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Aux États-Unis, le mirage du gratuit fait long feu

La gratuité totale n’est plus en vogue sur le net américain. D’autant que la publicité ne supportera pas à elle seule les coûts croissants. Les sites web s’ajustent donc en proposant notamment des formules mixtes, gratuites au départ, payantes ensuite.

Le surf gratuit sur internet a longtemps été possible au pays de l’Oncle Sam. Bluelight, le fournisseur d’accès des grands magasins Kmart, était totalement gratuit ; Netzero, le “défenseur du monde libre”, aussi. Les internautes malins pouvaient se procurer sans frais un ordinateur, faire développer gratuitement leurs photos ou passer des coups de fil au bout du monde sans bourse délier. Plus étonnant encore, Cyberrebate.com proposait à ses visiteurs la gratuité en deux temps. D’abord, l’internaute commandait et payait ses articles. Puis, il recevait des coupons de réduction à retourner à Cyberrebate.com, et se voyait rembourser le montant de l’ensemble de ses commandes.

Changement de stratégie

Trop beau pour être vrai ? Sans doute. Cyberrebate.com vient de se réfugier sous le chapitre XI de la loi américaine sur les faillites et affiche 83,4 millions de dollars (96,8 millions d’euros) de dettes. Un passif en partie imputable à ces fameux clients qui ont bien renvoyé leurs demandes de remboursement.Le mythe de la gratuité a bel et bien vécu. Et les fins stratèges qui espéraient financer leur entreprise virtuelle grâce à la seule publicité changent leur fusil d’épaule, les uns après les autres. “Il y a un an, quand on a vu que 80 % de la publicité se concentrait sur le top 10 des premiers sites, nous avons compris que la réclame ne paierait pas tout”, explique Steve Wolin, vice-président du secteur digital chez le consultant Mercer Management. Hors ces sites fédérateurs d’audience, point de salut.En prime, à la même époque, sont apparus d’efficaces instruments de mesure de l’impact publicitaire. Les annonceurs qui avaient joué la carte internet ont alors compris que le coût d’acquisition d’un nouveau client sur le net était dix fois supérieur aux tendances relevées sur les autres supports. “Le modèle ne marchait pas”, constate Steve Wolin. Les tarifs consentis par les annonceurs ont été sérieusement revus à la baisse. Dans le contexte actuel de ralentissement de l’économie américaine, il a bien fallu se rendre à l’évidence et oublier la gratuité.

La fonte des tarifs publicitaires

Sur le site Freemerchant.com, par exemple, qui offrait gracieusement des magasins virtuels aux petites entreprises, les annonceurs ont au départ accepté de payer plus de 50 dollars pour chaque nouveau groupe de 1000 visiteurs ayant été exposés à leurs écrans publicitaires. Aujourd’hui, ils ne paient pas plus de 3 à 5 dollars pour le même résultat.Freemerchant.com, racheté par Network Commerce, complète donc ses maigres recettes en facturant ses services : les amateurs disposent tout juste d’un mois d’essai avant de voir s’acquitter d’un abonnement mensuel de 25 dollars. Snapfish.com, l’ex-développeur gratuit de photos, demande 1,99 dollar par pellicule. Les livraisons d’ Outpost.com, autrefois offertes, se paient aujourd’hui 3 dollars au minimum.Et même Yahoo!, l’un des portails les plus populaires, complète sa manne publicitaire avec quelques nouveaux services payants : pour mettre aux enchères un vélo d’occasion sur Yahoo.com, il faut payer 1,50 dollar. Pour y suivre les cotations boursières en direct, c’est 10 dollars par mois. Et le stockage massif en ligne des vieux courriers électroniques se facture 20 dollars par an.

Un savant dosage gratuit-payant

Chez Bluelight et Netzero, la promesse de gratuité n’est pas tout à fait enterrée. Elle est juste limitée : l’internaute dispose de 12 heures de connexion gratuites par mois chez Bluelight, et de 40 heures chez Netzero. Mais pour disposer d’un meilleur service, “plus rapide, sans bannière publicitaire et illimité”, assure-t-on au siège de Netzero, il faut dorénavant passer à la caisse : 9,95 dollars par mois. Même tarif illimité chez Bluelight.Le mélange gratuit-payant a aussi convaincu les médias. Le New York Times, La Tribune Interactive ou le Washington Post se lisent toujours gratuitement sur petit écran. Mais pour en savoir plus et feuilleter leurs archives, il faut dégainer sa carte de crédit. Idem pour le nec plus ultra des informations financières de Hoover. Gratuites, au début, elles deviennent payantes en fin de session.Cette formule progressive est également “très puissante” dans le B to B, estime Steve Wolin. C’est ainsi que General Electric offrira quelques conseils gratuits en ligne à ses clients pour mieux leur faire payer réparations et maintenance dans la vie réelle.

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Caroline Talbot à New York