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Pourquoi Free n’a pas célébré ses 20 ans

Dans l’attente de la publication de ses résultats financiers, le FAI n’a pas fêté son vingtième anniversaire en grande pompe ce 18 février. Pourtant, il aurait pu s’enorgueillir d’avoir bouleversé le marché des télécoms durant toutes ces années.

Ni tweet, ni communiqué de presse. Free vient d’avoir 20 ans ce 18 février sans qu’aucun porte-parole ne l’ait rappelé. Pour le moment, pas de grosse soirée en vue non plus à Bercy comme il y a dix ans. C’est comme si le FAI retenait son souffle jusqu’à la publication de ses résultats financiers 2018 le 19 mars prochain.
Il faut dire que l’instant sera particulièrement critique puisqu’on saura enfin si la Freebox Delta sortie le 4 décembre dernier a suscité l’adhésion du public. Un véritable couperet après une année noire où Free a perdu pour la première fois de son histoire des abonnés. L’histoire avait pourtant bien commencé.

Free

1999-2003 : l’irrésistible ascension

C’est le 18 février 1999 que les statuts de la société Free sont déposés. C’est une filiale d’Iliad, un groupe créé en 1991 par Xavier Niel et qui édite au départ des services de Minitel rose. L’idée est de se lancer sur le marché de l’accès à Internet.
Dès le 26 avril suivant, Free propose un service bas débit sans abonnement ni numéro surtaxé. La fourniture d’une messagerie électronique et d’un hébergement Web gratuit lui permet de se tailler une jolie réputation auprès des geeks.
En 2002, la société commercialise sa Freebox, la première box française qui permet de se connecter à Internet en haut débit en s’appuyant sur la technologie de l’ADSL. Plus besoin de passer par un modem 56K qui immobilise la ligne téléphonique. C’est révolutionnaire. Mais ce n’est pas tout.

Free en profite pour lancer une nouvelle formule commerciale avec un abonnement illimité à seulement 29,99 euros par mois sans engagement ni frais de location. La concurrence est dépassée technologiquement et terrassée par cette offre imbattable.
Le coup de grâce est porté avec l’invention du triple play en décembre 2003, accessible dans quelques villes. C’est la première fois au monde qu’un FAI propose un abonnement proposant en même temps un accès à Internet, le téléphone et la télévision ! Free est aussitôt imité par ses concurrents et crée un modèle qui fait encore référence aujourd’hui sur le marché français.

La Freebox V3 ou V4.
CC/Wikimedia Commons

2003-2012 : la consolidation

Après des débuts explosifs et frondeurs, Free entre dans une phase de consolidation mais continue d’innover. Il est le premier à proposer une connexion Wi-Fi, à livrer une télécommande avec sa box, un lecteur DVD, un serveur NAS avec un disque dur interne et à déployer de la fibre optique.
La liste est longue mais l’on retiendra surtout la sortie du modèle Freebox Révolution en 2010 qui va permettre à Free de garder une avance technologique certaine durant plusieurs années.

A la sortie de la Freebox V6 en 2010.
THOMAS COEX / AFP – A la sortie de la Freebox V6 en 2010.

La société fait aussi quelques erreurs en investissant dans une licence Wimax, une technologie qui ne décollera jamais, ou en proposant une plate-forme de partage de contenus vidéo en 2008, alors que YouTube et Dailymotion sont déjà installés.
Cette période se clôt par le lancement fracassant de Free Mobile lors d’une conférence de presse d’anthologie où Xavier Niel se paye la tête de tous ses rivaux. L’opérateur mobile casse les prix avec un forfait à 2 euros et oblige ses concurrents à s’aligner. Un coup commercial de maître qui va remodeler totalement le marché des réseaux mobiles. Les consommateurs vont profiter d’une baisse significative des tarifs mais Bouygues Telecom et SFR sont à genoux. Le premier licencie en masse tout comme le second qui passe, en outre, dans les mains de Patrick Drahi et du groupe Numericable, puis Altice.*

Free Mobile A man gives a phone call in front of a store of French internet provider and mobile phone services group free on December 19, 2013 in Dunkirk (Dunkerque). AFP PHOTO PHILIPPE HUGUEN
PHILIPPE HUGUEN / AFP

2014-2019 : la fin de la baraka ?

