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‘ Comme à Ostende ‘

Scènes de bord de mer, silhouettes suspendues dans les airs, Alain Wibert nous offre un grand bol d’air frais et coloré, un regard décadré et amusé…

Scènes de bord de mer, silhouettes suspendues dans les airs, Alain Wibert nous offre un grand bol d’air frais et coloré, un regard décadré et amusé sur les estivants de la côte Belge, qui lui offre sa palette de couleurs préférée. Pour prolonger l’été…Micro Photo Vidéo : la photographie est une pratique artistique nouvelle pour vous. Comment avez-vous débuté ?Alain Wibert : mes études me destinaient initialement à l’illustration pour l’édition et la presse magazine, puis j’ai bifurqué vers le graphisme et le webdesign. Durant mes quatre années d’études à l’Académie, j’ai touché à la photographie argentique, bien sûr, mais sans passion : le labo, l’odeur des produits me dégoûtaient un peu. Ce sont en fait la maîtrise des logiciels d’image et l’exercice quotidien de mon métier de graphiste-web-designer qui m’ont ‘ initié ‘ au plaisir d’une photographie numérique sans odeur. À force de retoucher les photographies des autres, j’ai eu envie de réaliser les miennes : des photos d’auteur et des illustrations pour les sites web que je réalise. J’essaie aujourd’hui de transposer dans la photo tout ce que j’ai appris avec l’illustration et le graphisme : la discipline, la réflexion, le dessin, la maîtrise de la couleur, la composition.MPV : quels thèmes vous inspirent en particulier ?A.W. : les situations où les gens se donnent, d’une certaine façon, en spectacle. Je n’aime pas les photos volées, ni les photos ‘ terroristes ‘ prises de force et qui mettent le sujet mal à l’aise. J’ai me prendre les gens quand ils sont sur la plage, quand ils s’amusent, se réunissent, font la fête. Quand la situation m’y autorise, je photographie les gens dans leur milieu naturel en y ajoutant une petite pointe d’étrange et de mystère, en figeant le temps en un ‘ suspens gracieux ‘ pour reprendre la formule de Baudrillard. Figer le mouvement, c’est magique !MPV : parlez-moi de cette série d’instants choisis pris en station balnéaire. Qu’aimez-vous dans ces ambiances estivales ?A.W. : la plupart de mes photos ont été prises à Ostende, sur la côte Belge qui est un endroit merveilleux pour la photographie. Quelle que soit la couleur du ciel, il y a toujours quelque chose à trouver ! Il suffit de s’y promener et d’observer cette variété incroyable de gens, ces scènes à la fois très poétiques et très kitsch. J’aime, par le cadrage, dissocier une situation de son contexte, la remettre en scène sans que l’on puisse très bien identifier de quoi il s’agit exactement ! Mon passé d’illustrateur ressurgit, j’aime quand une photo raconte quelque chose, sans se dévoiler.MPV : quel appareil numérique utilisez-vous pour vos photos, personnelles et professionnelles ?A.W. : j’ai commencé la photo numérique avec un compact Canon Ixus. Un format idéal pour des prises de vues insolites, un bloc-notes visuel à un coût dérisoire, un outil qui suit la vitesse de la pensée, mais trop limité en contrôle et réactivité. J’ai alors vite opté pour un reflex Nikon D70, avec son zoom d’origine AF-SDX 18-70 mm. Il me suit partout, même s’il est plus imposant. Il a ses défauts mais j’ai appris à les compenser. Par exemple, pour pallier le problème récurrent de faible tolérance aux écarts de luminosité, Nikon a choisi la sous-exposition, ce qui peut parfois ‘ éteindre ‘ les clichés. Si je ne peux pas juger du résultat sur l’écran de contrôle de l’appareil, trop flatteur, j’utilise l’histogramme pour vérifier que le cliché est suffisamment bien exposé, et je rééquilibre si besoin l’exposition en retouche avec Photoshop. Je me fie complètement à la qualité de mon écran d’ordinateur, un Formac 19 pouces, calibré régulièrement au moyen d’une sonde. Mes tirages sont sans surprise. En revanche, je regrette vraiment l’absence de repères pour la mise au point sur le D70, j’utilise peu l’autofocus. De plus, le viseur est un peu petit et, en plein soleil, c’est vraiment difficile de voir ce qui s’y passe. Parfois, il y a de mauvaises surprises. Je suis patient et j’accepte d’être tributaire des défauts du matériel. Je compose avec, j’anticipe.MPV : que vous a apporté le numérique ?A.W. : l’appareil photo numérique a permis à beaucoup de gens de découvrir ou de redécouvrir la photo : c’est devenu quelque chose de plus léger, de plus spontané. Mais ce qui me semble vraiment nouveau, c’est la possibilité de voir immédiatement ses photos, sans délai, juste après la prise de vue. Le Polaroïd offrait déjà ce frisson. Aujourd’hui, la majorité des ‘ photographes numériques ‘ regardent tout de suite leur photo. Avec l’argentique, on observait le sujet avant de prendre une image, maintenant on fait l’image et puis on regarde le sujet ! C’est