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Jean Vincent (Adami) : ‘ Arrêtons les poursuites judiciaires ! ‘

Le directeur du service juridique de l’Adami explique pourquoi son association s’oppose à la répression du téléchargement illégal de musique.

01net. : Le tribunal de Pontoise a condamné un enseignant à payer 16 400 euros pour avoir téléchargé illégalement de la musique sur internet. Que pensez-vous de cette décision ?Jean Vincent : C’est absurde et arbitraire. Pourquoi condamner cet internaute-là et pas les milliers d’autres qui font tous les jours la même chose que lui ? Multiplier les procès contre des particuliers ne fera pas
disparaître la technologie peer to peer (P2P). En faisant cela, on laisse perdurer l’échange gratuit de fichiers entre internautes et on sanctionne abusivement une poignée de fautifs. C’est pourquoi nous avons signé l’appel
lancé par le Nouvel Observateur.De plus, les majors du disque n’ont pas toujours un comportement modèle en termes de respect des droits d’auteur… A titre d’exemple, Universal est en conflit avec la Sacem au sujet de son service de
téléchargement de musique e-compil. Cette major propose un répertoire de chansons en téléchargement sans avoir signé de contrat pour l’utiliser. Il s’agit d’un acte de contrefaçon.Pourquoi demander l’arrêt des poursuites judiciaires contre les internautes téléchargeant illégalement de la musique ? Votre mission, n’est-elle pas de protéger les ayant-droit ?Ce n’est pas en attaquant les internautes en justice que nous allons défendre efficacement les artistes ! Pour cela, il faut trouver un régime juridique permettant les échanges non commerciaux de fichiers entre particuliers et
rémunérant les ayant-droit.Dans ce but, l’Adami (1) a créé l’association Public-Artistes. En collaboration avec d’autres sociétés de gestion civile de droits et des associations de consommateurs, nous élaborons un système permettant de faire
payer la musique en ligne au bénéfice des ayant-droit tout en évitant de transformer les internautes en pirates.En attendant de trouver une solution satisfaisante pour toutes les parties concernées, nous demandons un moratoire sur les poursuites judiciaires engagées contre des particuliers.Quelles solutions préconisez- vous ?Nous nous inspirons de ce qui a été fait dans le domaine de la copie privée et des baladeurs numériques. Aujourd’hui, quand vous achetez un baladeur Apple iPod, par exemple, vingt euros du prix d’achat sont reversés aux
ayant-droit pour compenser le phénomène de copie.Nous proposons de créer une licence légale payée par les fournisseurs d’accès permettant aux internautes de télécharger de la musique en P2P. Les FAI répercuteront sur le prix de leurs abonnements ce droit à la copie et les
sommes ainsi perçues seront reversées aux ayant-droit. Cela évitera des poursuites judiciaires inutiles et mettra fin à ce climat répressif qui est malsain pour l’industrie du disque, les artistes et les particuliers.Le téléchargement de fichiers n’est qu’une facette de la technologie P2P. Avez-vous des propositions pour réguler la mise à disposition de fichiers gratuits sur internet ?C’est le second aspect du problème. Un travail est en cours afin de déterminer des règles éthiques permettant de réguler l’upload en évitant de créer une taxe supplémentaire. Une fois ce travail de réflexion achevé, notre
objectif est de négocier un accord avec les industriels et les organisations de consommateurs et de le faire valider par l’état.Pour l’instant, l’Etat semble privilégier la méthode répressive. N’est-ce pas un combat perdu d’avance ?Non. Le gouvernement refuse pour l’instant de travailler sur nos propositions. Aucune mission parlementaire n’a été créé sur le sujet alors qu’il concerne des millions d’internautes ! Mais tôt ou tard, le
gouvernement s’apercevra que la répression amène à une impasse et nos propositions seront mieux entendues.La survie de l’industrie du disque est-elle menacée par le P2P ?Cela reste à prouver ! Aux Etats-Unis, les ventes de CD augmentent comme l’échange de fichiers en P2P sur internet. En France, les magasins Fnac ont réalisé une enquête auprès de leurs clients pour analyser la baisse des ventes
de disque. Celle-ci serait due au vieillissement des catalogues des maisons de disques, à une politique incohérente de prix (un même CD peut changer trois fois de prix en un an) et à la diversification des dépenses des adolescents (téléphones
mobiles, jeux vidéos, DVD, etc.). Le P2P n’aurait donc qu’une influence très marginale sur les baisses des ventes…Pour mémoire, l’industrie cinématographique annonçait la mort du cinéma lors de l’apparition du magnétoscope et de la cassette vidéo. Aujourd’hui, le cinéma est toujours en vie, non ?(1) Administration des droits des artistes et musiciens interprètes.

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Antonin Billet