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Les candidats se mobilisent

L’appel à candidature pour des licences de boucle locale radio est enfin lancé. Certains des ?” nombreux ?” postulants risquent cependant de ne pas être exaucés.

Politiquement correct. Pour la plupart des opérateurs candidats à l’une des licences nationales de boucle locale radio, c’est le critère qui ressort le plus fréquemment pour qualifier leur dossier. Il est vrai qu’avec seulement deux lauréats pour une dizaine de postulants la majorité d’entre eux a donc vocation à… rester sur le carreau. La boucle locale radio étant, avec le dégroupage, l’un des deux derniers leviers pour faire sauter le monopole de France Télécom dans la boucle locale, les prétendants se bousculent, bien logiquement. Des lots de consolation ont toutefois été prévus, sous la forme de licences régionales (deux pour chacune des vingt-deux régions administratives). De là à ce que des opérateurs désireux d’obtenir une licence nationale postulent également pour des licences régionales à titre conservatoire, il n’y a qu’un pas… qu’ils s’apprêtent, nombreux, à franchir.

Plus de dix candidats pour deux licences nationales

9 Telecom, Cegetel, FirstMark, Formus, LD Com, RSL Com, Siris, Tele2, Teligent, UPC… Autant dire qu’il n’y en aura pas pour tout le monde… Une telle effervescence n’a, bien sûr, rien de fortuit. Les candidatures du quatuor 9 Telecom, Cegetel, Siris et Tele2 s’inscrivent dans le prolongement d’une activité de téléphonie longue distance, notamment dans la perspective de la banalisation de l’accès à Internet à hauts débits. Parmi une autre catégorie d’acteurs figurent les spécialistes de la boucle locale radio qui mettent en avant un savoir-faire particulier, pour l’attribution tant d’une licence nationale (FirstMark, Formus et Teligent) que d’une licence régionale (Winstar). Tous américains, ils s’implantent actuellement en Europe, où ils viennent d’obtenir des fréquences dans divers pays (à l’instar de FirstMark et de Winstar en Allemagne). Mais pourquoi un tel engouement de la part d’opérateurs anglo-saxons pour l’attribution de ces licences ? ” A partir du moment où les fréquences sont attribuées sans mise aux enchères alors qu’il faut mettre plusieurs centaines de millions de dollars sur la table aux Etats-Unis, il n’est pas étonnant que les investisseurs américains se précipitent “, explique un candidat d’origine européenne. Cette analyse vise en parti-culier FirstMark qui, bien entendu, s’en défend. Il est vrai que ce dernier, uniquement présent en Europe, offre un profil idéal pour un tel pro- cès d’intention. Ses co-p.-d.g., Michael Price (ancien responsable de l’activité télécommunications chez Lazard Frères à New York) et Lynn Forester (pionnier de la boucle locale radio aux Etats-Unis et, par ailleurs, proche de Bill Clinton), récusent cette approche. ” De 1999 à 2000, nous aurons investi 300 millions d’euros en Allemagne, et nous sommes prêts à investir plusieurs centaines de millions d’euros en France ; on ne peut donc pas parler de stratégie financière “, déclare Michael Price. Légèrement agacé, il ajoute que ” FirstMark a fait ce à quoi il s’était engagé lors de son expérimentation à Lyon, et ce, à la satisfaction générale “. Bref, c’est bien sur ses compétences propres que compte l’Américain pour convaincre de la qualité de son dossier. Néanmoins conscient de son handicap, FirstMark assure que ” la recherche de partenaires locaux est en cours ” et que sa filiale française sera ” majoritairement contrôlée par des capitaux tricolores ” (Rothschild & Cie en détient déjà 10 %).

