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Free Mobile : Orange règle ses comptes à l’Assemblée

Stéphane Richard n’y est pas allé de main morte en évoquant Free Mobile alors qu’il était auditionné par la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale. En résumé, ses principales interventions.

Après Xavier Niel, Stéphane Richard. Quelques jours après le patron d’Iliad, celui d’Orange a été interrogé hier matin par les députés de la Commission des lois de l’Assemblée nationale. 

Une intervention largement dominée par Free Mobile : Stéphane Richard a reconnu « qu’il y a eu beaucoup de buzz autour de l’arrivée du quatrième opérateur » mais surtout « beaucoup de contrevérités ». « Je m’inscris en faux contre ce jugement à l’emporte-pièce sur ce qui était la réalité du secteur de la téléphonie mobile avant l’arrivée du quatrième opérateur », a-t-il indiqué aux députés en préambule, avant de répondre point par point à leurs questions. Le ton est donné ! 

 

Les tarifs de Free

Stéphane Richard reconnaît que Free a surpris son monde lorsqu’il a dévoilé ses tarifs. Mais répète qu’il faut comparer ce qui est comparable : « On a été surpris par l’agressivité de ces offres. Je tiens tout de même à préciser que ces offres sont “sim only” et ne comprennent donc pas le financement du terminal… Il est important de comparer les offres de Free aux offres comparables des autres opérateurs. Si vous réintégrez, comme 80 % des Français, le changement d’un terminal, c’est beaucoup moins intéressant !  C’est un des éléments qui explique les stratégies de riposte des concurrents. »

La saturation des réseaux 3G

Interrogé sur la possible saturation de son réseau avec l’arrivée des abonnés à Free Mobile, Stéphane Richard explique qu’il n’y a pas de souci pour l’instant… mais en profite pour attaquer le petit nouveau. « Il y a une augmentation permanente des usages, mais le risque de saturation des réseaux sera d’autant moins grand qu’il y aura un réseau chez Free, si vous voyez ce que je veux dire. Le quatrième opérateur a un cahier des charges qui lui impose un certain nombre d’opérations, et la première, c’est de construire un réseau. Notre réseau est cependant dimensionné aujourd’hui pour accueillir l’itinérance. Aujourd’hui il n’y a pas de risque de saturation, mais c’est une situation qu’il faut suivre au jour le jour. »

Le « dogme de l’ARPU »

Xavier Niel s’étonnait de voir son offre à 2 euros pas imitée par ses concurrents, et mettait cela sur la dictature de l’ARPU [revenu annuel moyen par client, Ndlr] qui, selon lui, interdit à ses concurrents de l’imiter. Stéphane Richard pense, quant à lui, qu’il n’y a pas plus accro à l’ARPU que… Free. « Je vous signale que les principaux tenants du dogme de l’ARPU sont nos amis de Free, qui sont très forts pour lancer des offres à des prix bas et avoir ensuite une stratégie de montée de l’ARPU, ils ont fait ça très bien sur le fixe. Mr Niel, qui trouve que l’on a des marges excessives sur le mobile, a le record de la marge sur le fixe. La marge brute qu’il fait sur ses activités Internet en France, c’est 39 % de son chiffre d’affaires… C’est plus que nous avec le mobile. »

Le forfait à 2 euros

D’après Stéphane Richard, le forfait à 2 euros de Free, c’est avant tout de la comm’, pas une offre adaptée aux besoins des français. « Personne aujourd’hui ne peut satisfaire ses besoins de communication avec 1 heure de communication et 60 SMS par mois, quand on sait que l’usage moyen c’est plutôt entre 400 et 500 SMS par mois. Les 2 euros, c’est un chiffre qui a été lancé pour impressionner la foule, mais qui en réalité ne correspond pas aux usages de nos concitoyens, quelle que soit leur catégorie sociale. »

Les terminaisons d’appels

C’est le dossier le plus chaud entre Free et ses concurrents. Les adversaires de Free estiment que ce nouveau venu réclame des tarifs de terminaisons des SMS bien trop élevés.  Stéphane Richard a résumé ce dossier technique aux parlementaires… et hausse le ton.  

