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Les redoutables maux du courriel perturbent l’organisation de l’entreprise

Toute entreprise reçoit les e-mails qu’elle mérite. Et pourtant, la plupart ne se sont pas encore organisées pour y répondre efficacement.

Ouvrir une boîte à lettres internet accessible au public, c’est comme ouvrir une boîte de Pandore. C’est mettre le doigt dans un engrenage où il faudra faire face à des demandes incontrôlées. Très vite, le nombre des e-mails s’amplifie et l’entreprise ne peux plus répondre à l’abondance : elles ne s’est pas structurée pour la gérer. “Cette explosion du message électronique est en train de changer radicalement l’organisation interne de l’information dans les entreprises”, insinue Dominique Graber, directrice générale de l’Atelier BNP Paribas. Pire : en répondant mal, certains retours peuvent générer d’autres envois, d’autres e-mails auxquels il faudra encore répondre…

Air France a créé un site sans adresse internet

“Pour réagir à l’avalanche, les services pratiquent d’abord le modèle de la ” patate chaude ” : ils reroutent le message à un collègue ou le mettent en attente pour un jour, une semaine, voire pour toujours”, observe Jean-Philippe Lamonica, PDG de Ellipsa, cabinet de conseil en management. Au début, les responsables ne savent pas quelle organisation mettre en place. Les outils classiques de communication sont déjà plutôt bien structurés dans l’entreprise : courriers, fax, appels téléphoniques, circulent et des réponses sont données. Pas les e-mails. C’est donc sur l’un ou l’autre de ces modèles que les réponses doivent s’appuyer et c’est ce qu’on déjà fait plusieurs entreprises. Ainsi, les services du courriel de TotalFinaElf ou de France Loisirs ont pour référence leur service courrier. Dans les banques et les assurances, c’est le schéma du téléphone qui est privilégié. “Mais beaucoup d’entreprises travaillent de façon artisanale, dévoile Carole Sasson, directrice Cocedal Conseil. Car la mise en place d’outils spécialisés est trop complexe et ne se justifie que dans le cas de flux significatifs.” Face à l’invasion, la plupart des entreprises utilisent la démarche essai/erreur : celle qui consiste à tester progressivement ses services. C’est le cas d’Air France, dont le site web a été créé sans livrer d’adresse internet. Seule la commande de billets d’avion par formulaire était possible. Pour le reste, le client était invité à passer un coup de téléphone ou poster un courrier.Aujourd’hui cette politique s’est infléchie : timidement, en cachette même, la compagnie aérienne a ouvert un nombre très réduit de boîtes à lettres, chacune pointant sur un service précis. Trois sont limitées aux “questions en cas d’anomalie de réservation sur internet”, une autre est réservée aux Congrès, la dernière sert aux suggestions techniques à propos du site. Résultat : Air France reçoit très peu de mails, contrairement à ses homologues comme l’américain United Airline, qui avoue en traiter près de 100 000 par jour.

C’est une opportunité, pour le DSI, de prendre le pouvoir

Pour la compagnie nationale, qui n’a pas souhaité répondre à notre enquête, le sujet semble tabou. Comme pour de nombreux directeurs informatiques ou internet, le courrier électronique reste un fléau qui fait perdre du temps pour un résultat faible. En interne, les employés sont aussi réticents car ils ne maîtrisent pas toujours les flots des messages. Une chose est sûre : plus on ouvre de boîtes à lettres, plus il est difficile d’en gérer le contenu. Les chiffres le montrent. Selon Cocedal Conseil, 86 % des sites ont aujourd’hui une boîte à lettres unique contre 66 % l’an dernier. En parallèle, le nombre de formulaires est en croissance : 41 % les utilisent, contre 59 % qui laissent le contenu libre. Deux exemples. D’abord chez TotalFinaElf, où il n’y a pas d’entrée unique, mais un nombre de points d’entrée limité. “Certains services utilisent des adresses génériques comme le raffinage ou le marketing. Cet accès direct permet au service de continuer à traiter les mails quand une personne est absente”, détaille Dominique Pardo, responsable du département e-services à la direction des systèmes d’informations et télécoms du groupe pétrolier. Selon le site et les besoins, une ou plusieurs personnes gèrent les courriels reçus. L’autre cas est celui de la RATP, pour qui répondre aux usagers internautes est considéré comme une obligation de service public. Sur le site de la régie, le visiteur peut poser la question de son choix. Mais l’adresse unique passe par un formulaire très structuré qui oriente automatiquement le mail vers le service concerné. Cette organisation permet de répondre vite et clairement aux questions posées ?” une seule par courriel ?” et que l’internaute doit structurer.“Toute entreprise, quelles que soient sa taille et son activité, a les e-mails qu’elle mérite”, sermonne Jean-Philippe Lamonica. Ainsi, celles qui ont mal pensé leur site, pourront être inondées de courriels de toutes sortes. Or, une bonne organisation est souvent liée à un homme. Pour Jean-Philippe Lamonica c’est même une opportunité pour le DSI de prendre le pouvoir : “C’est le seul à pouvoir lancer un projet de technologie multicanal.” A ce niveau, le problème n’est plus de traiter les mails, mais d’organiser la communication avec l’extérieur. C’est alors qu’intervient la nécessité d’homogénéiser tous les points de contact entre les clients et l’entreprise : accueil physique, téléphone, courrier, fax, Minitel et courriel.Vient alors le besoin de définir une charte d’usage interne. Peu d’entreprises l’on fait, comme TotalFinaElf, où ce texte précise qui est autorisé à aller dans un forum et à parler au nom du groupe. “Comme pour tout écrit, un courriel engage l’entreprise bien plus que le téléphone”, confirme Dominique Pardo. Pour la direction générale, il est nécessaire d’établir une typologie des demandes, de définir l’interlocuteur qui engage l’entreprise et jusqu’à quel niveau. “Il faut aussi faire attention à la tonalité de l’écrit électronique”, soupèse Jean-Philippe Lamonica. Toute familiarité, tutoiement ou pictogramme (smiley) est à proscrire. “Il faut toujours garder une certaine distance avec l’interlocuteur, ne pas utiliser le prénom du répondant ou des formules trop verbales. A ” Cher Henri “, on préfèrera ” Cher Monsieur “. A ” Asap ” on privilégiera ” sincèrement ” ou “cordialement “.”Reste enfin les courriels auxquels il ne faut pas répondre, comme les insultes ou les demandes sur des produits concurrents. “Ce sont souvent des pièges qui ouvrent à des débats sans fin. En fait l’émetteur ne cherche pas à obtenir vraiment une réponse, mais bien à provoquer.”

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Hubert d'Erceville