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Les industriels prennent au mot Bruxelles sur l’e-Europe

L’ERT, principal lobby industriel du Vieux Continent, craint l’abandon du programme défini au sommet de Lisbonne pour favoriser une Europe high-tech, capable de se mesurer aux États-Unis.

C’est dans la plus grande discrétion que s’est réuni, fin mai à Londres, l’European Round Table of Industrialists (ERT). Ce club, qui rassemble la fine fleur de la grande industrie européenne, est un des lobbies les plus influents à Bruxelles depuis vingt ans. Plus discret que l’Unice, la fédération des syndicats de patrons européens, l’ERT est né en réaction au Club de Rome qui, à l’aube des années 80, ne croyait plus à la croissance en Europe. ” En plein europessimisme, l’ERT a lancé l’idée du marché intérieur qui a abouti, en 1986, à l’acte unique “, se rappelle Piet Steel, responsable des affaires européennes du géant de la chimie belge, le groupe Solvay. Son président, Daniel Jansen, est membre de l’ERT, aux côtés de quarante autres grands patrons dont, pour la France, les dirigeants d’Air Liquide, Renault, Aventis et autres Saint-Gobain. Fin mai, pour son rendez-vous semestriel, l’ERT a choisi d’examiner la mise en ?”uvre par les Quinze du programme de réforme e-Europe entériné au printemps 2000 à Lisbonne. Un sommet d’orientation plutôt libérale, en phase avec les dynamiques de la nouvelle économie.Le projet e-Europe a été conçu en 1999 par le commissaire Erkki Liikanen comme un outil de compétitivité. À Lisbonne, sa mise en ?”uvre repose sur trois lignes de force : la diminution des coûts d’utilisation d’internet par la libéralisation des télécommunications, la création d’un marché européen du travail qui stimule l’éducation, la recherche et la mobilité, et la réglementation des échanges électroniques pour garantir leur sécurité et favoriser l’e-commerce. Un tel programme ne pouvait qu’être plébiscité par les milieux d’affaires.

Obstacles politiques

” Lisbonne a été le congrès du renouveau économique de l’Europe “, explique Piet Steel. Reste que, selon l’ERT, le zèle réformateur des Quinze subit le contrecoup du ralentissement économique. ” La compétitivité ne sera pas la priorité du Conseil européen du 15 juin à Göteborg : la présidence suédoise a fixé un or-dre du jour marqué par les thèmes de l’écologie et de l’emploi “, commente amèrement Piet Steel. Des vicissitudes politiques qui ont convaincu l’ERT d’exercer une surveillance sourcilleuse du programme de réforme lancé à Lisbonne.Première inquiétude : le difficile décollage de l’e-commerce en Europe, en particulier pour les PME, dont seulement 6 % ont déployé une activité commerciale en ligne. Deuxième inquiétude : le manque de main d’?”uvre compétente dans les technologies de l’information, estimé pour 2001 à 700 000 personnes et à 1,7 million à l’horizon 2003. Enfin, troisième inquiétude : le niveau de dépenses en recherche et développement dont l’écart avec les États-Unis, estimé en 1999 à 75 millions d’euros (près de 500 millions de francs), continue de s’agrandir.Sur ces trois sujets, les milieux d’affaires sont déterminés à prendre au mot la Commission. Avant décembre 2001, la présidence belge s’est ainsi engagée à faire aboutir la réforme du brevet communautaire. ” C’est notre priorité pour assurer à l’innovation une protection uniforme au niveau de l’Union “, souligne Piet Steel. Deuxième échéance : le Conseil européen de Barcelone de mars 2002. Il devrait arrêter un plan d’action capable de résorber, par une meilleure mobilité de la main d’?”uvre, les carences sectorielles. La réforme des marchés financiers devrait être achevée avant la fin 2003 pour les valeurs mobilières. Son objectif ? Baisser le coût de l’accès aux capitaux dont le niveau actuel freine l’innovation en pénalisant les PME.

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Sébastien Fumaroli