Passer au contenu

Boom des télé-consultations : comment vos médecins s’adaptent ?

Pour désaturer les urgences, les cabinets médicaux de ville n’ont pas cessé leurs activités. Afin de respecter les règles de confinement général, de nombreux généralistes et spécialistes ont passé le cap de la consultation  en vidéo.

Dr Papinot*, médecin gynécologue libérale, n’est pas très « douée en ordinateur ». Mais la crise sanitaire actuelle l’a obligée à dépasser son «angoisse du logiciel ». « Au début, c’était franchement pas simple… Puis j’ai regardé pleins de tutos », raconte la quinquagénaire désormais plus à l’aise. Maintenant, sa journée au cabinet se divise entre une dizaine de consultations en vidéo et un peu moins de consultations dites «présentielles».

Un médecin sur trois

La Dr Papinot fait partie des quelques 29 000 médecins libéraux qui ont facturé au moins une télé-consultation au cours de la deuxième semaine de confinement. Pendant le mois de mars, un médecin sur trois a télé-consulté alors que le mois précédent l’Assurance maladie n’en recensait qu’un sur dix.
Pour rappel, cette pratique correspond à « une consultation réalisée à distance au cours de laquelle un patient et un médecin – généraliste ou spécialiste – se parlent et se voient par vidéo transmission » selon la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam).

Au regard des circonstances exceptionnelles, les modalités de télé-consultation ont été largement assouplies. D’abord, le remboursement est pris intégralement en charge par la Sécu alors qu’elles étaient jusqu’alors remboursées qu’à 70 % – comme les « classiques ».
Ensuite, la télé-consultation n’est plus seulement une consultation « de suivi ». Jusqu’alors un premier rendez-vous in situ était obligatoire pour « respecter le parcours de soins » du patient.
Enfin, alors qu’elles étaient exclusivement en vidéo, les télé-consultations sont aujourd’hui réalisables par un simple coup de téléphone. Ces dispositions d’urgence établies par les décrets du 10 et 19 mars seront en place jusqu’au 31 mai 2020. 

Une « découverte forcée »

Cette flexibilité législative répond aux difficultés logistiques éprouvées sur le terrain. Il a fallu réagir vite pour que les cabinets ne deviennent pas des foyers de transmission du Covid-19.

« On a transformé nos plannings, espacé les rendez-vous pour qu’il n’y ait qu’un patient dans la salle d’attente, fait passer les enfants le matin, enlever les jouets dans la salle d’attente… La télé-consultation nous permet de faire un “pré-tri” pour déterminer qui doit absolument être vu », explique le Dr Giraud, médecin généraliste remplaçant.
Mais, pour lui, les consignes sont arrivées tard. « La médecine de ville, c’était le parent pauvre du plan gouvernemental. Au début, on a fait comme on pouvait. On a mis en place des protocoles “maison” pour désinfecter le cabinet». 

Pour pallier le « silence » des autorités, le Dr Giraud a pu compter sur l’entraide numérique. Dans le groupe Facebook « Le Divan des médecins » -récemment entaché par un scandale médiatique – les quelques 13 300 professionnels échangent des conseils, des avis, des recommandations dans cette « découverte forcée » de la télé-consultation. Les jeunes épaulent les plus vieux. 

Le Divan des médecins – Capture d’écran transmise par la modératrice du groupe Facebook du Divan des médecins.

100 000 télé-consultations en un jour

Désormais, le ministère de la Santé et des Solidarités a raccroché les wagons. Tous peuvent se référer à des recommandations ministérielles limpides, doublées de celles de l’Ordre des médecins disponibles en ligne. Un classement exhaustif par niveau de sécurité, répertoriant plus de 100 solutions de télé-consultation a été publié le 18 mars [PDF]. 

Doctolib qui s’enorgueillissait d’héberger deux télé-consultations sur trois en septembre 2019, a vu le nombre de rendez-vous pris en consultation vidéo être multiplié par 100 depuis le 5 mars.
Le lundi 30 mars, la plate-forme a enregistré un record de 100 000 télé-consultations. Pendant la période de confinement, le service de prise de rendez-vous largement popularisé a rendu ses services de consultation vidéo gratuits – au lieu de 79 euros par mois. Une participation à « l’effort collectif », argue la plate-forme – dont les concurrents ont fait de même.

Une « consultation handicapée »

Alors même si sa spécialité s’y prête moins, le Dr Trouiller, rhumatologue libéral, a lui aussi activé l’option vidéo sur Doctolib. « C’était un bel outil pour certaines pathologies », résume-t-il après une petite semaine d’utilisation. Mais, le spécialiste des articulations parle tout de même de « consultation handicapée », évoquant fatalement « l’écran de l’écran ».

Pourtant, comme lui, même les plus réticents s’y sont mis. Selon la Sécu, 486 369 télé-consultations ont été facturées entre le 23 et 29 mars. Cette courbe « exponentielle » suit logiquement les annonces du gouvernement. L’Assurance Maladie en comptabilise moins de 10 000 par semaine jusque début mars, puis 80 000 juste pour la semaine du 16 mars. Un engouement contraint, donc, mais national. 

« En fait, je le faisais déjà avant »

« Ça me permet de facturer un temps de travail en dehors des consultations pour lesquelles le contact n’est pas essentiel, comme le renouvellement d’ordonnance pour des patients que j’ai vu il y a peu », souligne le généraliste Dr Giraud qui envisageait le recours à la télé-médecine déjà depuis le début de l’année. Même constat « finalement » pour le Dr Papinot. « En fait, je le faisais déjà avant, notamment pour l’analyse de certains examens. Aujourd’hui au moins c’est cadré », se réjouit la gynécologue malgré les efforts encore nécessaires pour s’habituer.

Au total, les consultations à distance représentent aujourd’hui 11 % de l’ensemble des consultations contre moins de 1 % avant la crise. Si leur nombre a explosé, les rendez-vous médicaux à l’échelle nationale ont néanmoins fortement baissé. Le Dr Giraud comme le Dr Trouiller enregistrent une chute approximative de 70 % de leurs activités et n’ouvrent pas leurs cabinets qu’un jour par semaine pour les « urgences ».
Au cabinet de gynécologie, l’activité n’a diminué que de moitié. La Dr Papinot continue d’ouvrir tous les jours pour suivre en priorité les femmes enceintes et celles qui ont recours à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). 

Les trois sont, en tout cas, partagés sur la suite. Le Dr Giraud va continuer «c’est sûr !» alors que la Dr Papinot hésite. Mais le Dr Trouiller n’a, lui, pas envie de que ça se prolonge. « Vivement qu’on reprenne notre activité ! ». 

* Le nom a été changé.

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Marion SIMON-RAINAUD