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Un « immense gâchis », retour sur la fin brutale du projet de taxis volants d’Uber

François Sillion dirigeait l’Advanced Technologies Center du géant américain à Paris. Mais son équipe a été remerciée à la suite de l’abandon du programme Elevate sur les taxis volants. 

Il y a un an, François Sillion nous faisait visiter les locaux flambants neufs de son Advanced Technologies Center à Paris. Des bureaux sur-mesure pour accueillir la petite équipe de chercheurs chargée de développer des outils logiciels pour le service de taxis volants Uber Air.
Mais l’aventure s’est arrêtée net dès le mois de décembre dernier. Frappé par la pandémie, Uber a dû faire des choix. Après des licenciements intervenus dès le printemps 2020, il a mis fin à ses entités les plus hypothétiques. Exit la division voiture autonome, revendue à Aurora, et au revoir Uber Air. 

« Uber a eu la volonté de se repositionner sur son cœur stratégique d’activité : les VTC et la livraison, sachant le secteur des VTC est très impacté par la pandémie puisque les déplacements sont limités », nous expliquait Rym Saker, la directrice de la communication d’Uber en France. 

La décision a alors été prise de vendre l’entité Uber Elevate à la start-up Joby Aviation. Le centre parisien a été aussitôt fermé et ses neuf salariés ont fait l’objet d’un licenciement économique.

« Uber a pris la décision d’externaliser les paris d’avenir comme Jump, les voitures autonomes ou Uber Elevate. On ne peut que regretter que la société ait cru devoir abandonner sa vision technologique et son activité de recherche pour satisfaire à priori à une logique seulement financière de court terme », témoigne François Sillion.

Une partie de l'équipe du centre de recherche parisien lors de notre visite en mars 2020.
01net.com – Une partie de l’équipe du centre de recherche parisien lors de notre visite en mars 2020.

Une « immense frustration » pour  l’équipe

Après 25 ans passés au service d’instituts publics comme le CNRS ou l’INRIA (Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique), dont il a été le PDG par intérim, ce spécialiste de la vision par ordinateur avait rejoint Uber avec la satisfaction de se frotter enfin au milieu de l’entreprise. Il rêvait de voir se concrétiser ses travaux. Mais le couperet est tombé trop tôt, sans qu’il ait pu aller au bout des chantiers initiés.

« Fermer notre centre un an et demi seulement après son lancement, c’est un immense gâchis. J’ai recruté 12 personnes venant de pays différents dont certaines avaient quitté de très bonnes situations. Il y avait trois doctorants qui avaient commencé leurs travaux. Nous avions multiplié les partenariats et les conventions avec le milieu académique et l’industrie européenne et même une chaire avec Polytechnique », énumère avec tristesse François Sillion.

Dans les locaux de l'ancien centre de recherche d'Uber à Paris.
01net.com – Dans les locaux de l’ancien centre de recherche d’Uber à Paris.

L’impossibilité de poursuivre le projet

« Nous avons réfléchi à être racheté ou reprendre l’activité nous-même. Mais Uber n’a montré aucun intérêt et n’a rien fait pour rendre cela possible, refusant par exemple d’analyser la situation de propriétés intellectuelles. Quant aux perspectives de reclassement, elles n’étaient pas vraiment sérieuses », glisse-t-il. « La seule chose que nous espérons maintenant, c’est pouvoir publier quand même nos résultats de recherche. Mais cela n’est pas évident. Lorsque l’on soumet des articles à des revues scientifiques, il faut pouvoir apporter des compléments lorsque les rapporteurs le demandent. Or, le centre a été fermé brutalement sans nous laisser accès aux codes, données et outils de calcul nécessaires au code. On peut supposer que c’est la structure aux USA qui va pouvoir en bénéficier ».

Une voiture autonome d'Uber.
Uber – Une voiture autonome d’Uber.

Les ambitions futures d’Uber pour les taxis volants ne sont pas toutes enterrées.

« Uber reste une plate-forme de mobilité multimodale qui pourra intégrer plus tard des e-VTOL », confirme Rym Saker.

Malgré tout, il s’agit bien d’arrêter la recherche en interne dans ce domaine. La priorité d’Uber se trouve désormais ailleurs.

« Nous diversifions les services proposés. Après la livraison des repas, Uber Eats s’est étendu à l’épicerie, aux boissons alcoolisés ou aux fleurs en France, à la pharmacie aux Etats-Unis. Notre stratégie, c’est le Go and Get. Le Go pour la mobilité, et le Get pour ce qui vient jusque chez l’utilisateur », ajoute la porte-parole d’Uber.

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François Sillion ne se dit pas forcément échaudé par cette expérience. Il reste convaincu que l’ouverture récente des chercheurs français au monde de l’entreprise est nécessaire et doit se poursuivre. Quitte à se retrouver parfois, comme dans son cas, confronté à un véritable « choc des cultures » et à une énorme impression de gâchis.

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Amélie CHARNAY