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« Taxe » copie privée : Bruxelles veut revoir le système

Le système actuel de redevance sur la copie privée en Europe « ne fonctionne pas », estime la Commission européenne. Il faut donc rouvrir les négociations afin d’obtenir plus de simplicité et de clarté.

La Commission européenne souhaite relancer le débat sur une éventuelle réforme des redevances perçues au titre de la copie privée (1) en Europe. Selon une source européenne, citée par l’AFP, Bruxelles compte « nommer un médiateur pour relancer le processus » de négociation entre les industriels, les associations de consommateurs et les ayants droit.

Contacté par 01net., les services de Michel Barnier, commissaire au Marché intérieur, confirment l’information et nous livrent de plus amples détails. « Le système actuel de la copie privée en Europe ne fonctionne pas car il entrave le marché intérieur. Une solution doit donc être trouvée, indique la porte-parole du commissaire. Par le passé, il y a eu beaucoup d’efforts pour parvenir à un consensus. Des efforts qui n’ont malheureusement pas abouti. Nous avons besoin de relancer ces discussions pour parvenir à une meilleure compréhension des enjeux et identifier les possibilités de compromis. »

L’objectif du médiateur indépendant sera donc de relancer les négociations afin de « trouver un système plus simple, moins opaque et qui respecterait parfaitement le cadre du marché intérieur ». Aucun nom ne circule pour l’instant et aucun calendrier n’a été fixé. En mai prochain, la direction générale du marché intérieur commencera déjà par publier un document présentant l’ensemble de sa stratégie en matière de propriété intellectuelle. Outre la copie privée, il couvrira la problématique des brevets, leurs droits de diffusion ou encore du piratage et de la contrefaçon sur Internet.

L’harmonisation des montants semble difficile

Les dernières négociations pour une réforme de la copie privée en Europe avaient débuté en juillet 2008 et s’étaient vite enlisées pour finalement capoter en janvier 2010. Les industriels avaient quitté la table des négociations, invoquant un « manque de résultats concrets » et appelant à « une intervention politique et législative au niveau européen ».

Bruxelles semble donc avoir entendu leur appel. Les différents acteurs sont-ils désormais prêts à reprendre le dialogue ? Plusieurs industriels de niveau européen, contactés par 01net., n’ont pas souhaité faire de commentaires dans l’immédiat. En revanche, les responsables français siégeant à la commission copie privée répondent tous favorablement à la réouverture des négociations. Pour autant, ils n’en attendent pas forcément la même chose.

« Voilà une excellente nouvelle. Une harmonisation des montants de la redevance est nécessaire car il y a trop de disparités en Europe et cela crée des conditions de distorsion de la concurrence », estime ainsi Patrick Jacquemin, cofondateur du site rueducommerce.com. Bernard Héger, du Syndicat des industries de matériels audiovisuels électroniques (Simavelec), se dit ravi et appelle aussi à une harmonisation des barèmes. « Il n’y a pas de raisons que le préjudice dont se plaignent les ayants droit, raison d’être de la redevance, soit différent d’un pays à l’autre », précise-t-il.

La question du marché gris

Côté ayants droit justement, la reprise des discussions est aussi saluée. « Je suis heureux que le dialogue reprenne entre les ayants droit et les industriels qui avaient quitté brutalement la table des négociations », souligne Pascal Rogard, directeur général de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD).

Mais l’idée d’une harmonisation des montants reste bloquante. « Ce serait très complexe et nécessiterait beaucoup de temps car une nouvelle directive européenne devrait être rédigée », précise le responsable. Aujourd’hui, la copie privée est couverte par la directive du 22 mai 2001 sur « l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information » (2001/29/CE).

La SACD reste en revanche ouverte à des discussions sur le problème du marché gris (2), les règles d’importation et d’exportation, l’exception des produits à usage professionnel ou encore sur le contrôle des sociétés de gestion. Même son de cloche à la Société civile des auteurs multimédias (SCAM) : « Relancer les discussions est une excellente chose. Nous faisons confiance à Michel Barnier pour défendre et protéger les ayants droit. Mais une éventuelle harmonisation des barèmes paraît difficile », indique Hervé Rony, son directeur général.

L’Administration des droits des artistes et musiciens interprètes (Adami) partage également ce point de vue. « Harmoniser les barèmes est difficile à imaginer car cela relève, pour l’instant, de la compétence des Etats membres. La question du marché gris est en revanche centrale », estime Bruno Boutleux, le directeur général de la société.

(1) La rémunération au titre de la copie privée, qualifiée de « taxe » même si elle n’en est pas une au sens fiscal, est destinée à compenser le préjudice subi par les ayants droit (auteurs, interprètes…) lors des copies effectuées par les consommateurs dans un cadre privé. Prélevée sur les supports de stockage vierges, c’est à ces derniers qu’elle est reversée.

(2) Le marché gris est un marché parallèle créé par des vendeurs étrangers, basés dans un pays sans redevance copie privée ou dans un Etat où son montant est très faible, et vendant dans un autre pays sans payer la redevance qui y est en vigueur. Ces vendeurs, présents principalement sur le Net, proposent ainsi des prix sur lesquels les vendeurs locaux ne peuvent s’aligner. Il y a donc une distorsion de concurrence.

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Christophe Guillemin