Depuis 24 heures, les déclarations dans Nikkei de Terushi Shimizu, Président et PDG de Sony Semiconductor Solutions (SSS) font couler beaucoup d’encre :
« La qualité des photos (des smartphones) va dépasser celle des reflex (et hybrides, ndlr) dans quelques années ».
Possiblement dès 2024, ajoute l’article, citant une autre phrase de Terushi Shimizu.
Au cœur de ces affirmations de la part du numéro mondial des capteurs d’images – qui fournit aussi bien le monde des appareils photo que celui des smartphones – se cachent les progrès fantastiques, non seulement des capteurs, mais aussi des processeurs d’image des téléphones.
Côté capteurs, Sony est bien placé pour connaître les avantages technologiques : la plus petite taille des capteurs des smartphones en font les premiers destinataires des introductions technologiques – la conception dite rétroéclairée (BSI), ou encore la structure empilée (stacked sensor) ont toutes les deux d’abord été introduites dans les smartphones.
La raison principale de cette primauté étant celle des rendements de production, bien meilleurs quand on commence sur de petites surfaces.
Même son de cloche côté semi-conducteurs et les fameux processeurs d’image (ISP), qu’ils soient développés par les concepteurs de puces (Apple, Qualcomm, etc.) ou par les marques, comme la puce custom d’Oppo, le Mari Silicon X. Des puces gravées dans des technologies de pointe (jusqu’à 4 nm !) alors que les puces d’appareils photo atteignent péniblement les 16 nm.
L’avantage majeur des smartphones provient des gros volumes de ventes, qui favorisent les budgets R&D. Et quand on parle de « plus gros volumes », il faut regarder les chiffres pour comprendre la différence de magnitude. En 2020, il s’est vendu 1,35 milliard de smartphones contre seulement 9 millions d’appareils photo !
Les lois physiques sont (toujours) là
Pourtant, il suffit de regarder les images des fleurons de 2021 dans notre top 5 des smartphones en photo pour s’en convaincre, dans de nombreux cas, les smartphones sont encore très loin des appareils photo.
De la qualité des flous d’arrière-plan, en passant par le bruit en basse lumière jusqu’à la précision d’image en ultra-grand-angle ou au téléobjectif, un appareil photo hybride à grand capteur avec une optique de qualité domine toujours techniquement le meilleur des smartphones.
Car, si la qualité électronique est une chose, la photographie est aussi affaire d’optique. Dans ce domaine, le monde des smartphones se bat face au « roi » des matériaux qui équipe toutes les optiques photo : le verre. Plus fragile, mais surtout plus difficile à manipuler, à polir, etc. le verre est remplacé dans les terminaux mobiles par du plastique. Là encore, les sommes injectées en R&D sont considérables, du point de vue chimie (formulations de plastiques, revêtement de surface), électronique (puces IA, etc.) ou logicielle (algorithmes d’amélioration de l’image, etc.). Et même si les capteurs de smartphones grandissent, ils atteignent péniblement le format 1 pouce. Les optiques ne peuvent donc pas rendre les mêmes effets qu’avec un cercle image 24×36 par exemple.
S’il ne fait aucun doute que les smartphones ont déjà gagné la guerre de la « qualité d’image suffisante » au quotidien, et qu’ils vont continuer de progresser plus vite que les appareils photo, la physique (optique, prise en main, résistance, taille du capteur) reste à l’avantage des boîtiers traditionnels qui produisent toujours des images impossibles à réaliser même avec le meilleur des téléphones.
Ce n’est ainsi pas demain que les portraitistes, les photographes de sport et nature, les reporters – ou simplement les passionnés – vont jeter leurs boîtiers à la poubelle. Et il faut aussi garder en tête que les technologies naviguent dans les deux sens : les boîtiers photo de dernière génération introduisent des algorithmes issus de l’apprentissage profond et des capteurs empilés. Après s’être nourris des « vrais » appareils photo, les smartphones enrichissent ces derniers. Ce qui rend un peu hasardeux d’annoncer leur inéluctable déclin…
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Source : Nikkei