tout autre chose ! On efface tout de suite et on ne laisse plus sa chance à une photo ratée à première vue. Mais quelle liberté ! Qui se prolonge avec la retouche et l’édition sur ordinateur. La technique, la technologie ont toujours été les moteurs du développement de la photographie et, avec le numérique, l’histoire continue.MPV : quels éléments retouchez-vous le plus souvent dans vos images de bords de plages ?A.W. : la courbe de luminosité, le contraste et tous les élément gênants dans le cadre. Photoshop est mon logiciel de prédilection, je n’utilise aucun filtre, aucun plug-in particulier. Le compliment qui me fait le plus plaisir, c’est quand on me dit : il y a un montage, un trucage ? Qui sait ! Je cherche sur tout à épurer, à ne garder que l’essentiel, je retire souvent beaucoup de personnages, je déplace un arbre, un mur. Je ne cherche pas à rendre une scène surréaliste par des effets de collage, ni à construire un décor virtuose avec Photoshop. J’aime au contraire que les retouches soient invisibles, comme au cinéma : un bon montage est un montage qui ne se voit pas. Ce n’est pas le logiciel qui me donne le sujet, il m’aide simplement à mieux l’exprimer, en donnant un petit coup de pouce à la réalité.MPV : sur quels éléments repose votre esthétique photographique ?A.W. : je viens de l’image peinte et dessinée, j’ai des bases plutôt classiques. Je suis très attiré par la photo couleur. La couleur offre une dimension supplémentaire avec laquelle je peux jouer, soit comme élément de composition, soit comme élément graphique. Souvent, le point de départ d’une photo n’est qu’un point de couleur. J’ai un ?”il assez ‘ primitif ‘, une vision 2D plutôt picturale et je suis moins à l’aise avec l’espace, la profondeur. Avec le temps, je suis devenu plus minimaliste, j’ai me ce qui est dépouillé, un décor vide et un seul sujet. Le vide n’est pas synonyme de pauvreté. Si j’accorde une grande importance au cadrage, je pense que la photo, c’est surtout une affaire de détails. La plus belle des compositions peut être gâchée par un regard mal dirigé, un geste déplacé, une poubelle dans le décor. C’est pourquoi je travaille avec des cartes CompactFlash de taille modeste, pas plus d’1 Go, pour éviter de mitrailler inutilement, tout en gardant un nombre suffisant de prises de vues sous la main. La photographie doit nous aider à mieux voir, à mieux observer notre environnement.MPV : Votre support d’édition privilégié est votre photoblog, sur lequel vous postez régulièrement vos images sans ordre ni légende. Quelle est l’idée de ce ‘ poulailler ‘ ?A.W. : j’ai commencé ce blog il y a un an. Le nom de ‘ poulailler ‘ vient d’un ancien projet commun avec des amis, un magazine illustré traitant de la Belgique, sur un mode plutôt décalé et humoristique. Le projet n’a jamais vu le jour, mais j’ai conservé le nom : ‘ poulailler ‘ évoque ce vers quoi tendent les choses, les projets, les entreprises humaines, qui démarrent sur des idées bien établies, puis finissent par bricoler, composer avec le réel, les aléas, les imprévus. Petit à petit, on construit un poulailler : une structure informe un peu bancale mais malgré tout fonctionnelle. Au départ, j’avais un petit stock de photos et comme j’étais courageux, je me levais tôt avant le boulot et je mettais une image par jour en ligne. Évidemment, ça n’a pas duré. Aujourd’hui, je mets en ligne mes images au fur et à mesure de leur fabrication. C’est pourquoi, j’ai pris le parti de présenter les photos sans habillage, ni commentaires. En tant que graphiste, je connais les artifices qui permettent de présenter des photos assez quelconques sous leur meilleur jour, en recadrant ou en isolant un détail. Je m’efforce de ne jamais y avoir recours : les photos présentées sur le poulailler sont identiques à leur format d’origine, sans recadrage. Je laisse parler l’image, sans légende, afin que les visiteurs fassent leurs propres commentaires, ce qu’ils font et je les en remercie. C’est une vraie stimulation.MPV : est-ce que le webdesign vous a amené vers un style de photographie ?A.W. : pas vraiment, le web n’est pas une fin en soi pour moi, il offre avant tout le plaisir de montrer son travail. J’aime les images plutôt statiques, qui vous guident, sans interaction intégrée, sans effet de fondu enchaîné : encore une trace de mon passé d’illustrateur ! En revanche, j’ai découvert beaucoup de photographes sur Internet : Miklos Gaàl, Pieter Hugo et tant d’autres ! Le web est un outil formidable pour dévoiler les professions créatives !MPV : sur quels projets travaillez-vous en ce moment ?A.W. : j’explore les ressources du photomontage, du collage avec Photoshop. J’aimerais réaliser des images dans lesquelles le sujet serait la retouche justement, l’inverse de ce que j’ai l’habitude de faire.

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Marilia Destot