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Contact tracing : comme la France, le Royaume-Uni veut se passer d’Apple et Google… et c’est compliqué

Le Royaume-Uni a développé sa propre appli de contact tracing, sans s’appuyer sur le système développé par les géants américains. Un premier test sera lancé cette semaine. 

De nombreux pays tentent de développer leur propre application pour retracer les contacts des personnes infectées par le Covid-19 sur leur territoire. Comme la France, le Royaume-Uni est l’un des rares pays à avoir choisi de créer une application incompatible avec l’API actuellement développée par Google et Apple
Au lieu de décentraliser les données entre les appareils, le « StopCovid à l’anglaise » centralisera les renseignements récoltés dans une seule base de données exploitée par le National Health Service (NHS), l’autorité nationale en charge de la santé publique.

Des craintes pour les libertés numériques

Les autorités soutiennent que la centralisation des données permettra de mieux suivre et comprendre la propagation du virus, mais aussi de réagir plus vite s’il est nécessaire de faire évoluer le système.
Néanmoins, les défenseurs des libertés numériques craignent que ce système ouvre la voie à une surveillance généralisée d’État. Le Royaume-Uni a d’ailleurs déjà laissé entendre que d’autres organisations pourraient utiliser les informations recueillies pour des recherches en santé publique – ce qu’Apple et Google interdisent pour des raisons de confidentialité. 

En dehors des questions de libertés individuelles déjà bien menacées par les politiques de confinement, les défis techniques sont immenses. Une telle application suppose la création d’un « journal de contact » regroupant les appareils à proximité repérés par Bluetooth dans votre smartphone et avec l’aide des autres appareils alentours.
Dès qu’un utilisateur notifie qu’il est malade, alors un système alerte tous les appareils qu’il a croisé récemment. Contrairement à celle développée et utilisée à Singapour, l’appli britannique se fonde sur un système de « poignées de main » entre deux appareils actifs. C’est à dire que chaque contact entre deux terminaux sur lesquels l’appli est installée s’enregistre. La France envisage le même système. 

L’échec australien ?

Or, problème, Google et Apple restreignent l’utilisation du Bluetooth par les applications sur iOS et Android. Ils ne permettent pas aux développeurs de diffuser constamment des signaux via le Bluetooth. Par conséquent, les applications iOS ne peuvent envoyer des signaux Bluetooth que lorsque l’application est en cours d’exécution au premier plan. Si votre iPhone est verrouillé ou que vous ne regardez pas l’application, l’appareil n’émet donc pas de signal. Les dernières versions d’Android intègrent des restrictions similaires. 

La vidéo ci-dessous montre comment fonctionne l’application australienne baptisée Covidsafe, qui n’utilise pas non plus l’API d’Apple et Google. On voit bien que l’appareil ne diffuse des signaux Bluetooth que lorsque l’application est au premier plan.

Le Royaume-Uni, l’Australie ou encore la France misent sur des systèmes nationaux non seulement pour regrouper toutes les données et y avoir accès mais aussi pour des raisons évidentes de souveraineté nationale… L’Union européenne, elle, n’a pas tranché. Mais faire sans Apple et Google pourrait être fatal aux pays qui ont choisi cette voie. 

Apple et Google à la « vitesse de la lumière »

Interrogé par The Verge, Michael Veale, expert en droit numérique, qui fait également partie d’un consortium international développant des protocoles décentralisés en contact tracing, a affirmé qu’il n’y avait aucun moyen de construire un système de recherche de contacts sans l’aide d’Apple et de Google, qu’il a, au passage, félicité d’avoir travaillé à la « vitesse de la lumière »

« Ils avancent beaucoup plus vite que ce nous avions envisagé », a-t-il déclaré. « Ils ont fourni un moyen unifié qui fonctionne au-delà des frontières [et] que beaucoup de pays ont choisi d’utiliser. »

Un test sur une île de 141 000 habitants et une porte ouverte…

Mais, pour l’instant, il est impossible de prédire exactement les futurs problèmes rencontrés par l’appli développée par le Royaume-Uni.
L’application en bêta devrait être lancée, cette semaine, dans le cadre d’un petit projet pilote sur l’île de Wight, une île de 141 000 habitants située au large de la côte sud de l’Angleterre. Le gouvernement britannique a encore le temps de modifier son fonctionnement ou de passer à un système décentralisé, tout comme l’Allemagne l’a fait le mois dernier.

« La solution de rechange à la collaboration avec [Google et Apple] consiste à créer un système qui ne fonctionne pas sur les iPhones, qui mène à des bases de données centralisées qui ruinent la confiance, ne fonctionnent pas au-delà des frontières et n’aideront donc pas à ouvrir les voyages internationaux », a insisté Michael Veale, toujours dans les colonnes de The Verge, rappelant que le marché britannique était composé à 50 % d’iPhone. 

Néanmoins, il semblerait que le NHS britannique n’ait pas complètement fermé la porte à la solution de Google et Apple.
Selon le Financial Times, la division innovation de l’agence de santé du Royaume-Uni serait en contact avec une société suisse. Elle l’aurait chargée d’une étude de faisabilité de l’intégration de l’API des deux géants américains dans sa propre solution. L’entreprise helvétique aurait deux semaines pour mener à bien sa mission et faire son retour, ce qui impliquerait une mission se terminant à la mi-mai.

En France, l’application StopCovid ne sera pas prête pour la date prévue pour le déconfinement, le 11 mai. Le Premier ministre s’est montré sceptique, le débat au Parlement a été repoussé, même le nom n’est pas arrêté… Tout semble compromis pour l’application française. Pourtant, le secrétaire d’État au Numérique Cédric O a affirmé, lundi 4 mai, qu’elle serait lancée pour le 2 juin. « Wait and see », comme diraient les Britanniques. 

Sources : The Verge et Financial Times

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Marion SIMON-RAINAUD