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Le Gartner casse le mythe de la technologie créatrice de richesse

Rassemblés à Cannes durant trois jours, les analystes du Gartner dressent un panorama pessimiste du marché de la high-tech. A l’instar de Karl Marx, ils pensent désormais que la création de richesse dépend des employés, et non plus de la technologie.

Combien de temps va durer la tempête pour l’industrie high-tech ? Comment s’adapter à une ère de récession économique ? Sur quelles technologies miser pour profiter d’un éventuel rebond du marché ?A l’occasion de leur symposium annuel en France, les analystes du Gartner s’emploient à trouver des réponses aux demandes pressantes de leurs entreprises clientes, majoritairement des grands comptes.Lors du discours d’ouverture de la manifestation, Michael Fleisher, le CEO de Gartner, a prononcé l’oraison funèbre du boom économique de la fin des années quatre-vingt-dix.” Il y a un an, nous étions à l’apogée d’un cycle de croissance qui a duré cinq années. Les bénéfices importaient peu, il fallait dépenser plus d’argent et plus vite que son voisin pour être au top. Ces années de croissance à deux chiffres appartiennent désormais à l’Histoire “, a-t-il débuté.

L’austérité, mot-clé des nouveaux business plan

Devant une assemblée d’environ 400 personnes, massées dans l’enceinte du palais des festivals de Cannes, Michael Fleisher a pris à revers tous les fondamentaux économiques qui ont contribué à bâtir l’industrie des nouvelles technologies.” Avant le ralentissement économique et les attentats terroristes du 11 septembre, la technologie était fondamentale pour nos entreprises, elle était notre arme stratégique. Aujourd’hui, l’innovation n’est plus que l’évolution d’outils déjà existants, elle n’est plus le moteur créateur de la richesse “, a-t-il ainsi estimé.De son manuel de survie à l’intention d’une industrie en plein doute, Michael Fleisher a sélectionné les pages du chapitre consacré au plan d’austérité. Le nouveau business model à la mode ? La réduction des coûts pour se préparer à un contexte de concentration sur le marché des nouvelles technologies.” 50 % des marques technologiques disparaîtront dans les trois prochaines années “, a-t-il ainsi prophétisé. ” La fusion entre HP et Compaq n’est que le début d’un vaste mouvement de concentration “, a-t-il conclu, avant de laisser à Peter Sondergaard et Steve Prentice, analystes au Gartner Europe, le soin de décrire les étapes du changement.

Un second souffle après 2003

” Dans un premier temps, nous prévoyons une période en creux, qui devrait durer jusqu’à la mi-2003, a estimé Peter Sondergaard. Les entreprises vont se consacrer à la rationalisation de leurs infrastructures, à l’optimisation de l’existant. “D’un point de vue technologique, la conquête de l’Internet par les entreprises s’est jusqu’aujourd’hui réalisée sur le mode de l’anarchie. Objectif principal : obtenir une présence Web le plus rapidement possible. Le Gartner pense déceler les prémices d’une transition vers plus de maturité technologique dans ses derniers sondages auprès de ses clients.” Nos chiffres font apparaître une tendance à la baisse des budgets consacrés aux nouvelles technologies. Les entreprises accroissent leurs dépenses dans le domaine de la sécurité, maintiennent leurs investissements consacrés au coeur de leur production comme les ERP, mais diminuent spectaculairement leurs achats de matériels “, observe-t-il.Bref, par mauvais temps, les entreprises ” rafistolent leur rafiot “. On colmate les brèches pour éviter de couler par le fond, on brique le pont pour faire rentrer le chiffre d’affaires et rentabiliser l’ERP et on donne un coup de frein aux dépenses de matériels ?” genre serveurs d’entreprises ?” parce qu’il est inutile de jeter de nouvelles lignes quand les poissons ne mordent plus à l’hameçon.

Lentreprise ” light ” se consacre sur son savoir-faire

Deuxième phase du changement : la ” Net liberated organisation “, concept inventé par le Gartner et promis à un bel avenir, si l’on en croit ses analystes.En fait, il s’agit de l’entreprise light ?” ou ” Slim Fast “, selon l’humeur ?” libérée des tâches qui ne font pas partie de son c?”ur de compétences, mais rendue plus performante grâce aux nouvelles technologies.” La Net liberated organisation se recentre sur ses atouts, les processus business auxquels elle sait apporter une valeur ajoutée. Elle capitalise sur ce qu’elle sait faire le mieux et externalise tout le reste “, explique Steve Prentice.” Après 2003, la connaissance sera l’atout principal de l’entreprise. Ses dépenses vont se tourner vers la création et la structuration de cette connaissance “, renchérit Peter Sondergaard.

Karl Marx à la rescousse

Suivant ce scénario, les entreprises devraient donc : déployer de meilleurs projets de CRM pour soigner leurs clients, améliorer leur back office pour assurer l’efficacité de leur production, construire des relations sur le long terme avec leurs fournisseurs pour s’adapter ensemble et plus efficacement aux évolutions du marché et investir dans des outils de travail collaboratif et de knowledge management pour retenir la connaissance.Car là se trouve la corne d’abondance dont se nourrit avec une joie évidente Peter Sondergaard : “Karl Marx avait raison quand il disait que les travailleurs sont la richesse ! “, lance-t-il à une salle vestes et cravates qui applaudit chaudement l’orateur.Plus aucun doute : l’industrie des nouvelles technologies traverse une crise d’adolescence qui aurait certainement fait rire l’auteur de Capital.

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Antonin Billet, à Cannes