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Snapdragon 8 Gen 1 : anatomie de la future puce des smartphones haut de gamme

Explosions des performances IA, refonte du GPU, ARMV9 dans le CPU et un processeur d’image impressionnant : pour sa première génération de Snapdragon 8, Qualcomm frappe fort. Assez pour contenir la montée de MediaTek et Samsung ?

La première puce de la nouvelle nomenclature de Qualcomm s’appelle donc officiellement « Snapdragon 8 Gen 1 » et elle est importante : ce sera celle qui propulsera la majorité des terminaux Android haut de gamme de l’année prochaine. 

Adrian BRANCO / 01net.com – Alex Katouzian, VP de Qualcomm, présente la puce Snapdragon 8 Gen 1 au parterre de journalistes lors du Snapdragon Summit à Hawaii le 30 décembre 2021.

Du point de vue technique, il s’agit de la première puce de Qualcomm faisant appel aux instructions ARMv9 ainsi que de la première gravée en 4 nm – à l’instar de MediaTek qui a grillé la priorité de l’annonce de ces deux technologies il y a quelques jours avec son Dimensity 9000.

Lire aussi : Avec le Dimensity 9000, MediaTek veut détrôner Qualcomm dans les smartphones haut de gamme

Il y a toutefois d’importantes différences entre ces deux puces : Qualcomm n’utilise pas les plans d’ARM tels quels, et le procédé de fabrication serait du 4 nm de Samsung et non de TSMC. Ce qui devrait donner un avantage de densité et de rendements à MediaTek, les nodes de TSMC étant de meilleure qualité sur ces deux plans.

En plus de ces changements technologiques clés comme le 4 nm, l’usage d’ARMv9 et des cœurs Cortex X-2, etc. le Snapdragon 8 Gen 1 marque aussi une évolution de Qualcomm dans les priorités et la communication qui va avec. L’organisation même des blocs de composants a évolué dans cette nouvelle puce. 

« Dans le passé, nous vous parlions des éléments tels que le modem RF, le GPU, l’AI, l’ISP, ou encore le CPU. Désormais nous vous parlerons des usages et en les découpant en six axes : la connectivité, l’IA, la caméra, le son, la sécurité et le gaming », a ainsi expliqué Alex Katouzian, vice-président de Qualcomm. Une démarche qui s’est sentie avec l’émergence de nouvelles « marques » ces dernières années. Après « Snapdragon Elite gaming », nous avons vu poindre « Snapdragon Audio » et aujourd’hui, comme nous le verrons plus loin, « Snapdragon Sight ».

Qui dit nouvelle puce dit évidemment nouveau processeur central (CPU) et nouveau processeur graphique (GPU). Si les promesses d’amélioration de performances sont importantes, dans une forme de désacralisation, ce ne sont pas les éléments qui ont fait l’objet d’un vrai focus technique.

CPU/GPU alléchants, mais contours flous

Toujours baptisé Kryo et Adreno, les CPU et GPU du Snapdragon 8 Gen 1 promettent une amélioration plus que substantielle des performances – mais Qualcomm n’a pas daigné leur donner un nom comme par le passé ! Du côté du CPU, cette première génération de puce ARMv9 organisée en 1+3+4 (un super cœur Cortex-X2, à 3,0 GHz, trois puissants Cortex-A710 à 2,5 GHz et quatre cœurs basse consommation A510 à 1,8 GHz) promet des gains de performance jusqu’à +25% par rapport au Snapdragon 888.

Mieux encore : le GPU, toujours appelé Adreno, serait « la plus grosse amélioration de performance d’une génération de Snapdragon à l’autre ». La puce aurait été entièrement redessinée – Qualcomm s’y réfère en tant que « 4e génération » – et promet d’être jusqu’à 30% plus performante que la partie graphique du Snapdragon 888.

Et même jusqu’à 60% plus rapide dans l’API graphique Vulkan. Intégrant pour la première fois la technologie du rendu volumétrique pour afficher des nuages et fumées ultra réalistes, la puce profite d’améliorations en matière d’occlusion ambiante ou de Variable Rate Shading. Cette dernière fonction, qui gère en temps réel le rafraîchissement des écrans des smartphones « gaming » (dalles 120, voire 144 Hz, etc.), passe en une version « Pro »… sans beaucoup plus de détails là encore.

On ne sait toutefois rien de la façon dont est organisée la puce graphique. Nombre de cœurs, puissance en TFLOPS, promesse officielle de FPS sur tel ou tel titre, etc. Dommage.

Lire aussi : Qualcomm va mettre à jour les pilotes graphiques des smartphones pour le gaming (2019)

Il faut cependant noter que Qualcomm se rapproche de l’univers PC côté paramétrage : après avoir permis le chargement de pilotes via Google Play, un panneau de contrôle appelé Adreno Control Panel voit le jour et permettra aux joueurs de faire des choix (simples) pour mettre la priorité sur la durée de vie de la batterie, le niveau de détails, etc.

