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Affaire Woerth : la presse en ligne attaquée par l’UMP

Face à la polémique qui ne cesse d’enfler, le parti au pouvoir tente de discréditer le site Mediapart en insistant sur son identité Web. Plusieurs organisations de presse répliquent.

C’est la faute d’Internet. Voilà la stratégie que l’UMP a décidé d’adopter pour défendre le ministre du Travail et trésorier du parti, Eric Woerth, mis en cause dans l’affaire Bettencourt. Car c’est un site Web d’information qui est à l’origine de la plupart des révélations, Mediapart.

Et les accusations pleuvent. Le secrétaire général de l’UMP, Xavier Bertrand, dénonce des « méthodes anti-démocratiques », la secrétaire d’Etat à la Famille, Nadine Morano, parle de « sites Internet qui utilisent des méthodes fascistes » et d’un « site de ragots », la secrétaire d’Etat à l’Economie numérique, Nathalie Kosciusko-Morizet, estime que « la calomnie sur le Net n’est pas un modèle économique », le ministre de l’Industrie, Christian Estrosi, réduit Mediapart à « une véritable poubelle du Net », le député UMP Eric Raoult prétend que n’importe qui peut vendre une information 150 euros à Mediapart, et, pour Rama Yade, « la liberté de la presse, Internet notamment, n’autorise pas tout ».

Le porte-parole de l’UMP Frédéric Lefebvre, se prenant quant à lui pour Emile Zola, s’est fendu d’une tribune virulente dans France-soir, où il sen prend à des « méthodes inqualifiables financées par un riche homme d’affaires ». Comprendre Xavier Niel, fondateur d’Iliad-Free, qui a investi dans Mediapart.

Ces attaques s’appuient toutes sur l’aspect « Internet » de la polémique, en insinuant que, dès lors que les articles mettant en cause Eric Woerth sont publiés en ligne, ils relèvent de la rumeur, du ragot, de l’information non vérifiée, servant à « faire du clic ». Reporters sans frontières et le Forum des sociétés de journalistes sont montés au créneau pour défendre Mediapart et le travail des journalistes, et le Groupement des éditeurs de services en ligne (le Geste, dont fait partie NextRadio TV, maison mère de 01net.), s’insurge contre le dénigrement spécifique de la presse Web.

Dans un communiqué du jeudi 8 juillet, l’organisme tient à rappeler que les éditeurs de presse en ligne, Mediapart comme d’autres, sont des professionnels au même titre et avec les mêmes responsabilités que les éditeurs de la presse papier. Or, « si [les] critiques restent, en général, tempérées lorsqu’il s’agit de médias traditionnels, le droit de répondre et de se défendre, dont jouit tout individu, se mue systématiquement en une diatribe contre Internet, et tout particulièrement les sites d’information, lorsqu’une telle information est publiée en ligne ».

Créer la confusion

Même discours de la part du Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (Spiil) : « Les attaques lancées contre les informations du site Mediapart, accusé de colporter des ragots et des rumeurs par le seul fait qu’il est diffusé sur l’Internet, sont […] irresponsables et montrent une méconnaissance totale du statut de la presse en ligne. » Ce statut existe depuis le 1er juin 2009 et a été aligné sur celui de la presse traditionnelle. Et ce à l’initiative… du président de la République, Nicolas Sarkozy.

Cette stratégie consistant à discréditer la presse Web n’est pas totalement nouvelle. Lorsqu’une vidéo contenant des propos racistes du ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux, a été dévoilée en septembre 2009, la majorité a aussitôt dénoncé les dérives d’Internet. Jean-François Copé, président du groupe UMP à l’Assemblée nationale, avait même demandé un débat public sur Internet et la liberté…

Mais avec l’affaire Woerth-Bettencourt, « c’est la première fois que c’est à ce point, estime Laurent Mauriac, directeur général de Rue89 et vice-président du Spiil. L’angle d’attaque est facile : on crée la confusion en mettant tout et n’importe quoi sous le terme Internet. Mais c’est une attitude surprenante de la part d’un gouvernement qui a mis en place le statut d’éditeur de presse en ligne ». Mais, dans ce genre de situation, ce n’est pas toujours la logique qui prime.

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Arnaud Devillard