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Pourquoi le capteur 1 pouce du Xiaomi 12S Ultra ne lui garantit pas son succès

L’intégration de très grands capteurs ne peut avoir un impact positif sur la qualité d’image que si toute la chaîne de l’imagerie suit. Bien que les processeurs d’image soient de plus en plus performants, il reste cependant des doutes sur la partie optique du futur terminal haut de gamme, le 12S. Espérons que Xiaomi et son partenaire Leica aient trouvé la martingale.

Après avoir signé un partenariat avec Leica en mai dernier, on sait que le constructeur chinois de smartphones Xiaomi s’apprête à lancer son 12S, le premier smartphone haut de gamme orienté photo, fruit de l’alliance entre les deux. Un appareil qui intègre un capteur 1 pouce, le « grand » format des petits capteurs – ou le plus petit des grands capteurs, selon comment on voit le monde.

Ce capteur a été conçu en par Sony et Xiaomi et s’appelle IMX989. Une toute nouvelle référence dans le catalogue de Sony, qui a coûté 15 millions de dollars de développement. Des frais partagés entre Xiaomi et Sony – et un codéveloppement qui donne à Xiaomi la maîtrise des composants logiques bas niveau intégrés dans la puce. Comprendre que même quand les concurrents achèteront le capteur, ils n’auront pas accès à ses « entrailles ». Un détail d’importance, comme nous l’expliquait le patron de la photo d’Oppo en mars dernier au MWC.

Comparaison de tailles de capteur

On ne connaît pas encore les détails techniques de ce super capteur qui ne sera intégré qu’au 12S Ultra (les versions 12 et 12S utiliseront l’IMX707, un capteur plus petit, mais déjà conséquent : 1/1.28’’). On peut juste supposer (espérer !) que Xiaomi et Sony ont pris le meilleur des technologies actuelles comme l’empilement de la mémoire au dos du capteur (Stacked Sensor), qu’il s’agit d’un capteur rétroéclairé (BSI) et que les deux comparses ont créé un agencement des photodiodes (densité, type) aux petits oignons.

Pourtant, si on peut saluer la performance d’intégrer un capteur 1 pouce dans un smartphone, il faut cependant rappeler que cela n’est pas la première fois. Et qu’un tel capteur ne garantit pas la meilleure qualité d’image. Car la technique photographique ne repose pas uniquement sur la taille (et la nature) de surface photosensible…

Capteur 1 pouce : le retour du roi

Ce n’est ni chez les gloires du passé, ni chez les mastodontes actuels qu’il faut chercher le premier smartphone doté d’un tel capteur, mais chez un challenger qui s’est depuis effacé : Panasonic. Ancien gros constructeur de téléphones et grand perdant de la bataille des smartphones, Panasonic est aussi un nom de la photo avec ses gammes Lumix, qui balayent du compact expert jusqu’au boîtier hybride professionnel à capteur plein format.

Le Panasonic Lumix CM1 lors de la présentation presse en France fin 2014. © Adrian BRANCO / 01net.com
Le Panasonic Lumix CM1 lors de la présentation presse en France fin 2014. © Adrian BRANCO / 01net.com

Fin 2014, le japonais créait la surprise en lançant le Lumix CM1, le premier terminal de l’histoire à intégrer un capteur 1 pouce de 20 Mpix (acheté à Sony). Panasonic était déjà en partenariat avec Leica et le terminal intégrait ainsi une optique équivalente à un 28 mm f/2.8 (10,2 mm estampillée Elmarit). Le CM1 était gros, son optique devrait se déployer, l’autofocus étant plutôt lent, mais offrait en retour une qualité d’image inédite sur smartphone.

Le Panasonic Lumix CM1 – 2014. © Adrian BRANCO / 01net.com

Si le terminal était très cher pour l’époque et n’a connu qu’un succès d’estime, l’arrivée du capteur 1 pouce dans le domaine a fait l’effet d’une bombe. Car il faut comprendre que ce composant, initialement développé pour feu les premiers hybrides de Nikon (les Nikon1), a changé les règles du jeu. C’est ce capteur qui a permis à Sony de botter les fesses de Canon et Nikon dans les compacts experts – avant d’en vendre par palettes entières à Canon et Panasonic. Son excellent rapport taille/performances est en effet le parfait équilibre entre portabilité et qualité d’image… dans les appareils photo. Très contraignant au niveau optique (comme nous allons le voir), le capteur 1 pouce dans les smartphones sera abandonné après le Panasonic CM10, une version light du CM1 lancée début 2016 et privée de la téléphonie.

Sharp Aquos R6

Il faudra ensuite attendre le Sharp Aquos R6 lancé au Japon en mai 2021 pour revoir poindre le capteur 1 pouce dans un smartphone. Et, quelques mois après, le Leitz Phone, terminal estampillé Leica et codéveloppé par l’opticien allemand et Sharp. Deux terminaux qui ne sont pas arrivés sur nos rivages et dont les tests sont rares et incomplets.

