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” Le prix psychologique des NTIC en chute “

“L’e-mail à 0,1 euro ; le fichier sauvegardé sur disque dur à 0,04 euro ; le téléchargement d’une page web pour 0,2 euro. Des outils numériques…

“L’e-mail à 0,1 euro ; le fichier sauvegardé sur disque dur à 0,04 euro ; le téléchargement d’une page web pour 0,2 euro. Des outils numériques conviviaux, économiques, à portée d’un simple clic !”Voilà le slogan implicite qu’affichent de plus en plus de directions informatiques pour promouvoir l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) dans les entreprises. Un discours séduisant, certes, mais terriblement risqué pour leurs auteurs. Pris au pied de la lettre, ce discours a trois conséquences.Tout d’abord, il rend l’usage de ces NTIC nécessaire à l’activité de chaque employé, comme peuvent l’être le téléphone ou l’électricité. A ce titre, ces technologies acquièrent le statut de service de consommation courante, puisqu’il devient inimaginable que le PC ou l’e-mail aient des ratés. Ensuite, ces technologies devenant de plus en plus ergonomiques, leur utilisation devient chaque jour plus simple, plus transparente. Elles pénètrent ainsi dans le cercle des objets familiers, dont la présence est de moins en moins visible. Enfin, à titre de quasi-“service public”, les services informatiques entrent automatiquement dans une logique de bas prix. Logique d’autant plus facilement admise par les utilisateurs que les TIC sont de plus en plus “naturelles”, de moins en moins perceptibles et encombrantes. Ce discours est d’autant plus facilement tenu et accepté qu’il s’appuie sur une rhétorique familière au monde des TIC. Depuis Apple et son Macintosh ?” premier ordinateur à avoir su “s’adapter à l’homme”?”, la dématérialisation des échanges et, plus généralement, l’économie de l’immatériel annoncent un monde hyperfluide grâce à la toute-puissance des technologies du numérique. Orange ne clame-t-il pas que “le plus important de la technologie, c’est que l’on puisse communiquer comme s’il n’y en avait pas” ?Tout cela aboutit finalement au cercle vicieux suivant : la familiarité et la nécessité des services numériques créent chez leurs utilisateurs une valeur d’échange sinon nulle (cf. le modèle de gratuité du web), du moins très faible. Pourtant, le développement d’interfaces ergonomiques, de serveurs à haute disponibilité, de hotlines capables de répondre à des questions toujours plus nombreuses et variées impose des dépenses en augmentation constante. Prix psychologique en chute et coûts de développement en hausse font difficilement bon ménage !Ce rêve d’un monde sans contraintes matérielles conduit d’ailleurs à des situations ubuesques. Il en est ainsi d’usagers s’étonnant de ne plus avoir d’électricité ou de téléphone au lendemain de la tempête de Noël 1999, comme si plusieurs millions d’arbres s’effondrant de concert n’expliquaient pas à eux seuls cette “défaillance”. Quelle issue à cette confrontation qui n’ose s’afficher entre des utilisateurs de moins en moins conscients des systèmes techniques sur lesquels ils s’appuient et les concepteurs de ces mêmes systèmes, qui acceptent d’entrer dans une logique économique simpliste, susceptible de les conduire à leur perte ? Peut-être serait-il temps de réintroduire une culture technique de ces dispositifs pour retrouver ainsi lesprit du “comment ça marche ?” de notre enfance.

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Raffi Duymedjian