« Lors d’une communication entre deux opérateurs, il y a une facturation réciproque qui se fait, avec une terminaison d’appel. Lorsqu’un nouvel opérateur arrive sur ce marché, l’usage fait qu’on lui donne un avantage, une asymétrie dans ces facturations : il touche davantage d’argent lorsqu’il bénéficie d’une communication venant d’un réseau tiers que lorsqu’il l’utilise lui-même.

Sans revenir sur le principe même de l’asymétrie, il y a un point à souligner : le modèle économique de Free est basé sur l’espoir d’une terminaison d’appels sur les SMS extrêmement élevée. Ils ont dit publiquement qu’ils attendaient une terminaison de 2,85 centimes d’euros par SMS. Ce niveau-là est absolument inadmissible et injustifié, car il revient à faire financer par les autres opérateurs — que M. Niel juge mal gérés et excessivement rentables — le développement de Free.

Cela reviendrait, pour un usager moyen, du forfait à 19,99 euros à ce que nous et les autres opérateurs le financions à hauteur de presque 10 euros ! […] Il est pour nous exclu qu’un tel système se mette en place. Si par malheur il y avait une asymétrie sur les SMS comme le réclame Free, elle sera provisoire… Et il faudra connaître la soutenabilité du modèle tarifaire de Free lorsqu’elle aura disparue, grande question à laquelle je laisse les dirigeants d’Iliad répondre.

 

Une fausse « culture Free » ?

Xavier Niel n’avait pas hésité à comparer son salaire à ceux des patrons d’Orange et de Bouygues, pour expliquer que son entreprise était « raisonnable » et que c’était l’une des raisons pour lesquelles il pouvait faire des tarifs plus bas. Une déclaration qui a apparemment déplu à Stéphane Richard, qui critique cette prétendue « culture Free ».
« Il y a eu nombre de déclarations du patron d’Iliad sur le “modèle Free”. Free, c’est une espèce de coopérative ouvrière, où tout le monde est payé pareil, où le dirigeant a un salaire ridicule de 173 000 euros par mois… Et puis vous savez Free est une merveilleuse entreprise qui appartient à 70 % à ses salariés. Je sais bien que beaucoup d’entre vous sont tombés sous le charme de M. Niel mais je veux juste rappeler deux ou trois réalités comptables : M. Niel se paye 173 000 euros mais a touché 14 millions de dividendes l’année dernière, c’est sûr que pour lui le salaire, c’est plus de l’argent de poche. Et il y a certes un peu de 65 % du capital de Free qui appartient aux salariés, mais 62 % à lui. Drôle de conception des salariés de Free. »

Le déploiement de Free

Autre serpent de mer depuis le lancement de Free Mobile : le nouvel opérateur a-t-il respecté la couverture minimale exigée par l’Arcep ? Niel accuse ses concurrents de vouloir le dénigrer… Eric Besson s’en est mêlé… Et Stéphane Richard semble toujours douter. « La mission de l’Arcep de vérifier le réseau de Free est délicate : il peut y avoir un jeu du chat et de la souris. On peut mettre des antennes, les activer quand un inspecteur de l’Arcep arrive, les désactiver, régler la puissance des antennes. Donc le fait qu’il y ait des antennes physiquement présentes et qu’elles soient activées ne représente en rien une mesure de la qualité du réseau. […] J’attends que l’Arcep fasse son boulot et s’assure rapidement que Free remplit bien ses obligations. N’oublions pas que l’itinérance n’est accessible à Free que si Free respecte ses obligations. »

La portabilité du numéro

Là encore, c’est un sujet de discorde entre Free et ses concurrents. Stéphane Richard rejette la faute des soucis de portabilité à Free qui, faute d’informations, n’aurait pas permis au GIE qui gère les passages de témoins entre opérateurs de monter correctement en charge avant le lancement de son offre. « Free n’a pas donné de prévisions de trafic avant le lancement de son offre et on fait depuis le maximum. Ce procès que l’on nous fait, je le récuse totalement. Les problèmes des clients de Free, ce n’est pas un problème de portabilité, c’est parce qu’une fois que la portabilité a été faite, ils n’ont pas reçu leur carte SIM. Tant que la portabilité est en cours, le service fonctionne. »

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Eric le Bourlout