Des performances IA qui explosent

Peu disert sur le CPU et le GPU, Qualcomm a, au contraire, fait feu de tout bois concernant l’IA. Une IA qui est non seulement plus puissante, mais aussi potentiellement active à tout moment. Du côté des performances, Qualcomm affirme (comme tout le monde) être le champion du domaine avec une foule de graphiques (astucieusement choisis, comme tout le monde) prouvant sa supériorité. Non seulement sur la concurrence, mais aussi sur sa puce précédente, le Snapdragon 888. Le Snapdragon 8 Gen 1 et sa 7e génération d’écosystème IA serait ainsi de 2 à 4 fois plus puissant que ne l’était le 888.

Il faut bien ici parler d’un ensemble d’éléments, car il ne s’agit pas uniquement d’améliorations du DSP, l’Hexagon, qui sont pris en compte. Ce « chef d’orchestre » au sein de la puce s’appuie en effet aussi sur les ressources du CPU, du GPU, du nouveau contrôleur mémoire ainsi que sur le Sensing Hub (lire plus bas) et d’une nouvelle partie logicielle pour afficher un tel niveau de performance. Selon Jeff Gehlhaar, vice-président des technologies, la partie logicielle – produite notamment grâce à de l’IA ! – serait ainsi responsable de la moitié de ce gain de performances.

En pratique, l’IA est toujours utilisée pour analyser les images, optimiser la consommation d’énergie, améliorer les performances dans les jeux, etc. Mais aussi pour des tâches plus discrètes comme l’optimisation de la réception des données. Selon la façon dont le terminal est tenu – et évidemment si les constructeurs de smartphones intègrent bien les capteurs recommandés par Qualcomm – le Snapdragon 8 Gen peut aussi modifier le comportement des antennes.

Non seulement pour améliorer la connexion, mais aussi limiter la consommation énergétique (en évitant de « forcer » sur une antenne dont le comportement est modifié par la paume de la main). De quoi permettre à Qualcomm de frimer côté chiffres en affirmant offrir un niveau de performances par watt – nerf de la guerre du mobile – 1,7 fois supérieur à la compétition.

À cette partie d’IA « puissante » s’ajoute un bloc plus modeste en termes de performances, mais qui complète redoutablement son champ d’action : le Sensing Hub. Cette petite portion de la puce, qui en est à sa troisième génération, est une sorte de version « light » de l’Hegaxon, mais qui fonctionne en permanence. Point de fuite d’énergie puisque quand elle ne fait que rester à l’écoute – de la voix, des interactions, etc. – le Sensing Hub consomme moins de 1 mA.  

Composé d’un petit DSP, de cœurs de calcul IA et de sa propre mémoire il reçoit aussi – et c’est une première – son propre processeur d’image (ISP). Un processeur d’image qui scanne en permanence et peut déverrouiller votre smartphone quand vous le regardez – au moment de consulter une recette de cuisine les mains pleines de farine. Voire pourrait détecter que quelqu’un regarde par-dessus votre épaule et ainsi couper l’écran.

Ce module caméra toujours actif est tout à la fois intéressant et inquiétant. Les ingénieurs de Qualcomm assurent que la puce est sécurisée puisqu’elle profite de sa propre mémoire isolée du reste du système. Et que, ainsi, aucune information du capteur d’image ne peut en sortir – l’ISP n’a d’ailleurs pas de droit en écriture et ne peut que « lire » les infos du capteur.

Et puisqu’on parle de capteur et d’image, arrivons enfin à la « bête » de ce Snapdragon 8 Gen 1 : son ISP.

Snapdragon Sight et ISP qui fait un saut quantique

Après le gaming, après le son, c’est donc à l’imagerie de recevoir un nom marketing. Si le nom de l’ISP demeure – il s’agit toujours d’un Spectra – le numéro de version disparaît et un nouveau drapeau est brandi : Snapdragon Sight. Il ne s’agit pour l’heure pas d’une garantie de compatibilité matérielle (Snapdragon Sound pour les casques et enceintes) ni de performances (Snapdragon Elite Gaming), mais d’une bannière réunissant les technologies d’image de la puce. Et les promesses sont ahurissantes.

Avec 3,2 milliards de pixels traités par seconde, un premier chiffre impressionne. Mais Qualcomm est coutumier du fait et ses ISP étaient déjà parmi les plus performants du monde en matière de nombre de pixels traités.

C’est plutôt du côté de l’échantillonnage des couleurs que le Snapdragon 8 Gen 1 sidère, puisqu’il « voit » désormais les informations colorées en 18 bit. Pour vous donner un référentiel, dans le monde des appareils photo « normaux », la plupart des boîtiers échantillonnent les couleurs sur 10, voire 12 bits. Certains boîtiers haut de gamme comme l’A7R Mark IV le font sur 14 bit et quelques très rares appareils moyen-format hors de prix – notamment chez Phase One – travaillent sur 16 bit.

