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Dimensity 9000 : quand MediaTek veut détrôner Qualcomm dans les smartphones haut de gamme

Premier sur l’architecture ARM v9, premier sur la gravure en 4 nm de TSMC, ou encore premier sur la LPDDR5X, le Dimensity 9000 est le SoC le plus ambitieux de MediaTek depuis des années. Il entend bousculer la mainmise de Qualcomm sur les terminaux Android haut de gamme.

Comme AMD dans le monde des PC, MediaTek est l’entreprise de semi-conducteurs qui a le vent en poupe dans le milieu des puces pour smartphones. Le Taïwanais, qui sait aussi travailler avec des partenaires – Intel, AMD ou Nvidia, a aussi des velléités de puissance solo dans le monde de la téléphonie et s’en prend ouvertement à Qualcomm avec sa toute nouvelle puce tout-en-un : le Dimensity 9000.

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Si MediaTek a déjà lancé de nombreuses puces sous ce nom, cette version 9000 est d’une toute autre dimension. Car, elle est le premier SoC (System on a Chip) de l’histoire à introduire la toute nouvelle architecture ARMv9.
Après dix ans de puces sous ARMv8, qui apportait notamment le 64 bit, l’anglais ARM a lancé cette année une toute nouvelle architecture avec de toutes nouvelles briques (CPU, GPU, ISP, NPU, etc.) sur lesquelles s’appuie largement le Dimensity 9000.

Une puce qui est aussi très novatrice en matière de procédé de fabrication puisqu’il s’agit, là encore, de la première puce de masse au monde en 4 nm. S’appuyant sur le vide créé par l’interdiction américaine à HiSilicon, filiale semi-conducteurs de Huawei, ainsi que par l’accord que Qualcomm a passé avec Samsung pour la production de ses futurs fleurons, MediaTek en a profité pour inaugurer le procédé de production le plus avancé du moment du meilleur fondeur de la planète, TSMC.

Compatriote de MediaTek, le Taïwanais domine l’industrie avec son procédé 5 nm déjà à l’œuvre au service d’Apple (A15, M1), ou Qualcomm. Le procédé 4 nm, appelé N4, offre de beaux gains par rapport au 5 nm.
Amélioration de ce dernier procédé, il ne demande quasiment pas d’adaptation des plans, fait économiser 6% d’espace, limite un peu la consommation énergétique et augmente (là encore un peu) les performances.

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Et il permet de réaliser tout cela en faisant même quelques économies, puisque si son taux de rendement est le même que celui du 5 nm, l’usage plus intense de la lithogravure en EUV réduit le nombre de masques, donc le nombre d’étapes pour la fabrication. Un procédé amélioré par rapport au 5 nm classique, mais moins cher. Voilà qui colle parfaitement à l’approche de MediaTek.

Passons maintenant à la loupe les briques de ce nouveau processeur.

ARMv9, Cortex-X2… et un ISP monstrueux

Le Dimensity 9000 est, à notre connaissance, la première puce inaugurant ARMv9, la révision décennale de l’architecture ARM. Sous le feu des projecteurs, ARMv9 apporte notamment des améliorations de sécurité pour les prochains « 300 milliards » d’objets connectés.
Mais pour ce qui nous intéresse dans le domaine des smartphones, la nouvelle génération de l’ISA continue sa chasse à l’efficacité énergétique et aux performances.
Dans ce domaine, c’est surtout les calculs liés à l’IA, comme l’apprentissage machine, qui offrent les plus belles promesses. Si ARMv9 est l’architecture générale de la puce, ARM développe des plans de « briques » telles que le CPU, le GPU, l’ISP, etc. Des plans que MediaTek ne prend souvent même pas la peine de modifier.

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En ce qui concerne la partie processeur, le Dimensity 9000 intègre trois classes de cœurs : un « super  » cœur Cortex-X2 à 3,05 GHz, trois gros Cortex-A710, et quatre petits Cortex-A510. Des cœurs configurés quasiment au maximum du design d’ARM, preuve que MediaTek est là pour envoyer du lourd.

Côté graphique, point de puce maison comme chez Qualcomm (Adreno) ou les futures puces Samsung (AMD), mais le GPU d’ARM, un Mali-G710 dont il nous tarde de voir les performances intrinsèques.