Plus proche de nous et commercialisé sous nos latitudes, il faut aussi citer le Sony Xperia Pro-I, un smartphone très haut de gamme qui embarque « presque » un capteur 1 pouce. Pourquoi « presque » ? Parce que si le capteur est bien au format 1 pouce, l’optique intégrée ne produit pas un cercle image recouvrant totalement les 20 Mpix – seuls les 12 Mpix du cœur de capteur sont alimentés en photons. Limitant donc la définition, mais aussi l’effet de flou d’arrière-plan que l’on est en droit d’attendre, le capteur 1 pouce étant en fait un capteur 1/1.31’’ dans l’usage. Tout cela pour un souci de taille d’optique. L’optique étant l’inconnue majeure. Et la potentielle faiblesse.

L’optique fera la différence

Bloc optique Xiaomi/Leica

« Le capteur 1 pouce a, il est vrai, une aura de ‘’Saint Graal’’ dans le milieu de la photo », nous confiait en juin dernier Oliver Schindelbeck, responsable senior des technologies pour smartphone chez l’opticien allemand Zeiss. « Certes, sur le papier, plus le capteur est grand, mieux c’est. Mais les nombres – 1 pouce ou autre – n’ont aucun intérêt technique. Il faut regarder tout le système : capteur, optique, processeur, consommation énergétique et encombrement. Or, un si grand capteur dans un appareil avec de telles contraintes d’encombrement implique un haut risque de compromis sur l’optique », nous expliquait l’ingénieur qui a supervisé le développement du X80 Pro de Vivo.

En clair : le plus grand et meilleur capteur du monde n’a aucun intérêt si l’optique ne suit pas.

Regardons ce que l’on sait déjà de l’optique de Xiaomi/Leica. Par rapport au premier CM1 de Panasonic, elle est déjà plus lumineuse. Comparée au 28 mm f/2.8 Summarit, l’optique intégrée dans le module caméra principal qui intègrera le capteur 1 pouce est annoncée comme appartenant à la famille « Summicron », ce qui implique une ouverture de f/2.0. Si ces chiffres ne vous parlent pas, sachez qu’une optique à f/2.0 collecte deux fois plus de lumière (100 % !) de plus qu’une optique ouvrant à f/2.8. Oui, ce n’est pas très intuitif, il s’agit d’une horrible échelle logarithmique.

Nomenclature optique Leica :

f/1,0 : Noctilux
f/1,4 : Summilux
f/2,0 : Summicron
f/2,8 : Elmarit
f/3,5 et plus : Elmarit

Ce bloc optique, dont plusieurs sources affirment qu’il contient 8 lentilles, (8P, ce qui est beaucoup pour un smartphone) a la lourde tâche de collecter la lumière en corrigeant au maximum les distorsions et les aberrations chromatiques. De sa structure dépend aussi la vitesse de mise au point. Et c’est là que cela peut se gâter : plus les éléments à bouger sont gros, plus le système de déplacement de la (ou les) lentilles est encombrant. Et elles seront forcément conséquentes, puisque Xiaomi a garanti que contrairement au Xperia Pro-I de Sony, le capteur 1 pouce serait pleinement utilisé. Xiaomi et Leica ont donc intérêt d’avoir développé une optique qui produise à la fois un énorme cercle image, sans dégrader la qualité d’image et sans ralentir le processus de mise au point. Plus facile à écrire qu’à faire.

L’impact du « cabinet de consulting » Leica

Bloc optique Xiaomi/Leica

Comme nous vous l’expliquions dans cet article, les marques chinoises de smartphones sont de plus en plus friandes de l’expertise photographique des opticiens et constructeurs photo européens. Très ouverts sur le sujet, les ingénieurs de Zeiss et de la division photo de Vivo que nous avons rencontrés à l’occasion du lancement du X80 Pro à Berlin en juin dernier nous ont un peu expliqué le mode de fonctionnement : Zeiss – et par extrapolation Leica – se comportent comme des coordinateurs de la partition photographique du smartphone. On n’attend pas d’eux des développements d’optiques – des entreprises sont spécialisées dans ce rayon – mais un accompagnement sur l’intégration des technologies, sur l’interprétation des couleurs, des écritures et vérifications de cahiers des charges, etc.

Leica a déjà derrière lui une longue liste de partenariats, allant des plus marketing – comme le renommage d’appareils photo comme les compacts numériques de Panasonic ou les instantanés Fujifilm – jusqu’à de vraies collaborations techniques. Avec Panasonic, pour les optiques haut de gamme des hybrides Lumix. Mais aussi et surtout avec Huawei autour, justement, des modules caméra des smartphones. Un partenariat a la valeur de l’investissement des deux parties, et le cas Huawei a prouvé que l’alliance est vite passée d’un machin qui sentait un peu l’annonce marketing à une vraie domination mondiale de la photo, avec en point d’orgue le P30 Pro – les terminaux suivants étaient toujours très bons, mais privés de Google et donc voués à échouer.

Hors de notre scope et dans le secret de nombreux laboratoires d’opticiens de pointe et de startups d’optiques, se cache, on l’espère ! – une optique conjuguant une formule innovante, des matériaux de pointe, des routines de correction logicielle (obligatoires dans les smartphones) au poil, etc. Si Leica et Xiaomi ont bien défriché le terrain et réussi l’intégration, alors le 12S Ultra pourra briller grâce à son capteur 1 pouce. Mais le défi est de taille, et le doute permis.

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Source : Android Authority