Tele2, un des postulants les plus batailleurs

Une deuxième catégorie de candidats à une licence nationale regroupe les opérateurs généralistes déjà bien implantés dans l’Hexagone. Cegetel se dit prêt à déployer une infrastructure sur plus d’une centaine de villes et à démarrer ses services en septembre 2000. Plus discrets, Siris et 9 Telecom se contentent de confirmer qu’ils seront candidats à une licence nationale, tandis que Tele2, un opérateur de téléphonie longue distance particulièrement agressif, apparaît comme l’un des plus motivés. ” D’ici huit à dix ans, il y aura, tous opérateurs confondus, deux millions de clients raccordés à une boucle locale radio dans l’Hexagone “, affirme Jean-Louis Constanza, directeur général de Tele2. Et de décliner la palette de services radio qu’il compte offrir : accès Internet à hauts débits, réseaux privés virtuels, ainsi qu’interconnexion de réseaux locaux, de stations de base, etc. Pour appuyer la légitimité de sa candidature, il use d’un argument de poids. ” Si l’intention des pouvoirs publics est de stimuler la concurrence dans la boucle locale et de promouvoir les accès Internet à hauts débits, nous sommes bien positionnés “, estime-t-il encore, en insistant sur le million d’abonnés en téléphonie longue distance conquis par Tele2 en à peine un an. Pour le reste, chacun peaufine son argumentation autour des cinq grands critères qui devraient présider au choix des lauréats, à savoir la capacité à introduire la concurrence dans la boucle locale, la faculté à développer les accès à hauts débits et à Internet, l’expérience, l’engagement à bien exploiter les fréquences et le respect de l’environnement. Autant de points qui sous-tendent l’aspect politiquement correct des candidatures. Parmi les autres opérateurs candidats à une licence nationale, citons le câblo-opérateur néerlandais UPC, RSL Com ainsi que LD Com (une filiale du groupe de négoce Louis Dreyfus), ce dernier se positionnant comme une sorte de grossiste qui mutualiserait sa capacité radio auprès de différents fournisseurs de services.

Alcatel et Lucent, partenaires privilégiés

En ce qui concerne les licences régionales, hormis ceux qui ne postuleront qu’à titre conservatoire (comme RSL Com, en Provence-Alpes-Côte d’Azur), les principaux opérateurs en piste sont GTS-Omnicom (pour une dizaine de licences régionales, notamment dans l’ouest de la France), Completel (une quinzaine de licences régionales visées), Winstar (une dizaine de licences envisagées, spécialement en Ile-de-France), Belgacom France et, peut-être, France Télécom dans le rôle d’outsider dans certaines régions. Restent ceux qui… ne seront pas candidats. C’est le cas de Colt, dont la boucle locale radio ne fait pas partie de la stratégie, et d’AXS Telecom (opérateur longue distance racheté par Liberty Surf). Quant au géant MCI WorldCom, il réserve sa réponse, compte tenu d’une ” équation économique ” jugée ” pas évidente “… Sur le plan industriel enfin, chacun fourbit ses armes, les noms qui reviennent le plus souvent sont Alcatel (OEM de BreezeCOM) et Lucent Technologies dans la bande des 26 GHz, ainsi que Sagem (OEM de Floware) dans la bande des 3,5 GHz. La plupart des candidats, que ce soit à une licence nationale (9 Telecom, Cegetel et FirstMark) ou régionale (Completel et GTS-Omnicom), ont choisi Alcatel pour partenaire industriel dans la bande des 26 GHz (seuls Winstar et RSL Com, qui ont opté respectivement pour Lucent et pour RSL Com, se démarquent). Alors que des regroupements de projets ne sont pas à exclure, les opérateurs candi-dats croisent les doigts. Seul motif de satisfaction pour ceux qui n’obtiendront pas de licence, l’investissement à consentir (environ 2,5 milliards de francs, au minimum, pour déployer un réseau national) ne donnera pas de sueurs froides à leurs actionnaires…” La dimension franco-française fait que ce sera dur pour les candidats étrangers “, admet un opérateur européen.

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Henri Bessières