L’élément le plus impressionnant de la puce de MediaTek est son processeur d’image, ou ISP. Appelé Imagiq790, il s’agit, sur le papier, du plus monstrueux que nous ayons jamais vu.
Taillé pour le processing en HDR de photos comme de vidéo sur 18 bit (la norme est de 10-12 bit dans les smartphones et jusqu’à 14 bit dans les appareils photo), l’Imagiq790 peut gérer un volume de données sidérant : jusqu’à 9 gigapixels ! Oui, cet ISP, doté de trois canaux (pipelines), pouvant travailler simultanément, traite jusqu’à 9 milliards de pixels par seconde, ce qui est trois fois plus que le meilleur ISP de Qualcomm, le Spectra 580. Un tel moteur peut piloter trois capteurs de 32 Mpix shootant chacun un flux vidéo 8K à 60 images par seconde, et il en a encore sous la pédale…

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Ce qui est intéressant ici est que les meilleurs ISP étaient pour l’heure signés Qualcomm et Apple, et que MediaTek n’était jamais de taille à lutter contre eux. Ici les chiffres sont à prendre avec des pincettes, puisque les chiffres séduisants n’ont aucun intérêt sans des drivers et un suivi logiciel durable et de qualité – deux autres faiblesses traditionnelles des puces du taïwanais. Mais si MediaTek arrive à assurer de ce côté-là, Qualcomm aura une vraie concurrence en face de lui dans les SoC haut de gamme.

Des performances « IA » décuplées…

Si les gains de perfs CPU annoncés se comptent, au mieux, en quelques dizaines de pourcents, l’implémentation des briques ARMv9 par MediaTek offre aux calculs IA une amélioration d’une toute autre ampleur. La cinquième génération de puce neuronale (NPU pour tout le monde, mais appelée APU par le Taïwanais) de MediaTek implémentée dans le Dimensity 9000 serait 400% plus performante et 400% plus efficace énergétiquement que la génération précédente, la 4e.

De quoi rattraper le retard par rapport à la compétition ? C’est ce que promet MediaTek en promettant +16% de performances IA en plus par rapport à la puce Tensor de Google intégrée dans le Pixel 6, pourtant réputée comme la plus puissante du moment en matière d’IA.
Des filtres de traitement d’image en temps réel en passant par la reconnaissance vocale ou l’encodage vidéo, les applications qui s’appuient sur les puces neuronales sont de plus en plus nombreuses. Même si les comparaisons de performances restent assez difficiles par rapport au monde des CPU et GPU, moins opaques et disposant de plus d’outils de test.

La 8K en décodage, comme en encodage

Autre domaine dans lequel le Dimensity 9000 promet de repousser des limites : la vidéo. La puce encode et décode matériellement des flux 8K en H264 comme en H265. Impossible donc que cela rame et la consommation énergétique devrait être largement moindre que des décodages software sur le couple CPU/GPU.
Autre première mondiale, la prise en charge du décodage (pas d’encodage) de flux 8K AV1, le codec gratuit et ouvert poussé par les géants du Web (Google, Netflix, Facebook), face aux codecs propriétaires et payants de l’industrie vidéo classique.

Couplé à un échantillonnage des scènes en 18 bit (selon la nature des capteurs intégrés aux modules caméra), cet encodage 8K promet d’éventuels terminaux très performant en vidéo – le suréchantillonnage, autant en profondeur de couleurs que de définition d’image permet de produire, des flux Full HD ou 4K de meilleure qualité. Il reste désormais à attendre de voir les parties matérielles que vont sélectionner les constructeurs. Et plus critique encore : les implémentations logicielles, point faible d’Android… et de MediaTek.

Modem 5G intégré, et horde de raffinements

Si MediaTek signe des contrats liés à la 5G (Intel) ou au Wi-Fi (AMD), c’est que quand bien même Qualcomm est le leader, le Taïwanais reste un poids lourd des réseaux.
En tant que puce fleuron, le Dimensity 9000 est, dans ce domaine, armé jusqu’au bout des transistors. Le modem 5G est évidemment intégré au SoC, un modem à la pointe des normes, comme la prise en charge de la 3GPP dans sa version 16 (la toute dernière norme 5G).
A cela s’ajoutent le Wi-Fi 6E, ou encore le Bluetooth 5.3. Pas de prise en charge de la 5G à ondes millimétriques (mmWave), pour l’heure essentiellement implémentées aux Etats-Unis. MediaTek sait qu’il se coupe de ce marché mais s’en fiche : une puce prenant en charge cette norme très rapide devrait arriver l’an prochain. Et pour l’heure, le reste du monde, hors Etats-Unis lui suffit.

Présenter une puce est toujours un exercice difficile tant il est peu aisé d’être exhaustif sans être soporifique. Il faudrait ajouter que le Dimensity 9000 est la première puce à gérer la mémoire LPDDR5X, que les écrans 180 Hz sont pris en charge (et en HDR10+, s’il vous plaît), que l’ISP gère des capteurs allant jusqu’à 320 Mpix (si, si), que poussé dans ses retranchements, il peut enregistrer trois flux 4K à 270 images par seconde, etc.

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Ce qui est à retenir, c’est que MediaTek, qui revendique aujourd’hui la place de numéro 1 mondial de vendeur de puces pour smartphone en volume, veut passer la seconde et entend aussi faire de la valeur avec ce Dimensity 9000. Une puce pleine de promesses, dont il faudra attendre de voir les premières implémentations pour savoir si, oui ou non, MediaTek a rattrapé, voire dépassé Qualcomm. Plus facile à promettre qu’à faire, mais les récents progrès du Taïwanais sont très impressionnants.

Source : Anandtech

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