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Scanners en batterie !

Pour améliorer ses services au public, le bureau central des archives militaires numérise son fonds d’archives. Un travail de titan qui ne se terminera pas avant 2015.

Au sein des archives militaires, le nerf de la guerre est le scanner. Il y a un peu plus d’un an, le Bureau central des archives militaires (BCAAM), organisme interarmées basé à Pau, s’est attelé à numériser l’ensemble de son fonds d’archives : 29 millions de dossiers répartis sur 70 kilomètres de rayonnages et entreposés dans la caserne Bernadotte, le deuxième plus grand bâtiment militaire français. Cette opération, évaluée à plus de 1 million d’euros, se déroulera jusqu’en 2015.Fondé en 1961, le BCAAM détient les archives individuelles relatives au service national et celles des militaires de carrière. Il s’agit de l’établissement auquel les Français doivent s’adresser pour obtenir une attestation de service militaire (pour une demande de retraite, par exemple), un diplôme de citation ou une candidature à une décoration. Il constitue également une des seules structures militaires à laquelle les Français peuvent s’adresser pour effectuer des recherches sur les états de services de leurs parents.‘ La question du gain de place est évidemment une de nos préoccupations, puisque nous ne pouvons pas pousser les murs, explique le lieutenant-colonel Alain David, directeur du BCAAM. Mais notre vrai but est d’améliorer les services que nous rendons au public. ‘ Actuellement, le BCAAM est capable de fournir une réponse dans un délai de six à huit semaines. Après numérisation des archives, le temps de traitement des demandes ne devrait pas excéder une journée.

Le parcours du combattant

Pour mener à bien cette campagne de numérisation, la caserne Bernadotte s’est massivement équipée en matériel informatique. Elle dispose aujourd’hui de trois scanners capables de numériser 10 000 documents en moyenne par jour. En 1992, le BCAAM disposait d’une trentaine d’ordinateurs. ‘ Aujourd’hui, la structure en compte plus de 360 ‘, claironne Jean-Marie Soubies, l’ingénieur responsable du projet.La tâche n’en est pas plus facile pour autant. Car ce chantier a tout du parcours du combattant, tant la numérisation des archives est une opération minutieuse dans laquelle l’intervention humaine est omniprésente. L’essentiel des documents à scanner correspond aux ‘ feuillets nominatifs de contrôle ‘ (FNC), sortes de fiches synthétiques de la carrière militaire de chaque Français.Avant d’être scannés, ces documents doivent être soigneusement préparés. Agrafes, morceaux de ruban adhésif et ajouts de papiers sont retirés pour éviter qu’une feuille ne se coince dans un scanner. Par ailleurs, chaque fiche doit être découpée à la main pour ôter les bords abîmés et les déchirures. L’intervention humaine est également nécessaire lors de la numérisation : le papier utilisé par l’armée étant trop épais pour permettre à l’appareil d’attraper les feuilles une par une, un agent doit être présent en permanence pour veiller à ce que la machine ne saute aucune fiche. Les documents sont ensuite classés sous forme d’images dans une base de données.C’est la nuit que s’effectue l’étape suivante : la lecture automatique des fiches numérisées. Pour chaque scanner, six PC traitent les documents numérisés : le contraste de l’image est corrigé, les ‘ parasites ‘ (poussières, taches, trous d’agrafes…) sont effacés. ‘ Les documents sont plus lisibles dans leur version numérisée que dans la version sur papier ‘, s’enthousiasme Jean-Marie Soubies. Un logiciel pratique ensuite une reconnaissance de caractères des noms, prénoms et matricule de chaque document, puis stocke l’ensemble de ces informations dans une base de données. En raison de la grande variété des FNC, ce logiciel est capable de reconnaître aussi bien les pleins et les déliés d’une écriture manuscrite des années trente, que la frappe irrégulière de machines à écrire des années soixante.

Vérification manuelle

Pour chaque document, un coefficient de certitude est fixé, qui permet d’évaluer la qualité de la reconnaissance des caractères. ‘ Si un document ne dépasse pas le coefficient de certitude minimum établi pour une classe, alors il devra être traité à la main, dès le lendemain ‘, explique Jean-Marie Soubies. Le cahier des charges du BCAAM prévoit que la proportion de documents à traiter à la main ne devrait jamais dépasser 20 % des fiches traitées dans une journée. Ce qui représente tout de même 2 000 documents à valider manuellement. ‘ Il est vrai que ce chiffre reste important, c’est pour cela qu’on doit conserver une grande activité humaine ‘, concède-t-il.Mais le risque zéro n’existe pas. ‘ Il peut arriver que dans une série de documents, un individu dispose de deux fiches mais qu’une seule soit numérisée, ce qui décale tout le reste, explique Jean-Marie Soubies. Dans ce cas, le système constatera l’erreur et exigera que les documents soient vérifiés manuellement. ‘ Le taux d’erreur reste cependant bas, évalué à moins de trois documents sur mille. Pour chaque série de documents scannés, le BCAAM dispose d’une ‘ base de référence ‘, construite par la Direction du service national. Cette base permet de recouper les informations trouvées dans les documents scannés (nom, prénoms, matricule) et de vérifier qu’aucune erreur de reconnaissance n’a été commise par le système.

Le papier, dernier recours

Dans tous les cas, le papier permet encore de conserver une base fiable lorsque la numérisation se révèle défaillante. La question de l’avenir de ces kilomètres d’archives entreposées dans la caserne Bernadotte est donc essentielle. Actuellement, plusieurs solutions sont envisagées par la Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives du ministère de la Défense, même si aucun choix n’a été arrêté. La destruction totale ou partielle de ces documents n’est pas exclue.Jean-Marie Soubies estime qu’un tel choix est encore prématuré. ‘ Il est urgent de ne pas se presser de détruire tout ce papier, précise l’ingénieur. Il constitue encore aujourd’hui le dernier recours de nos services. En cas d’erreur dans la numérisation, c’est au papier que nous faisons confiance. ‘ Un envoi au pilon des archives sur papier ne serait pas envisageable, selon lui, avant que les Français concernés par les services du BCAAM naient atteint un âge très avancé. Même remplacé, le papier a donc encore de beaux jours devant lui.

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Benoît Méli