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Les trois défis que doit relever internet

La hiérarchie des textes est remise en cause. Or cette hiérarchie forge la culture. Un livre n’est pas un article de journal, un éditorial pas une…

La hiérarchie des textes est remise en cause. Or cette hiérarchie forge la culture. Un livre n’est pas un article de journal, un éditorial pas une dépêche. Il existe des textes plus importants que d’autres car ils sont fondateurs de l’humain.Le numérique interpelle le mode même de pensée. Notre culture est fondée sur des références fixes. En édition papier, on parle de ” bon à tirer “. Le numérique, c’est la fluidité. L’hypertextualité en est la colonne vertébrale. Les deux verbes ” surfer ” et ” zapper ” évoquent bien cette idée de fluidité, au point que l’hyperlecture se transforme parfois en hypolecture.Le numérique rend très aisée la duplication instantanée. On parle d’ubiquité et d’universalité. Cela a une vertu de transmission des connaissances et des informations. Mais le risque est élevé d’une dissolution de la singularité. Il ne faudrait pas que le pouvoir de douter se transforme en absence de conviction. Toute pensée se forge dans la confrontation des idées.Ainsi, accumuler des données, diffuser et commercialiser, développer des services, cela sera de plus en plus facile, et rapide. C’est un progrès indéniable. Mais pour en faire quoi ?Acquérir une connaissance demande du temps et des médiations. Chercher à faire d’internet un média, c’est comprendre que le fait d’écrire ne qualifie pas un auteur. Face aux exigences de l’immédiate rentabilité, c’est reconnaître que le créateur conçoit dans la durée.Parler de sélectivité en fonction de lignes éditoriales définies, c’est parler de la crédibilité de l’information. Plaider pour la rémunération de la propriété intellectuelle et artistique, c’est garantir une création indépendante. Comprendre la logique du prix unique du livre, c’est se situer en faveur d’une régulation du marché, propice à un meilleur accès pour tous à la culture.Voilà pourquoi nous cherchons à relever trois défis : faire vivre un vrai travail éditorial sur le net, inventer l’écriture numérique, faite de sons, d’images et de textes, réussir une telle valeur ajoutée créative qu’elle autorise une relation de fidélité et un paiement direct, un ” contrat de lecture “.La question est donc bien plus lourde que les seuls avatars du Nasdaq. L’imprimerie a fait mentir Socrate qui pensait sans doute que l’écrit n’était pas propice à une vraie maïeutique. Le numérique peut renforcer à son tour l’expression de la pensée et le plaisir de la création.Porter haut cette ambition, c’est vouloir qu’internet, avec l’écrit papier, participe de l’intelligence des peuples et de lespérance démocratique, soit un espace de convictions rendant plus libre, une médiation pour un homme debout et responsable.(*) Président du directoire de Bayard.

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Alain Cordier*