Passer au contenu

Hadopi : Free accusé de racolage, les FAI traités de lâches

Les premiers courriers d’avertissement viennent tout juste de partir. Les politiques et l’industrie musicale applaudissent, mais l’attitude de Free et celle des FAI font grincer quelques dents.

Après des mois de préparation, la Hadopi est entrée dans le vif du sujet. Elle a adressé les premiers courriers d’avertissement à plusieurs centaines d’internautes suspectés de téléchargement illicite sur les réseaux de P2P (le nombre de courriels envoyés n’a pas été officiellement communiqué). En pratique, ce sont les fournisseurs d’accès qui ont eux-mêmes expédié les messages électroniques à leurs clients. Tous… sauf Free, qui n’a jamais caché son opposition à cette loi.

En dépit de cette défection, c’est le véritable coup d’envoi de la lutte antipiratage voulue par Nicolas Sarkozy pour défendre la création artistique. Le président s’en est félicité dès aujourd’hui. Mais il n’est pas le seul. Petit florilège (non exhaustif) des réactions pour et contre la Hadopi.

Nicolas Sarkozy explique la Hadopi aux lycéens

Le temps d’une visite, le président de la République a improvisé une séance de pédagogie auprès des élèves du lycée Jean-Baptiste-Corot, de Savigny-sur-Orge, histoire de justifier la campagne d’avertissements de la Hadopi. « Si on laisse le pillage que représente le piratage prospérer […], il n’y aura plus de cinéma, il n’y aura plus de disques, il n’y aura plus de livres, il n’y aura plus de créations », leur a expliqué Nicolas Sarkozy, selon les propos rapportés par l’AFP.

Pas sûr que ces lycéens, nés avec le Web, se laissent convaincre par ce discours quelque peu éculé du chef de l’Etat, qui leur a aussi dispensé une petite leçon de morale : « La liberté sans règle, c’est une oppression. C’est la règle qui protège la liberté, c’est l’absence de règle qui tue la liberté. » Un sujet pour le prochain bac de philo ?

NKM : « Le jour où la Hadopi ne servira plus à rien »

La secrétaire d’Etat chargée du Développement de l’économie numérique n’est pas farouchement favorable à la mise en place de la réponse graduée. Interrogée par Jean-Jacques Bourdin au micro de RMC ce matin, Nathalie Kosciusko-Morizet ne commente pas l’envoi des premiers courriels d’avertissement et préfère s’intéresser à un autre volet de la lutte antipiratage. « Le système est en place, et on va pouvoir passer à autre chose », explique-t-elle.

« Autre chose », c’est le développement de l’offre légale, la seule solution aux yeux de NKM à même de résoudre le problème du piratage : « On aura gagné la bataille le jour où la Hadopi ne servira plus à rien. […] Le jour où l’offre légale sera tellement chouette […] que vous ne vous poserez même plus la question d’aller chercher [des contenus] illégalement d’une manière beaucoup plus compliquée. » Dans ce domaine, on est loin du compte, diront les détracteurs de la Hadopi. Quant à l’attitude de Free, qui a refusé d’envoyer les avertissements de la Hadopi, NKM n’est en rien surprise : « C’est leur marque de fabrique, leur slogan », commente-t-elle, en référence à l’attitude toujours très provocatrice de Xavier Niel, le patron de Free.

Le Snep accuse Free de racoler les pirates

Le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep) se réjouit bien évidemment de l’envoi des premiers avertissements. Dans un communiqué, il « salue le travail accompli par cette autorité indépendante [la Hadopi] qui, malgré les critiques injustifiées, a démontré sa capacité à agir ». Mais le Snep enrage face à l’« attitude inadmissible de Free » qui a refusé de relayer auprès de ses abonnés concernés les messages de la Hadopi.
Il dénonce la volonté du FAI de ne pas respecter la loi et l’accuse de « racoler des internautes qui se livrent à des actes de piraterie », alors que ses concurrents, eux, ont accepté d’expédier à leurs propres clients les messages de la Hadopi. Le Snep demande aux pouvoirs publics d’obliger Free à respecter ses obligations. Le FAI était pourtant le premier à informer ses clients du rôle de la Haute Autorité dans son guide d’assistance en ligne.

Hadopi : « Free prend en otage ses abonnés »

La Haute Autorité n’a pas tardé à réagir au refus de Free de relayer ses messages. Dans les colonnes de la Tribune.fr, elle l’accuse de prendre en otage ses abonnés, qui ne seront pas informés du fait qu’ils ont été repérés en train de télécharger des contenus illicites. En revanche, ils recevront bel et bien le second avertissement sous la forme d’un courrier postal en recommandé. C’est l’ultime étape avant la transmission de leur dossier à un juge et l’application d’éventuelles sanctions.

UFC-Que choisir : « Des coups de bâton sur la tête des consommateurs »

« Ce dispositif ne fédère personne, il est à contresens de l’histoire numérique. » Edouard Barreiro, chargé de mission pour l’association de consommateurs, se dit affligé de la mise en œuvre de la réponse graduée : « On va dépenser 12 millions d’euros par an [le budget de la Hadopi, NDLR] pour mettre des coups de bâton sur la tête des consommateurs, alors que cet argent aurait pu servir au développement de l’offre légale. » Au passage, il regrette que les FAI soient contraints de « collaborer » au dispositif et menacés d’amendes s’ils ne communiquent pas les noms de leurs abonnés suspectés de piratage. M. Barreiro regrette que le rapport Zelnik, qui faisait des suggestions en matière de développement de l’offre légale, soit resté lettre morte.

Les lecteurs de 01net : « Les FAI ne sont que des lâches »

Ce que les FAI redoutaient est en train de se produire. De nombreux internautes mécontents de la mise en place de la réponse graduée se retournent contre les fournisseurs d’accès. « Les FAI ne sont que des lâches, la peur au ventre ils n’hésitent pas à dénoncer leurs clients, honte à eux », s’insurge l’un de nos lecteurs dans un forum. Et la tentation de passer chez Free, qui endosse pour le coup le beau rôle, est grande : « Si je reçois cette fameuse lettre, je résilie mon contrat chez Orange et je fonce chez Free, eux ils respectent leurs abonnés », explique un autre lecteur. Vous êtes nombreux à vous féliciter de la prise de position de l’opérateur, même si, comme enjo62, vous n’êtes pas dupes de la politique commerciale de Free, qui « se fait de la pub gratuite et [gagne] potentiellement des clients ».

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Stéphane Long