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Bernard Brunhes, président du cabinet Bernard Brunhes consultants : “L’innovation ne peut venir que d’un travail collectif”

Spécialiste des questions sociales, Bernard Brunhes remet en cause le modèle d’entreprise en réseaux. Il vante la notion d’appartenance pour les salariés.

Quelles conséquences les événements américains pourront-ils avoir sur l’emploi en France ?Le nombre de petites annonces d’offres d’emploi publiées dans la presse a considérablement baissé depuis le début de 2001, après les progressions considérables de 1999 et 2000. Et ce freinage concerne l’ensemble du marché du travail, tous secteurs d’activité confondus. Avant l’été, je pensais encore que nous étions partis pour un ralentissement économique, non pour une récession. D’autres étaient plus pessimistes. Mais depuis le 11 septembre, il est impossible de prévoir ce qui va se passer à court et moyen terme. Le développement des nouvelles technologies va se poursuivre, induisant la poursuite de la croissance, mais les attentats de New York font apparaître les graves maladies de l’économie mondiale, marquée par l’écart grandissant entre les nantis et les exclus. L’avenir dépendra aussi de la gestion militaire de la crise. En un mot : Européens et Américains ont tous les atouts pour poursuivre leur développement économique et tous les moyens de gâcher leur chance par une gestion malheureuse de la crise née des attentats ou, du moins, révélée par ces derniers.Cette période troublée aura-t-elle une influence sur le mode d’organisation des entreprises ?Depuis une dizaine d’années, on constate une tendance à l’éclatement de la communauté de travail dans les entreprises. L’externalisation de services à des prestataires extérieurs à la société conduit à une séparation entre l’employeur et le producteur. Il me paraît difficile de poursuivre cette évolution, qui est allée très loin, et conduit naturellement des dirigeants à être entourés d’un nombre réduit de collaborateurs choyés, retenus par les stock-options, et à rejeter sur d’autres les aléas et les difficultés de la production.Doit-on se réjouir de cette évolution ?Ce qui fait la force d’une entreprise dans un pays développé aujourd’hui, c’est moins la compétitivité de ses coûts que sa capacité d’innovation marketing ou technologique. Les constructeurs automobiles gagnent des parts de marché lorsqu’ils inventent de nouveaux concepts, mettent en place des produits nouveaux. Or, l’innovation ne peut venir que d’une intelligence, d’un travail collectif, c’est-à-dire de la construction, par un groupe d’hommes et de femmes, d’idées nouvelles à partir de toutes les connaissances que les réseaux permettent de rassembler. On a besoin d’internet et d’intranet, de ces réseaux virtuels, mais on a aussi besoin de groupes charnels, de gens qui ont un but commun et ont envie de bâtir quelque chose ensemble. C’est la raison pour laquelle les entreprises doivent toujours penser à la manière dont leurs salariés travaillent ensemble. On est loin du taylorisme.Quelles sont les principales conséquences de l’entrée des technologies dans la vie quotidienne de l’entreprise ?Elles sont nombreuses. Par exemple, la gestion du personnel se faisait autrefois de façon collective. Les niveaux de rémunération, les promotions et avancements se déterminaient de façon automatique à partir de grilles. Avec les systèmes modernes de communication, l’organisation pyramidale et taylorienne a disparu. On est passé de la pyramide à une structure plate, en pizza. La hiérarchie fait place au contrat. Les salariés ne se contentent plus d’exécuter des ordres, ils prennent des initiatives, partagent les informations, poursuivent des objectifs de production, sont en liaison directe avec les clients. Progressivement, l’organisation des entreprises s’est transformée : les nouvelles technologies de l’information y sont pour beaucoup. Pour le travailleur de base, c’est un profond changement. Il a maintenant plus de responsabilités mais ressent aussi davantage de pression.

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Nicolas Arpagian et Jean-Jérôme Bertolus