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Gaia-X : où en est le projet de méta-cloud européen qui veut protéger vos données ?

Lancée en juin dernier, la plate-forme européenne conçue par 22 entreprises, moitié allemande moitié française, sera bientôt accessible à tous les acteurs du cloud. Coup d’oeil dans les coulisses de Gaia-X.

« Gaia-X est officiellement sur les rails. » Yann Lechelle, CEO de l’entreprise française Scaleway spécialisée dans le stockage de données, se félicite du lancement le 21 septembre du méta-cloud européen.
Depuis plusieurs mois, 11 entreprises françaises, dont Scaleway, et 11 de leurs homologues allemandes se mobilisent pour faire émerger une plate-forme de confiance, offrant des
 services d’hébergement des données certifiés RGPD-compatibles.
À terme, l’initiative franco-allemande doit s’ouvrir à tous les acteurs du marché, mêmes extra-européens. Il sera (enfin) possible de voir qui, comment et où sont stockées vos données. 

« Ce n’est plus qu’une question de semaines »

Derrière cette infrastructure technique, qui peut paraître abrupte, se cache un enjeu politique : la souveraineté numérique. Pour que vos données soient effectivement protégées par les lois européennes, la question du stockage est cruciale.
« Sans informations claires et sans choix possible, il n’y a pas de souveraineté », analyse Michel Paulin, CEO de OVHCloud, membre fondateur lui-aussi du projet.
Aujourd’hui, le marché cloud est largement dominé par les géants américains : Amazon, Microsoft ou encore Google. L’ambition d’OVHCloud, Scaleway et les autres offres alternatives européennes avec Gaia-X, est de se montrer. Elle en sera la vitrine. Les quatre piliers pour mener à bien ce projet sont la souveraineté, donc, mais aussi la transparence, la réversibilité et l’ouverture.

Mais avant la mise en ligne de la plate-forme, il reste une « étape purement administrative », nous explique Yann Lechelle, concurrent direct d’OVHCloud mais allié dans le projet Gaia-X.
Après des mois de réunions, les 22 autres entreprises fondatrices (moitié allemande, moitié française) attendent maintenant la validation par décret royal des statuts de l’association, basée en Belgique, qui ont été déposés mi-septembre. « Ce n’est plus qu’une question de semaines », explique le chef d’entreprise, membre du board qui se réunit toutes les deux semaines.

Gaia-x – L’architecture du méta-cloud européen et le rôle de chaque participant.

Avec ses 21 autres partenaires, le dirigeant de Scaleway a pour mission d’assurer la gouvernance de Gaia-X de manière bénévole. Il s’agira d’un pilotage collégial. En parallèle, pour « faire tourner la boutique », il y aura une dizaine de « permanents » dédiés entièrement au fonctionnement de la plate-forme, des métiers de maintenance technique à la gestion administrative en passant par la communication. Par exemple, un CEO et un CTO sont actuellement en cours de recrutement. 

Entamer « la phase opérationnelle » d’ici novembre

Progressivement, le flou qui entoure l’organisation de Gaia-X se lève donc.

« Aujourd’hui on est dans une phase intermédiaire, que la crise sanitaire mondiale complique », temporise l’entrepreneur français. « Mais, si tout se passe bien, Gaia-X devrait entamer sa phase opérationnelle d’ici novembre. »

Son premier sommet est prévu les 18 et 19 novembre 2020 – il était question d’une rencontre en présentiel, mais la pandémie a virtualisé l’évènement. Dans la foulée, une première vague de « day-one members » est attendue. Toute entité peut y prétendre, mais aucun avantage particulier n’est envisagé. Déjà, les membres fondateurs disent avoir reçu plus d’une centaine de demandes rédigées par des organisations pour rejoindre l’association. 

Côté technique, tout est prêt. Infrastructure « fédérée et décentralisée » selon le site officiel déjà en ligne, Gaia-X intègrera ainsi un « référentiel logiciel » que pourront utilisé chaque entité adhérant à la plate-forme.
Cette couche logicielle certifiera aux acheteurs que l’ensemble des normes Gaia-X, c’est-à-dire européennes, est bien respecté. Tout a été conçu en vertu des principes phares du projet, soit la transparence, la réversibilité et l’interopérabilité. Pour construire ce projet, le budget reste modeste : 1,5 million d’euros, payés par le biais d’un ticket d’entrée dont chaque membre s’est acquitté. 

Gaia-X, une initiative européenne inespérée ?  

Des projets estampillés Gaia-x fleurissent déjà. OVHCloud, le leader français du cloud très impliqué dans le projet, a par exemple récemment annoncé un partenariat avec la société allemande T-Systems « pour développer un cloud de confiance en Allemagne qui sera le premier à respecter les recommandations de Gaia-x ».
Pour son directeur général, Michel Paulin, « l’industrie est prête, elle investit massivement et développe des solutions parmi les meilleures du marché ». Ils sont dans les starting-blocks. 

Gaia-x – L’infrastructure de Gaia-x sera fédérée et décentralisée.

Et cette offre répond à une demande des acteurs privés de plus en plus pressante. Aujourd’hui, « 70 % des données européennes sont stockées hors de l’espace communautaire », aime à rappeler OVHCloud.
Or, le marché de la data – et donc son stockage – est en plein essor. Arnold Zéphir, co-fondateur de la start-up Prevision.io, spécialisée dans l’intelligence artificielle (IA), en témoigne.
« On se rend compte que nos clients veulent de plus en plus savoir où sont hébergées leurs données, surtout dans les secteurs sensibles comme la banque ou celui de la santé », analyse-t-il.
Lui, se dit « agnostique » quant à la nationalité de l’hébergeur, mais il estime que Gaia-X « va permettre de rendre visible les petits et moyens européens sur un marché dominé par les gros ». Ces nouvelles préoccupations des acteurs professionnels reflètent les inquiétudes de plus en plus prégnantes chez les citoyens européens. 

Un challenge géopolitique 

Ces « gros », c’est-à-dire principalement (et historiquement) Microsoft avec Azur, mais aussi AWS, d’Amazon, et des offres cloud de Google, sont d’ailleurs invités à participer à Gaia-x. Une ouverture a priori antinomique mais qui correspond à la réalité du marché, des critères techniques et aux valeurs de l’Union européenne.
« Le challenge est de concilier une gouvernance qui garantie les intérêts européens, tout en restant ouvert aux acteurs extra-européens », ambitionne Yann Lechelle. Cet esprit se retrouve, par ailleurs, dans le design du projet qui permet une certaine flexibilité et liberté aux offres de cloud. Une des spécificités des offres made in Europe versus celles des Gafa. 

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Quelles seront les prochaines étapes ? Le premier prototype de Gaia-X est attendue pour début 2021. Si la covid-19 laisse planer un doute sur le calendrier, la pandémie pourrait au contraire s’avérer être un accélérateur pour Gaia-x.
Le besoin d’innovation, de stockage et d’analyse des données de santé mobilisent les États européens, aux premiers rangs desquels la France. Le 13 octobre dernier, l’Élysée renforçait sa coopération avec l’Allemagne sur les infrastructures de données. Un PIIEC (projet important d’intérêt européen commun) devrait voir le jour avant la fin de l’année 2020. Les astres semblent alignés pour que Gaia-X émerge très bientôt, en un temps record. 

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Marion SIMON-RAINAUD