Et si on rappelle que le précédent ISP haut de gamme de Qualcomm, le Spectra 580 du Snapdragon 888, échantillonne les couleurs en 10 bits (14bit effectifs en couplant les prises de vue), on mesure que le monde des smartphones vient ici de faire un bond quantique en matière de perception des teintes. Entre le 14 bit effectif de la génération précédente et le 18 bit de cette mouture, la puce multiplie par 4096 le volume de données colorimétriques traitées par seconde.

Ce qui permet au Spectra nouveau de shooter des vidéo 8K HDR+ sans même broncher. Mieux, son bus de données permet d’utiliser un capteur 64 Mpix et de shooter un flux 8K (HDR+ donc) tout en le stabilisant numériquement, les 33 Mpix de chaque trame de la séquence vidéo n’étant qu’une simple formalité à gérer. Encore plus fort, en même temps qu’il shoote cette séquence, le Spectra peut aussi contrôler un second module caméra de 64 Mpix et shooter des photos de manière 100% indépendante. Et produire des RAW 18 bit qui pourrait bien faire saliver les photographes pros, surtout avec l’arrivée de capteur 1 pouce dans les smartphones.

Et la partition photo est loin d’être finie : plage dynamique poussée à 4 stops, multiplication par cinq des images capturées pour le multiframe (30 images !), tous les algorithmes d’expo/AF/etc. entièrement passés sous pavillon IA, etc. Le Spectra est LE monstre de cette nouvelle puce et demande un article à part à entière. 

5G : jusqu’à 10 Gbit/s descendant et 3,5 Gbit/s montant !

Fournisseur de modems à toute la planète – même à Apple qui l’intègre toujours dans ses iPhone 13 en attendant de terminer le développement de son modèle maison sur les cendres de la division d’Intel – Qualcomm a par contre été plus éloquent sur sa partie connectivité.

Si le modem intégré au SoC reste le X65 5G de l’an dernier, ses performances sont largement améliorées… sur le papier. S’il est déjà un fait que les modems de Qualcomm sont les plus performants du marché, l’américain enfonce le clou en présentant la première puce capable d’agréger les connections 5G Sub-6 (utilisées partout où la 5G est déployée) ainsi que les flux en mmWave, la version la plus performante de la 5G, mais dont le déploiement est pour l’heure très limité (USA, Corée du Sud, expérimentations en Chine et au Japon).

Qualcomm affiche ici des chiffres théoriques maximum ahurissants, qu’il s’agisse de 10 Gbit/s en téléchargement ou encore jusqu’à 3,5 Gbit/s en upload. Un débit de pointe qui permettrait, dans le meilleur des monde d’envoyer un film 4K de deux heures en une minute. De manière plus réaliste, Qualcomm met en avant l’explosion des besoins en matière de vidéoconférence et des streamers pour justifier le besoin de toujours plus de vitesse en 5G.

Quand on regarde l’anatomie de la puce, on retrouve des briques connues. On l’a vu, c’est toujours le X65 qui gère la connexion 5G/4G et c’est toujours le module Fastconnect 6900 qui est en charge du Wi-Fi 6 (6E) et du Bluetooth 5.2. Mais il s’agit de versions améliorées tant sur le plan matériel que logiciel. Ainsi, le modem X65 gère désormais la 16e release de la norme 5G, ce qui en fait la puce pour smartphone la plus avancée du monde.

Snapdragon Audio : qualité CD sans perte en Bluetooth

La partie son n’a pas été négligée, surtout depuis que Qualcomm a développé son label Snapdragon Audio. Dans ce Snapdragon 8 Gen 1, l’américain a surtout mis en avant sa maîtrise du Bluetooth en permettant, grâce à son codec aptX Lossless, la diffusion d’une qualité CD sans perte au travers du Bluetooth. Ce alors que le standard ne le permet théoriquement pas (encore) ! La puce est donc capable d’envoyer des fichiers WAV 16 bit à 44,1 Hz sans toucher à l’intégrité du son (compression sans perte).

Aux audiophiles, Qualcomm promet aussi des latences extrêmement faibles et, une fois encore, le soutien de l’IA notamment dans la gestion des microphones. L’Hexagon et ses renforts (CPU, GPU) sont mis à profit pour la suppression pure et simple des bruits ambiants en communication – la démonstration était très convaincante ! Et le fameux Sensing Hub, qui fait partie de l’écosystème « Snapdragon Sound » est actif en permanence et peut être sollicité pour réagir lorsqu’il détecte des bruits ambiants. L’exemple démontré étant les pleurs d’un bébé : détectés comme tels par la partie audio du Sensing Hub, ce dernier demande au moteur audio de baisser le son du casque du parent indigne afin qu’il puisse entendre les cris de sa progéniture.

Le Snapdragon 8 Gen 1 fait de belles promesses. Mais il reste à voir si l’accélération de la compétition – partenariat Samsung Exynos/AMD, montée en puissance de MediaTek jusqu’au Dimensity 9000 – ne va pas faire de l’ombre à la position dominante de Qualcomm dans les terminaux haut de gamme. La réponse dès début 2022 avec la première fournée de terminaux Android haut de gamme de nouvelle génération.

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