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Comment les opérateurs télécoms tentent de réduire l’empreinte carbone de leurs équipements

Baisser la consommation d’énergie des réseaux ne suffira pas pour atteindre l’objectif européen zéro carbone de 2050. La piste du reconditionnement commence tout juste à être explorée. 

L’Union européenne a fixé pour mission à l’ensemble de ses activités économiques d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. L’association internationale du GSMA, qui représente les intérêts des constructeurs de la téléphonie mobile, s’est engagée, elle, à accompagner son secteur dans cette voie. Elle a profité de la dernière édition du salon du MWC à Barcelone il y a quelques semaines pour publier un rapport sur l’économie circulaire des équipements réseaux. Une petite révolution culturelle pour ce marché qui envoyait son matériel réseau systématiquement à la décharge il y a peu encore.

L'impact environnemental du numérique en fonction des terminaux utilisateurs, des réseaux et des data center.
Ademe/Arcep/Evaluation de l’impact environnemental du numérique en France et analyse prospective, janvier 2022. – L’impact environnemental du numérique en fonction des terminaux utilisateurs, des réseaux et des data center.

Il faut dire que la partie réseau ne représente qu’entre 2 et 14 % de l’empreinte environnementale du numérique en France, d’après l’étude conjointe de l’Ademe et de l’Arcep publiée en janvier 2022. Si l’on ne prend en compte que l’aspect réchauffement climatique, la responsabilité incombant aux réseaux est encore plus faible. Moins de 5 % contre près de 80 % pour les terminaux utilisateurs. Cela est dû principalement au volume des produits écoulés dans le monde. La priorité a donc d’abord été d’inciter les utilisateurs à prolonger la vie de leur smartphone. Toutefois, la phase de fabrication est la principale source d’émissions carbones des réseaux. Il devient donc absurde de ne se focaliser que sur leur utilisation et même souvent uniquement sur leur consommation d’énergie.

Réduire, réutiliser, recycler

La fameuse règle des 3 «R» (Réduire, Réutiliser, Recycler) devrait ainsi aussi s’appliquer aux opérateurs et à leurs fournisseurs. Routeurs, commutateurs modems, répéteurs, serveurs, antennes, DSLAM ou OLT sont concernés, par exemple. Si des efforts sont faits pour les collecter, 80 % du total finirait malgré tout par être démantelé faute de candidat à la réutilisation, pointe le rapport du GSMA. C’est ce marché de la seconde main qu’il faut améliorer dans l’immédiat. Mais pour le moment, la filière reste très fragmentée et a du mal à mettre en rapport une offre abondante avec une demande encore faible.

De nombreux opérateurs lancent donc leurs propres initiatives. C’est le cas d’Orange et de son programme OSCAR, pour Orange Sustainable and Circular Ambition for Recertification. L’opérateur s’engage désormais à acheter de la seconde main. « Nous commençons à signer des accords avec nos fournisseurs comme Nokia, Ericsson ou Juniper pour qu’une quote-part du matériel soit reconditionnée quand nous lançons des appels d’offres », nous explique Ramon Fernandez Orange. L’idée, c’est aussi d’organiser la revente d’équipements décommissionnés entre les filiales du groupe. « Nous avons mis en place des plates-formes internes pour récupérer des équipements d’un pays à l’autre », ajoute-t-il. Lorsqu’une expérimentation 5G se termine, les équipements sont envoyés sur d’autres sites ou à l’étranger.

Faire évoluer les mentalités

Il y aurait malgré tout des limites à cette stratégie. L’équipementier Nokia, qui est pleinement engagé dans cette démarche d’économie circulaire, reconnaît quelques freins. « Lorsque l’on est au début d’une nouvelle technologie, les cycles de renouvellement sont plus fréquents », nous explique Thomas Bertrand, directeur du Marché Europe de l’Ouest et Centrale de Nokia. La société a déjà sorti sa troisième génération d’antenne active 5G alors que la technologie a commencé à être déployée il y a seulement deux ans. « Le client a tendance à aller plutôt sur la dernière génération, mais sur certains sites, on peut très bien utiliser des générations précédentes que l’on recycle ».  Il va donc falloir aussi faire évoluer les mentalités et convaincre les opérateurs que les équipements reconditionnés peuvent être performants pour assurer la qualité du réseau.

Pour Huawei, il y a un autre problème : tout ne peut pas être réutilisé. « Prenez l’exemple de faisceaux hertziens en fin de vie après une dizaine d’années d’utilisation. Cela veut dire que leur conception date d’il y a 13 ou 15 ans, ainsi que leurs cartes et leurs composants. Pourra-t-on réellement les exploiter ? », s’interroge Jean-Christophe Tijou, directeur activité Opérateurs de Huawei France. Outre l’obsolescence technologique, les équipements qui restent à l’extérieur, en particulier ceux des réseaux mobiles, sont parfois exposés au gel, au froid, à la chaleur et même des températures extrêmes dans certains pays.

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Eco-conception et partage d’infrastructures

Le géant chinois mise, lui, sur l’écoconception de ses produits pour réduire son empreinte dès la fabrication. Il a commencé à utiliser des métaux non miniers et recyclés comme l’étain, l’or et le cobalt. Et aussi identifié une liste de matériaux qu’il tente d’éliminer progressivement. Il a notamment considérablement réduit son recours au cuivre dans ses produits. C’est le cas de son OXC, un fond de panier qui connecte plusieurs cartes de circuits imprimés pour les réseaux fixes en fibre optique. « Chaque carte comprenait beaucoup de composants électroniques et de câbles. Tout a été remplacé par de petits modules optiques qui, en plus, consomment moins », nous explique Jean-Christophe Tijou.

Reste un levier d’action supplémentaire : celui du partage des infrastructures entre opérateurs. Pas seulement les pylônes, mais aussi les équipements actifs. La France se montre encore frileuse sur le sujet, car la question se pose de savoir si cela remettrait en question la concurrence entre opérateurs. D’autres pays sont plus volontaires à cet égard, comme la Belgique ou l’Espagne. Le GSMA mène donc un lobbying intensif pour que la situation soit clarifiée et harmonisée au niveau européen. Les opérateurs y ont évidemment intérêt pour réduire les coûts de leur réseau et économiser de l’argent. Mais ce serait dans le même temps une réelle avancée pour la planète. 

Sources : le rapport sur l’économie circulaire du GSMA, l’étude Ademe/Arcep sur l’empreinte environnementale du numérique

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Amélie CHARNAY