurs d’AMD, que ce dernier avait revendu en 2009, profitait en effet de quotas obligatoires de la part d’AMD. Ce dernier se devait de commander un certain volume de puces à GF sous peine de pénalités financières, ce alors même que les procédés de fabrication de GF plafonnaient. Lisa Su n’a cessé de travailler au corps GF pour réduire ces quotas et aller chercher de nouveaux fondeurs maîtrisant des procédés de gravure plus performants.

Et le nouveau partenaire d’AMD, vous le connaissez sans doute puisqu’il s’agit du même fournisseur que celui auquel Apple, Qualcomm ou encore Nvidia fait appel : le taïwanais TSMC qui règne en maître sur le procédé de fabrication en 7 nm avec son concurrent coréen Samsung. En couplant l’architecture multi-cœurs de Zen à un procédé de fabrication plus performant que le 14 nm +++ d’Intel, AMD a pu produire des puces plus attractives que son concurrent, notamment pour les tâches multimédia ou intense en usage CPU (calculs, etc.).

Consoles et smartphones : AMD, le champion des partenariats

Si vous êtes joueur PC, vous savez sans doute que le géant Nvidia est le leader du segment des GPU que ce soit en termes de rapport performances/watt comme en termes de technologies – ray-traicing, etc. Mais bien que la marque domine AMD tant sur les marchés gaming PC (desktop et mobile) que dans les domaines pros (graphisme, calcul intensif, IA, etc.), AMD est pourtant le champion invisible du gaming. Du point de vue mobile d’une part, puisque la technologie Adreno des puces Qualcomm provient d’AMD qui avait vendu à ce dernier son architecture Radeon en 2009 (Adreno est l’anagrame de Radeon).

Les smartphones étant les appareils « gaming » les plus répandus (notamment en Asie et parmi les populations les plus jeunes), la domination de Qualcomm dans le domaine des appareils Android font de la « vieille » plate-forme d’AMD l’une des plus utilisées par les joueurs. Et l’aventure mobile d’AMD va se poursuivre avec Samsung qui vient juste de signer un contrat de licence pour implémenter RDNA dans ses futurs processeurs Exynos.

Mais la vraie force d’AMD n’est pas dans les mobiles : elle est dans les consoles de salon. Que vous soyez joueur PS4 ou Xbox One, peu importe, vous jouez sur une plate-forme signée AMD. Un AMD qui a commencé son aventure console avec la Gamecube de Nintendo, pour étendre son parc aux Xbox (à partir de la Xbox 360) puis finalement à Sony. Et cette domination va se poursuivre puisque les Playstation 5 et Xbox Series X, les deux nouvelles consoles de nouvelle génération qui seront lancées en 2020 fonctionneront toutes les deux sur une plate-forme CPU+GPU signée AMD.

Or, si l’architecture RDNA n’a pas encore réussi à contrer efficacement Nvidia dans le domaine des cartes graphiques de jeu pour PC (les premières cartes Navi ne ciblaient que le milieu de gamme et Nvidia a toujours de l’avance) le fait qu’AMD « enchaîne » deux générations de consoles va lui donner un atout pour réussir. Un atout qui s’appelle « logiciel ». En effet, les très gros titres sont d’abord développés avec les consoles en tête car ce sont elles qui sont le facteur limitant (les PC, notamment haut de gamme, sont généralement plus puissants que les consoles).

Avec deux générations successives de consoles de salon qui tirent parti d’un hardware AMD, nul doute que les développeurs vont commencer à bien connaître l’architecture Radeon/RDNA. Et ainsi favoriser certains choix techniques de la marque. Preuve que si la puissance pure est importante, faire les bons choix et s’entendre avec tout le monde est aussi une grande force.

Qu’il s’agisse de processeurs ou de puces graphiques, AMD reste le numéro 2 et a encore du chemin à faire. Mais c’est désormais un numéro 2 flamboyant, une entreprise agressive qui a relancé la course aux cœurs sur les processeurs d’ordinateurs, qui a redynamisé le segment des cartes graphiques milieu de gamme sur PC et qui donne vie à toutes les consoles de salon actuelles et du futur. Sa réussite a donc été au profit des clients qui ont pu profiter de ce regain de concurrence pour s’équiper de plates-formes moins chères et plus puissantes. Pourvu que cela dure !

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