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L’Europe s’accorde sur la réforme du droit d’auteur

Le texte final qui sera présenté au vote oblige les grandes plates-formes du web à filtrer le contenu partagé, mais il protège les « memes » et les caricatures. L’utilisation d’extraits d’articles est nettement plus encadrée. Seules des phrases tronquées pourront être partagées.

Les représentants des trois institutions européennes (Commission, Conseil – représentant les 28 Etats membres – et le Parlement) se sont entendus. « Un accord a été atteint sur le droit d’auteur », a tweeté le vice-président de la Commission européenne, Andrus Ansip, chargé du dossier. « Les Européens vont enfin avoir des règles modernes sur le droit d’auteur, désormais adapté à l’ère numérique, avec de vrais bénéfices pour tout le monde : des droits garantis pour les utilisateurs, une rémunération juste pour les créateurs et une clarté des règles pour les plates-formes », s’est félicité M. Ansip.

Cet accord provisoire, trouvé entre les négociateurs du Parlement européen et des Etats membres, après trois jours de discussions chapeautées par la Commission, doit maintenant encore être adopté par le Conseil d’une part, et par les eurodéputés réunis en plénière, d’autre part, avant les élections européennes en mai prochain.

L’objectif de cette réforme, très âprement discutée depuis sa présentation en septembre 2016 par l’exécutif européen, est de moderniser le droit d’auteur à l’ère du numérique. Elle a donné lieu à une énorme bagarre, par lobbyistes interposés, entre les médias et les créateurs, d’un côté, qui veulent être mieux rémunérés et, de l’autre, les géants du numérique, qui défendent leur « business model », rejoints, de manière inattendue, par les militants de la liberté sur internet.

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Pas de filtrage sur les petites plates-formes

Que trouve-t-on finalement dans ce texte ? Les principales dispositions de l’article 13 sont maintenues. Les grandes plates-formes web vont non seulement devoir nouer des accords avec les ayants droit pour diffuser des contenus protégés par le droit d’auteur, mais aussi faire en sorte que ces contenus n’apparaissent pas s’il n’y a pas d’accord. Ce qui suppose donc la mise en place de dispositifs de filtrage automatique, comme ils existent déjà sur YouTube.

Les petites plates-formes web, qui ont moins de 10 millions de chiffre d’affaires et moins de 5 millions d’utilisateurs par mois, seront exemptées de cette obligation de filtrage. Elles devront juste faire en sorte que le contenu protégé soit supprimé le plus rapidement possible, après avoir été alertées par les ayants droit. Ce qui se fait déjà aujourd’hui.  

Il existe par ailleurs des exceptions à la protection du droit d’auteur à des fins de recherche universitaire et de conservation du patrimoine immatériel. Ainsi, les scientifiques pourront analyser de larges quantités de contenus protégés dans le cadre de leurs recherches, ce qui sera utile pour le développement du big data et de l’intelligence artificielle.

Les musées et les archives pourront, par ailleurs, faire des copies des œuvres au titre de la préservation du patrimoine. Ils pourront également diffuser gratuitement au grand public des œuvres protégés qui ne sont plus commercialisées ou pour lesquelles il n’y a plus de représentant légal. Les encyclopédies en ligne, telles que Wikipedia, ne devraient pas être concernés par ce nouveau texte de loi dans la mesure où le contenu est généré par les contributeurs. « Par conséquent, la vaste majorité du contenu de Wikipedia est téléversé avec l’accord des ayants droit », souligne la Commission européenne dans une foire aux questions.

Enfin, il existera une exception pour les « memes », les caricatures et les pastiches : les créateurs pourront continuer à puiser de manière légale dans du contenu protégé. Ils risquent toutefois d’être supprimés de manière automatique par les dispositifs de filtrage. C’est pourquoi les plates-formes web devront prévoir une procédure de recours.   

Exit les « phrases compréhensibles » sur Google News

L’article 11 relatif à la protection des œuvres de presse est également maintenu. Il prévoit un « partage équitable » des revenus générés par la diffusion en ligne des contenus journalistiques, sans vraiment préciser comment ce rééquilibrage sera concrètement obtenu. Par ailleurs, cette protection ne s’appliquera pas aux hyperliens qui pourront toujours être partagés comme aujourd’hui.

La Commission est plus ambiguë sur le partage de « snippets », ces petits extraits d’articles. Elle explique qu’ils ne seront pas concernés par ce nouveau droit d’auteur « si le fragment n’est pas considéré comme une œuvre originale autonome (en pratique tout au moins une phrase compréhensible) ». Ce qui voudrait dire qu’à l’avenir, un service comme Google News ne pourra afficher au mieux que des phrases tronquées avec un lien. En janvier, le géant du web avait d’ailleurs alerté l’opinion publique sur cette réalité. Les négociateurs européens n’en ont visiblement pas tenu compte.

Source:

Commission européenne

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Gilbert Kallenborn avec AFP