Free a beau se présenter comme un opérateur alternatif, il est devenu l’un des quatre poids lourds fixes et mobiles qui comptent en France. Pour continuer à faire grossir sa base d’abonnés mobiles, il brade ses forfaits mobiles et fixes sur Vente privée. Il fait de la surenchère dans les services mobiles : il est le premier à proposer de la data illimitée pour ses abonnés à l’Internet fixe ou encore à supprimer les frais de roaming dans certains pays étrangers. Là encore, ses rivaux sont obligés de suivre. Mais il contribue ainsi à détruire la valeur des forfaits et à réduire l’Arpu des opérateurs.

En 2016, alors que tout le monde attend une Freebox V7, Free se contente d’une Freebox Mini 4K sous Android TV. Elle a beau être compatible 4K, elle ne restera pas dans les annales. Pendant ce temps-là, la concurrence sort des box plus avancées technologiquement. Pourtant pionner de la fibre optique jusqu’à l’abonné (FttH), Free ralentit le rythme de ses déploiements.

Freebox Mini 4K

Cherchant des relais de croissance à l’étranger, Xavier Niel tente en 2014 de racheter l’opérateur américain T-Mobile. C’est un échec car le conseil d’administration rejette l’offre jugée trop basse de Free. A titre personnel, Xavier Niel investit en Suisse (Salt) et à Monaco (Monaco Telecom). Mais finalement, c’est en Italie que Free trouve un nouveau territoire à conquérir. Iliad Italia est lancé en juin 2018 et devient le quatrième opérateur mobile du pays. Une opération qui coûte beaucoup d’argent à la maison mère française mais qui est pour le moment couronnée de succès, les abonnés étant au rendez-vous.

Iliad Italia
Iliad Italia

Ce sera bien l’une des seules bonnes nouvelles de 2018 car au même moment, Free va déplorer pour la première fois de son histoire une perte d’abonnés dans le fixe et dans le mobile.
S’il continue d’être rentable, l’opérateur cesse d’être attractif et voit ses marges baisser. Il est pris à son propre piège de casseur de prix, alors même qu’il doit faire des efforts financiers significatifs pour compléter sa couverture mobile et déployer de nouveau de la fibre optique dans le cadre de la fin de son itinérance avec Orange et du Plan France Très Haut Débit.

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01net.com – Lionel Morillon – Le Freebox Player de la Freebox Delta.

Une mauvaise dynamique que Free pense inverser avec le lancement d’une nouvelle box haut de gamme dès le mois de septembre : la Freebox Delta. Mais le boîtier prend du retard et n’est dévoilé qu’en toute fin d’année, le 4 décembre.
L’innovation est au rendez-vous avec un débit de 10 Gbit/s, une technologie agrégeant ADSL et 4G, ainsi qu’un luxueux Freebox Player qui fait aussi office d’enceinte avec un assistant vocal. 
Le virage est clairement haut de gamme avec une nouvelle formule commerciale proposant aux abonnés d’acheter ce Player pour 480 euros. Free se mue aussi en fournisseur de services de sécurité et domotique. Un choix risqué, d’autant que l’expérience utilisateur est assombrie par de nombreux incidents, tant au niveau de la livraison que des bugs. L’offre commerciale réserve également de nombreuses mauvaises surprises aux clients, certaines options et les frais de migration présentés comme gratuits sont finalement facturés. Free est obligé de rectifier le tir et de clarifier ses conditions commerciales.
Tout cela donne une impression d’improvisation pas tout à fait raccord avec les nouvelles ambitions premium de Free. On saura le 19 mars si la Freebox Delta est parvenue malgré tout à conquérir de nouveaux abonnés en nombre. Si ce n’est pas le cas, Free pourrait plonger en bourse et se retrouver particulièrement fragilisé au moment de préparer la 5G.

* 01net.com est édité par une filiale de NextRadioTV, elle-même propriété à 100% de SFR Médias.

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Amélie CHARNAY