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Un jeu vidéo provocateur veut faire jouer le massacre de Columbine

School Shooter, un jeu indépendant développé par un studio amateur, proposera de jouer le rôle d’un lycéen assassin. L’indignation gronde, son concepteur tente de s’expliquer.

Les sites de jeux vidéo anglo-saxons parlent d’un projet « malade », qui « dépasse les limites » et ne manifeste « aucune honte ». La description officielle de School Shooter : North America 2012 parle d’elle-même. « Vous incarnez un étudiant mécontent, excédé à cause de quelque chose (on ne sait pas trop quoi exactement), et qui, après avoir ciblé plusieurs écoles pour un massacre, décide de devenir la meilleure gâchette en milieu scolaire de l’histoire. Vous décidez quelle arme embarquer, dans l’arsenal des précédents tueurs, comme le TEC-9 d’Eric Harris, le fusil à pompe à canon scié de Dylan, les deux six-coups de Seung-Hui Cho ou le cutter de Nevada-Tan. Les possibilités sont infinies, vous êtes libre de faire tout ce que vous voulez. Tant qu’il s’agit de tuer des gens. »

Basé sur une modification du moteur graphique de Half-Life 2 (le Source Engine), School Shooter n’en est encore qu’au stade de projet. >Checkerboarder, l’équipe de développeurs amateurs qui s’en occupe, ne compte pas encore de programmeur dans ses rangs, mais elle a déjà une vision très précise de ce à quoi devrait ressembler leur jeu : six écoles à explorer et à massacrer, treize armes inspirées de tueries historiques, un système de points qui tient compte des tirs en pleine tête et, à la fin de la partie, le suicide du personnage principal. Malaise.

« La diabolisation des tueurs m’écœurait »

Dans une interview surréaliste à The Escapist, Pawnstick, son concepteur, revendique fièrement le ton polémique du projet, tout en relativisant sa portée. « Ce n’est qu’un jeu, je ne suis qu’un développeur, se défend-il. Ce n’est pas à moi d’essayer d’apprendre au monde à se réconcilier avec lui-même ou de guérir les maux de la société. »

Dans l’un des passages les plus glaçants de l’interview, il se mure même dans une posture de complète indifférence : « Les médias ont essayé de couvrir [les tueries comme Columbine] de manière à rendre ces événements plus dramatiques qu’ils ne l’étaient en réalité. Même quand j’étais tout jeune, je m’en étais aperçu. La manière dont les journaux ont “victimisé” les victimes et diabolisé les tueurs m’ont dégoûtée davantage que les fusillades. Je n’ai jamais connu de victimes, ni de gens qui étaient dans ces écoles. Cela m’a autant affecté que le tremblement de terre à Haïti. C’est-à-dire, presque pas du tout. »

Le plaisir de tuer des innocents

Le studio assure d’ailleurs ne jamais reculer face aux pressions de familles de victimes. Après tout, se demande, le concepteur, a-t-on fait interdire Call of Duty parce qu’il rappelait à certaines familles un grand-père mort à la guerre ? Loin de s’offusquer de concevoir une simulation de fusillade, Pawnstick revendique même la parfaite adéquation du sujet avec les jeux vidéo. Après tout, rappelle-t-il, GTA est l’une des séries les plus populaires, et même si abattre mafieux et policiers vaut son pesant de moutarde, « l’aspect le plus attirant du jeu, indubitablement, est de prendre des civils par surprise et d’en faucher un maximum avant que la police ne rapplique ».

A ce détail près que son jeu fera l’économie des forces de l’ordre et que, bien sûr, les autres lycéens ne seront pas armés. « Ce qui est drôle dans le fait de tuer des personnages virtuels innocents, analyse-t-il très sérieusement, c’est qu’ils sont incapables de riposter. » A défaut de rassurer sur le contenu du jeu, Pawnstick se montre favorable à une loi qui interdirait les jeux violents aux mineurs, tout en reconnaissant qu’elle serait difficilement applicable à School Shooter, qui sera un jeu gratuit téléchargeable.

« Un substitut qui empêche de passer à l’acte »

Un autre jeu indépendant dédié à la fusillade de Colombine existe déjà, Super Columbine Massacre RPG. Et malgré son sujet, il est disponible en téléchargement pour tous publics, faute de passer par le circuit traditionnel, beaucoup plus balisé. « A défaut d’avoir cette sécurité, relève Pawnstick, l’un de nos buts est de créer pour chacun sa propre expérience exclusive : que n’importe quel gamin tourmenté qui pense à braquer son école, joue au jeu, le trouve suffisamment amusant pour servir de substitut et l’empêche de passer à l’acte dans la réalité. »

Cet argument, Pawnstick le répète deux fois au cours de l’interview. De là à réserver son futur jeu, attendu dans le courant de l’année 2011, aux esprits les plus fragiles ? Pas forcément. La cible de School Shooter, ce sera, selon lui, « le type de joueur qui trouve amusant de prendre une intelligence artificielle non hostile par surprise. Quelqu’un qui relève le défi d’abattre le plus possible de personnages non-joueurs désarmés en temps limité. Idéalement, les joueurs qui acceptent que les jeux vidéo ne soient pas  particulièrement profonds ou éclairants, et trouvent qu’ils sont plus drôles quand il y a juste à déconnecter son cerveau et à laisser les réflexes parler. » En espérant que School Shooter ne déconnecte tout de même pas trop de cerveaux !

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William Audureau