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L’ingénieur de Panasonic en quête d’un noir & blanc au rendu argentique

Takayuki Tochio a travaillé pendant plus de trois mois dans les laboratoires de Panasonic à Osaka pour réussir à reproduire un mode noir & blanc qui simule  parfaitement la célèbre pellicule de Kodak, la Tri-X 400.

« Un ingénieur voudrait te parler de rendu des couleurs » : c’est d’une simple demande de rendez-vous que tout est parti. Régulièrement, certaines entreprises du monde de la photo demandent à rencontrer les journalistes hors lancement produit pour prendre le pouls, présenter des prototypes, des nouvelles fonctionnalités et voir comment la presse réagit. Une démarche normale dans le milieu de la photo, mais plus fréquente chez Panasonic que chez les autres marques. Et pour cause : dans le monde, l’Europe est la région qui pèse le plus lourd. Et en Europe, la France et l’Allemagne sont les deux plus gros marchés pour l’entreprise d’Osaka.

C’est donc autour d’un rendez-vous le 21 septembre dernier que nous avons eu la chance de découvrir le nouveau moteur de rendu des couleurs de Panasonic qui, à l’époque, devait être intégré « dans un appareil à venir » – ce n’est pas parce que les ingénieurs échangent un peu avec nous qu’ils nous confient tous leurs secrets, et les futurs appareils sont clairement « hors limites » !

Si les premiers éléments concernaient la couleur – amélioration de la plage dynamique à technologie de capteur constant, etc. – c’est au moment de parler du noir et blanc que l’atmosphère est devenu plus électrique. Chargeant une nouvelle présentation Powerpoint et sortant de grandes photos au format A3, les deux ingénieurs ont commencé à sembler plus excités, comprendre « contents de présenter quelque chose de vraiment bien ».

Adrian BRANCO / 01net.com – Michiharu Uematsu, à gauche, est l’âme de la marque Lumix de Panasonic. A droite, Takayuki Tochio est l’ingénieur magicien responsable du nouveau mode noir et blanc L-Monochrom D que l’on retrouve dans le Lumix GX9.

Nos invités étaient Mr Michiharu Uematsu, l’âme et l’histoire de la division photo de Panasonic, un vénérable ponte de Lumix qui connaît par leur prénom les journalistes photo de la terre entière tellement il passe de temps sur la route à venir nous présenter les appareils à chaque lancement produit. Comme à l’accoutumée, Mr Uematsu était accompagné d’un ingénieur. Sauf que cette fois-ci, ce n’était pas « un ingénieur » parmi d’autres mais le responsable de la merveille qui allait nous être présentée.  

Une pellicule de légende : la Kodak Tri-X 400

Il n’est pas rare que les marques – notamment Panasonic – viennent avec des tirages grand format et nous sollicitent pour nous demander quel rendu nous semble le meilleur. Mais ici, pour la première fois, la première photo présentée n’est pas celle d’un appareil concurrent, mais un tirage… argentique ! Et face à ce tirage de référence, plusieurs rendus numériques : le mode noir & blanc jusque-là de Panasonic, le L-Monochrom, l’Acros numérique de Fujifilm, etc. Des modes très différents les uns des autres… jusqu’à ce que nous arrivions à un tirage différent. Ou plutôt très similaire : cette prise de vue de la mire de référence des ingénieurs de Panasonic ressemblait étrangement au tout premier tirage argentique.

Une pause. On reprend le tirage original : pas de doute, les deux photos sont proches. Incroyablement proches. Et surtout, le rendu est familier. « Il s’agit de la demande la plus fréquente : la Kodak Tri-X 400 ». Un mot magique. « C’était la demande la plus remontée. Une demande qui émanait de l’Europe et plus précisément de la France », nous explique Mr Uematsu. Y aurait-il une spécificité culturelle ? « Sans aucun doute. Tous les pays ont leur culture et celle de la France est très forte. Si vos collègues allemands et leurs consommateurs sont friands de technique, les français ont des demandes bien différentes, plus photographiques. »  

A.B. / 01net.com

Retour à l’image : oui le grain est similaire, presque parfaitement reproduit. Sur une seconde scène, on sent que la plage dynamique du capteur, pourtant assez petit, est supérieure à celle de la pellicule – question de la qualité du tirage argentique ? – et certains blancs un peu cramés apparaissent un peu plus lisibles sur la simulation numérique. Mais le grain, si délicieusement anguleux et pourtant fin est bien de la partie. 

Le travail d’un seul homme

« Cela m’a pris trois mois », explique le second ingénieur. Très discret, un peu plus de la trentaine, Mr Takayuki Tochio n’avait jusqu’ici pas beaucoup parlé… et c’est pourtant lui l’artisan de cette merveille. Une seule personne pour réussir cet exploit ? « Oui, mais j’ai travaillé d’arrache-pied ! », confie-t-il. Ses bases de travail ? « Les notes de Mr Uematsu lors de vos rencontres », explique-t-il. Car chez Panasonic, si vous lardez les ingénieurs de questions, l’inverse est aussi vrai (lire l’encadré plus bas). « J’ai récupéré un vieil appareil argentique Pentax, une optique 50 mm f/1.8 et j’ai réalisé mes images de référence avec de la Kodak Tri-X 400, la pellicule dont tous les journalistes européens et notamment français parlent », relate Takayuki Tochio. La méthode de travail ? « Je ne peux pas vous donner tous les détails mais j’ai caractérisé numériquement le rendu argentique et j’ai écrits les algorithmes adaptés à nos capteurs pour m’approcher du rendu Kodak. »

À lire : Test Panasonic Lumix GX9 : l’hybride compact et performant (mais peu endurant)

Une mission réussie sur le prototype de l’époque et désormais implémentée dans le Lumix GX9, comme vous pouvez le lire dans notre test. Mais ce rendu n’est pas un acquis facilement transposable à tous les appareils, anciens comme nouveaux. « Chaque appareil (et son couple capteur + processeur, ndr) génère un bruit électronique très différent, donc unique. On ne peut pas adapter automatiquement le rendu, il faut réécrire une partie des algorithmes à chaque plateforme matérielle, ça demande beaucoup de travail ».

Alors que la petite division Lumix est à flux tendu – Panasonic est l’un des constructeurs les plus prolifiques en lancements – pourquoi avoir bloqué un ingénieur à plein temps sur ce rendu noir & blanc ? « Parce que c’est une manière de faire la différence et de répondre aux besoins des photographes », nous répond d’un grand sourire Mr Uematsu.

Pour le grand public, nous ne pouvons pas nous prononcer, mais pour tous les photographes, notamment les amoureux de l’ère glorieuse du photojournalisme en noir & blanc, l’arrivée d’un tel rendu qui  a du grain et du chien est en effet un vrai cadeau. La question qui reste en suspens est « pourquoi ne pas avoir trouvé un nom plus sexy que L-Monochrom D ? ». Les ingénieurs de Lumix sont peut-être de vrais magiciens de l’électronique, mais côté « naming », il y a encore du boulot.

Mais si vous avez une suggestion, il est fort probable que les équipes de Lumix soient à l’écoute. Comme toujours.

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